Corégone de l'Atlantique (Coregonus huntsmani): évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2010

Illustration du corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani).

En voie de disparition – 2010

Table des matières

Information sur le document

COSEPAC - Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2010. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. xii + 33 p.

Rapport(s) précédent(s) :

COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 37 p.

EDGE, T., et J. GILHEN. 2000.  Rapport de situation du COSEPAC sur le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani) au Canada, in Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani) – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces sauvages en péril au Canada. Ottawa. Pages 1 – 37.

EDGE, T.A. 1984. COSEWIC status report on the Acadian whitefish Coregonus huntsmani in Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. 18 p.

Note de production :
Le COSEPAC remercie Tim P. Birt qui a rédigé le rapport de situation provisoire sur le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani), en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. La participation de l’entrepreneur à la rédaction du présent rapport de situation a pris fin avec l’acceptation du rapport provisoire. Toutes les modifications apportées au rapport de situation durant la préparation subséquente du rapport de situation provisoire de six mois ont été supervisées par John Post, coprésident du Sous-comité de spécialistes des poissons d’eau douce du COSEPAC.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819-953-3215
Téléc. : 819-994-3684
Courriel
Site Web

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Atlantic Whitefish (Coregonus huntsmani) in Canada.

Illustration/photo de la couverture :
Corégone de l’Atlantique -- Dessin de P. Drucker Bramwell, 1984, reproduit avec la permission de Don McAllister.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2011.
No de catalogue CW69-14/152-2011F-PDF
ISBN 978-1-100-97318-0

COSEPAC
Sommaire de l’évaluation

Sommaire de l'évaluation – novembre 2010

Nom commun
Corégone de l'Atlantique

Nom scientifique
Coregonus huntsmani

Statut
En voie de disparition

Justification de la désignation
Cette espèce unique endémique au Canada, présente que dans une seule localité, est restreinte à trois lacs interconnectés en Nouvelle-Écosse. Sa viabilité est menacée par l'introduction illégale de poissons exotiques.

Répartition
Nouvelle-Écosse

Historique du statut
Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 1984. Réexamen et confirmation du statut en novembre 2000 et en novembre 2010.

COSEPAC
Résumé

Corégone de l'Atlantique
Coregonus huntsmani

Information sur l’espèce

Le corégone de l’Atlantique (sous-famille des Coregoninae) a les flancs argentés, le ventre blanc et le dos noir, noir bleuté ou vert foncé. Chez les spécimens sauvages, la longueur à la fourche ne dépasse guère 300 mm. Le corégone de l’Atlantique se distingue du grand corégone par des caractères morphologiques et méristiques, notamment par la position de sa bouche, plus terminale, par la longueur de ses nageoires pectorales, plus courtes, par le nombre d’écailles présentes sur sa ligne latérale, plus élevé (plus de 90), et par le nombre de ses vertèbres, également plus élevé (plus de 64). La séquence du gène COI de l’ADN mitochondrial confirme que le corégone de l’Atlantique est une espèce distincte, très différente des autres corégones.

Répartition

Le corégone de l’Atlantique est endémique au Canada, où son aire est restreinte à trois lacs (Hebb, Milipsigate et Minamkeak) du bassin hydrographique de la Petite Rivière, situés près de Bridgewater, en Nouvelle-Écosse. Il y a donc une seule unité désignable de l’espèce. Dans les dernières années, quelques spécimens ont été capturés dans le cours inférieur de la Petite Rivière; on pense qu’il s’agissait d’individus provenant de la population des trois lacs, situés en amont. Autrefois, le corégone de l’Atlantique était commun dans l’estuaire de la Petite Rivière. L’espèce a été introduite dans le lac Anderson, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, à titre expérimental. On ne sait pas encore si elle a réussi à y accomplir tout son cycle vital. La population répertoriée pour le bassin des rivières Tusket et Annis, dans le comté de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, est probablement disparue.

Habitat

À l’origine, le corégone de l’Atlantique, en particulier la population du bassin de la rivière Tusket, était de nature anadrome. Les adultes vivaient dans les eaux marines et estuariennes en été et remontaient les cours d’eau douce à l’automne pour frayer. Après le frai, une partie au moins de la population passait l’hiver en eau douce et redescendait vers les eaux de marée au printemps.

La population vivant dans les lacs du bassin de la Petite Rivière est captive, et les individus accomplissent tout leur cycle vital dans ces lacs et les cours d’eau les reliant. L’espèce est parfois observée en amont de ces lacs, mais rien ne permet de croire que ces individus proviennent d’une population anadrome; il s’agit probablement plutôt d’individus de la population dulçaquicole qui ont été emportés par–dessus le barrage du lac Hebb. Les données de capture et d’analyse de contenu stomacal montrent qu’à la différence du grand corégone, qui est plutôt benthique, le corégone de l’Atlantique occupe toute la colonne d’eau. 

Biologie

Les connaissances sur la biologie fondamentale du corégone de l’Atlantique sont loin d’être complètes. On sait que l’espèce fraye en décembre ou janvier et que les œufs sont collants et tombent au fond des lacs, mais on ne connaît pas l’emplacement exact des sites de frai. Dans les lacs du bassin de la Petite Rivière, des jeunes de l’année ont parfois été observés près des rives, mais l’habitat d’élevage n’est pas complètement caractérisé. La vitesse de croissance et la distribution de fréquence des âges demeurent inconnues à cause de l’incertitude entourant la détermination de l’âge. Les déplacements des individus dans les lacs n’ont pas non plus été étudiés. Selon les quelques analyses de contenu stomacal qui ont été faites, l’espèce se nourrirait en grande partie de zooplancton, d’insectes et de menus poissons. Il semble que la population sauvage soit limitée par les ressources disponibles : les individus n’atteignent pas une forte taille, ne vivent pas longtemps et ont un potentiel de reproduction limité. On peut penser que ces caractères sont liés à la vie dulçaquicole, car chez les populations anadromes historiques les individus atteignaient une taille beaucoup plus grande.

Les analyses génétiques n’ont révélé aucune différenciation entre populations des trois lacs; la variabilité des microsatellites et de l’ADN mitochondrial était faible.

Taille et tendances des populations

Il n’existe aucune estimation quantitative de l’abondance du corégone de l’Atlantique. Cependant, les données qualitatives disponibles indiquent que l’espèce a connu un déclin au cours des dernières décennies et que l’effectif du bassin de la Petite Rivière est faible. Si, comme on le suppose, le corégone de l’Atlantique est disparu du bassin des rivières Tusket et Annis, la zone d’occupation de l’espèce a diminué de moitié au cours des 30 dernières années (il est à noter que l’espèce est disparue du bassin de la rivière Tusket avant l’évaluation de 2000 par le COSEPAC). La taille efficace de la population a été estimée à 140 individus, soit une valeur inférieure d’un ordre de grandeur aux estimations obtenues pour des populations de grand corégone vivant dans des lacs de superficie comparable, en Nouvelle-Écosse. Depuis la dernière évaluation du COSEPAC, la zone d’occurrence de l’espèce est demeurée inchangée : elle couvre une superficie d’environ 16 km², englobant les 3 lacs du bassin de la Petite Rivière et les eaux les reliant.

Facteurs limitatifs et menaces

À notre époque, les facteurs limitant ou menaçant la population de corégone de l’Atlantique du bassin de la Petite Rivière sont les obstacles aux déplacements des poissons, la présence de l’achigan à petite bouche ainsi que l’urbanisation et ses effets, notamment la pollution causée par le lessivage des déchets ménagers. Il existe d’autres sources moins importantes de risque direct ou indirect de mortalité ou de blessure, dont la prise accessoire par les pêches commerciales et récréatives, l’entraînement d’individus dans les prises d’eau de consommation et d’irrigation, la dégradation de la qualité de l’eau associée aux activités agricoles, forestières et minières, des taux d’acidité toxiques attribuables aux précipitations acides et des pertes liées aux activités de recherche, d’évaluation et de rétablissement. Un niveau de risque non déterminé est lié à l’introduction d’espèces convoitées en pêche récréative.

Importance de l’espèce

Les analyses génétiques montrent que le corégone de l’Atlantique est une espèce  distincte ancienne et très différente des autres corégones. Il ne fait aucun doute que l’espèce n’est pas issue d’une lignée moderne (postérieure au pléistocène). C’est pourquoi le corégone de l’Atlantique doit être considéré comme élément de la biodiversité du Canada d’importance mondiale.

Protection actuelle

Le COSEPAC a classé le corégone de l’Atlantique comme espèce en voie de disparition. Le corégone de l’Atlantique est protégé en vertu de la Loi sur les pêches du Canada et de ses règlements. Il est inscrit à la liste des espèces en voie de disparition de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Il est également protégé en vertu de l’Environment Act et de l’Endangered Species Act de la Nouvelle-Écosse. Comme l’exige la Loi sur les espèces en péril, un programme de rétablissement de l’espèce a été préparé par le ministère des Pêches et des Océans du Canada (MPO).

Résumé technique

Coregonus huntsmani

Corégone de l’Atlantique Atlantic Whitefish

Répartition au Canada : Nouvelle-Écosse

Données démographiques

 
Durée d’une génération
Voir la section Cycle vital et reproduction
De 3 à 4 ans (estimation)
Y a–t–il un déclin continu du nombre total d’individus matures?
Voir la section Facteurs limitatifs et menaces
Ce n’est pas certain
Pourcentage estimé du déclin continu du nombre total d’individus matures Inconnu
Pourcentage de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des trois dernières générations Inconnu
Pourcentage prévu de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des trois prochaines générations Inconnu
Pourcentage estimé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours de toute période de trois générations couvrant une période antérieure et ultérieure Inconnu
Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises et ont effectivement cessé? Sans objet
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? On ne sait pas

Information sur la répartition

 
Superficie estimée de la zone d’occurrence
La superficie de la zone d’occurrence est la somme des superficies des trois lacs où l’espèce est présente à l’état sauvage et des cours d’eau les reliant. Estimée par la méthode du plus petit polygone convexe, la zone d’occurrence = 39 km²
16 km²
Indice de zone d’occupation (IZO)
Grille de 2 x 2 : 76 km²
76 km²
La population totale est–elle très fragmentée? Non
Nombre de « localités* » 1
Y a–t–il un déclin continu de la zone d’occurrence? Non
Y a–t–il un déclin continu de l’indice de zone d'occupation? Non
Y a–t–il un déclin continu du nombre de populations?
Seulement une population connue
Non
Y a–t–il un déclin continu du nombre de localités? Non
Y a–t–il un déclin continu de la qualité de l’habitat?
Introduction de l’achigan à petite bouche, eutrophisation des eaux attribuable à l’urbanisation, obstacles aux déplacements des poissons.
Probablement que oui
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de localités*? Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence?
Stable depuis 3 générations
Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de l’indice de zone d'occupation?
Stable depuis 3 générations
Non

* Voir la définition de localité.

Nombre d’individus matures (dans chaque population)

 
Population Nbre d’individus matures
Total Inconnu
Lacs du bassin de la Petite Rivière Inconnu
   

Analyse quantitative

 
Probabilité de disparition de l’espèce à l’état sauvage Inconnue

Menaces (réelles ou imminentes, pour les populations ou leur habitat)

Les obstacles aux déplacements des poissons réduisent la productivité de la population de corégone de l’Atlantique. Les individus emportés par-dessus le barrage d’Hebbville ne comptent plus dans la population reproductrice. Les obstacles aux déplacements excluent également l’anadromie.

L’achigan à petite bouche, espèce prédatrice introduite dans les eaux où vit le corégone de l’Atlantique, risque de modifier la structure trophique et les relations de compétition dans l’habitat de l’espèce.

L’acidification des eaux était en cause dans la disparition du corégone de l’Atlantique du bassin des rivières Tusket et Annis et devra être prise en considération au moment de choisir les bassins où l’espèce sera introduite (élargissement de l’aire de l’espèce).

Immigration de source externe (immigration de l’extérieur du Canada)

 
Situation des populations de l’extérieur
Aucune autre population connue
Une immigration a–t–elle été constatée ou est–elle possible? Non
Des individus immigrants seraient–ils adaptés pour survivre au Canada? Sans objet
Y a–t–il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Sans objet
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle? Non

Statuts existants

COSEPAC  : Espèce en voie de disparition (2010); LEP  : espèce en voie de disparition (annexe 1); liste rouge de l’ UICN  : espèce vulnérable (D2)

Statut recommandé et justification de la désignation

 
Statut recommandé :
Espèce en voie de disparition
Code alphanumérique :
B1ab(iii)+2ab(iii)
Justification de la désignation :
Cette espèce unique endémique au Canada, présente que dans une seule localité, est restreinte à trois lacs interconnectés en Nouvelle-Écosse. Sa viabilité est menacée par l'introduction illégale de poissons exotiques.

Applicabilité des critères

Critère A (déclin du nombre total d’individus matures) :
Sans objet. Aucune donnée sur le nombre d’individus matures.
Critère B (aire de répartition peu étendue et déclin ou fluctuation) :
Répond au critère B1ab(iii)+2ab(iii) d’espèce en voie de disparition, puisque la zone d’occurrence (16 km²) et l’ IZO (76 km²) sont tous les deux en deçà des seuils critiques définissant cette catégorie, que l’espèce subsiste dans moins de 5 localités et que la qualité de son habitat est en déclin continu.
Critère C (nombre d’individus matures peu élevé et en déclin) :
Sans objet. Aucune donnée sur le nombre d’individus matures.
Critère D (très petite population totale ou répartition restreinte) :
Sans objet. Aucune donnée sur le nombre d’individus matures.
Critère E (analyse quantitative) :
Aucune

Préface

La somme des connaissances sur le corégone de l’Atlantique s’est considérablement accrue depuis le dernier rapport de situation du COSEPAC. L'évaluation du potentiel du rétablissement (EPR) du corégone de l'Atlantique indique que la survie de l'espèce dépend de sa reproduction continue au sein des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb (MPO, 2009) et que ces renseignements peuvent constituer le fondement de la désignation de l'habitat essentiel. Une analyse de la variation des microsatellites a montré qu’il n’existe aucune différence génétique entre les populations des trois lacs. La variabilité génétique de la population du corégone de l’Atlantique est faible comparée à celle des populations du grand corégone habitant d’autres lacs de la Nouvelle-Écosse. Le séquençage de l’ADN mitochondrial a révélé que le corégone de l’Atlantique constitue une lignée ancienne très différente des autres corégones. Des protocoles ont été mis au point pour l’élevage du corégone de l’Atlantique. L’accès à des spécimens d’élevage a permis de réaliser des études sur les premiers stades du développement et sur les tolérances physiologiques de l’espèce. On a ainsi pu établir que le corégone de l’Atlantique acquiert une tolérance à la salinité à un jeune âge et qu’il est très tolérant à l’acidité. Des spécimens d’élevage ont été lâchés dans le lac Anderson, en Nouvelle-Écosse, à titre expérimental. La survie et la croissance ont été confirmées chez cette population durant cinq ans. À ce jour, le suivi de la population des trois lacs du bassin de la Petite Rivière n’a pas été possible à cause du manque de moyens qui permettraient d’estimer l’abondance de la population. Depuis la publication du dernier rapport sur la situation de l’espèce, les méthodes d’échantillonnage non destructrices et les méthodes de détermination de l’âge à partir des écailles se sont améliorées. Ces progrès devraient faciliter les futures estimations de la taille de la population sauvage restante. De nouvelles données ont également été recueillies sur l’habitat de l’espèce. L’analyse de carottes de sédiments a révélé que le pH et les concentrations d’éléments nutritifs des lacs du bassin de la Petite Rivière ont peu changé depuis l’ère préindustrielle; en revanche, les températures de l’eau auraient augmenté.

Historique du COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC
Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions (2010)

Espèce sauvage
Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

*  Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.
**  Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
***  Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
****  Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
*****  Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Rapport de situation du COSEPAC sur le Corégone de l'Atlantique Coregonus huntsmani au Canada - 2010.

Information sur l’espèce

Nom et classification

Le corégone de l’Atlantique (Coregonus huntsmani) est un salmonidé de la sous-famille des Coregoninae. L’espèce était déjà connue depuis au moins 40 ans lorsque Scott (1967) l’a décrite sous le nom Coregonus canadensis (Huntsman, 1922). Lorsqu’on s’est rendu compte que le nom d’espèce était déjà utilisé, Scott (1987) l’a renommée C. huntsmani, en l’honneur de A.G. Huntsman. On trouve dans les publications d’autres noms scientifiques invalides, dont C. quadrilateralis (Huntsman, 1922) et C. labradoricus (Piers, 1927). Dans le passé, l’espèce portait également le nom de corégone d’Acadie. Le nom anglais du corégone de l’Atlantique est « Atlantic Whitefish » (autres noms communs anglais : Acadian Whitefish, Sault Whitefish, Round Whitefish et Common Whitefish).

Il a fallu du temps avant que le corégone de l’Atlantique soit reconnu comme espèce distincte, notamment à cause de sa ressemblance avec le grand corégone (Coregonus clupeaformis), plus répandu. Edge et al. (1991) ainsi que Hasselman et al. (2009) ont fait une comparaison anatomique exhaustive des deux espèces et signalent plusieurs différences morphologiques et méristiques entre elles. L’analyse de la variabilité des isozymes, de l’ADN mitochondrial et des microsatellites a permis d’établir que le corégone de l’Atlantique est génétiquement très différent du grand corégone et du cisco de lac (C. artedi) (Bernatchez et al., 1991; Murray, 2005; Hubert et al., 2008; Bradford et al., 2010).

Description morphologique

Le corégone de l’Atlantique ressemble extérieurement au grand corégone : il a les flancs argentés, le ventre blanc et le dos noir, noir-bleu ou vert foncé (figure 1). Les individus de toutes tailles possèdent des dents prémaxillaires, vomériennes et palatines bien développées, à la différence du grand corégone, qui n’en possède pas (Scott, 1987). Selon Edge et al. (1991), on peut distinguer le corégone de l’Atlantique du grand corégone des provinces maritimes et du Maine par la position de la bouche, plus terminale chez le premier, et par le nombre de vertèbres, plus élevé chez le premier (de 64 à 67 avec une moyenne de 65,3, contre 58 à 64 avec une moyenne de 60,6). Chez 93 % des spécimens examinés, le nombre d’écailles sur la ligne latérale était également différent chez les 2 espèces (de 88 à 100 avec une moyenne de 93,8 pour le corégone de l’Atlantique contre 63 à 95 avec une moyenne de 76,6 pour le grand corégone). Selon Hasselman et al. (2009), dans plus de 95 % des cas, on peut distinguer le corégone de l’Atlantique du grand corégone à partir de 3 caractères externes, à savoir la longueur relative de la nageoire pectorale, le nombre d’écailles sur la ligne latérale et la position de la bouche.

Figure 1. Corégone de l'Atlantique (Coregonus huntsmani) (dessin de P. Drucker Bramwell, 1984, reproduit avec la permission de Don McAllister).

Illustration du corégone de l’Atlantique.

Structure spatiale et variabilité des populations

Bernatchez et al. (1991) mentionnent des différences fixes entre le corégone de l’Atlantique et le grand corégone à 2 de 5 locus d’isozymes. Selon les auteurs, une analyse de la restriction de l’ADN mitochondrial a révélé l’existence d’un seul haplotype chez les 3 spécimens de corégone de l’Atlantique examinés, et il est très distinct des haplotypes du grand corégone (distance génétique moyenne entre haplotypes de 3,77 %). La valeur élevée de la distance génétique estimée par les auteurs signifie que la lignée du corégone de l’Atlantique est ancienne; en fait, elle est antérieure au pléistocène. Une analyse récente de la séquence du gène mitochondrial COI chez des populations du corégone de l’Atlantique, du grand corégone et du cisco de lac a confirmé la différenciation marquée du corégone de l’Atlantique par rapport aux espèces considérées comme ses plus proches parents et appuie la classification du corégone de l’Atlantique comme espèce distincte (Hubert et al., 2008; Bradford et al., 2010).

Dans une étude de la variabilité à 15 locus de microsatellites chez le corégone de l’Atlantique, le grand corégone et le cisco de lac, Murray (2005) conclut également qu’il existe une nette différenciation génétique du corégone de l’Atlantique par rapport aux autres espèces. Les estimations de l’indice de fixation FST étaient très élevées, soit 0,77 (corégone de l’Atlantique et grand corégone) et 0,71 (corégone de l’Atlantique et cisco de lac). Chez le corégone de l’Atlantique du bassin de la Petite Rivière, aucune différenciation génétique n’a été observée entre les individus des 3 lacs (FST = −0,014); il s’agit donc d’une seule et même population. De plus, la variabilité des microsatellites était très faible. Chez le corégone de l’Atlantique, une variation a été observée à seulement 33 % des locus, contre plus de 80 % des locus chez le grand corégone et le cisco de lac. Le nombre moyen d’allèles par locus était également plus faible chez le corégone de l’Atlantique (1,6) que chez le grand corégone (4,2) et le cisco de lac (7,3). Les estimations de la diversité des microsatellites étaient beaucoup plus faibles pour le corégone de l’Atlantique, après correction en fonction de la superficie des lacs (facteur en corrélation avec la taille de la population).

Unités désignables

Il n’existe aucun taxon infraspécifique pour le corégone de l’Atlantique. L’absence de structure génétique chez la population des lacs du bassin de la Petite Rivière permet de conclure qu’il existe une seule population dans ce bassin. Comme cette population est la seule population sauvage connue de l’espèce, il y a donc une seule unité désignable de l’espèce.

Importance de l’espèce

Le corégone de l’Atlantique ne se rencontre qu’au Canada, et toute la population sauvage canadienne est confinée à un seul bassin hydrographique de la Nouvelle-Écosse. Jusqu’à tout récemment, le corégone de l’Atlantique n’était pas reconnu comme espèce distincte en raison de sa grande ressemblance avec le grand corégone. Les analyses génétiques ont cependant permis d’établir qu’il est nettement distinct des autres corégones et qu’il se serait différencié d’un ancêtre commun il y a très longtemps. En d’autres termes, le corégone de l’Atlantique est l’unique représentant d’une lignée très importante, plus ancienne que le pléistocène. Le caractère génétiquement distinct du corégone de l’Atlantique, mis en évidence par l’analyse de la variabilité des allozymes, des microsatellites et de l’ADN mitochondrial (Bernatchez et al., 1991; Murray, 2005; Hubert et al., 2008; Bradford et al., 2010), concorde avec les exigences et tolérances écologiques particulières de l’espèce, notamment sa grande tolérance aux eaux salées, voire sa préférence pour ces eaux, apparaissant dès le début du développement des individus (Cook et al., 2010). La poursuite des recherches sur le corégone de l’Atlantique fera avancer les connaissances sur la biologie et l’évolution des corégoninés d’importance économique. La disparition du corégone de l’Atlantique représenterait une perte importante de biodiversité pour le Canada.

Le corégone de l’Atlantique était fort probablement plus répandu avant l’arrivée des colons européens. Il n’est pas au nombre des espèces les plus convoitées en pêche sportive ou de subsistance, mais sa chair est excellente, et il offre une bonne résistance aux pêcheurs à la ligne. L’espèce, en particulier la forme anadrome, plus grosse, pourrait faire l’objet d’une pêche sportive si elle réussissait à se disperser dans des rivières d’où elle pourrait descendre jusqu’à la mer sans rencontrer d’obstacle.

Répartition

Aire de répartition mondiale

Les seules mentions de la présence en eau douce (à la saison du frai) du corégone de l’Atlantique sont pour la rivière Tusket et la Petite Rivière, situées dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse (figure 2).

Figure 2. Emplacement des bassins de la Petite Rivière et des rivières Tusket et Annis en Nouvelle-Écosse. Les lieux où des corégones de l'Atlantique ont été capturés dans le passé en dehors de ces deux bassins sont indiqués : Hall's Harbour (A); rivière Sissiboo (B); baie Yarmouth (C); estuaire de la rivière Lehave (D). L'emplacement du lac Anderson, où le corégone de l'Atlantique a été introduit à titre expérimental, est également indiqué (E).

Carte de l’aire de répartition du corégone de l’Atlantique en Nouvelle-Écosse indiquant l’emplacement des bassins de la Petite Rivière (population actuelle) et des rivières Tusket et Annis (population disparue). Les lieux où des corégones de l’Atlantique ont été capturés dans le passé à l’extérieur des bassins de la Petite Rivière et des rivières Tusket et Annis, ainsi que l’emplacement du  lac Anderson où le corégone de l’Atlantique a été introduit à titre expérimental sont également indiqués.

Aire de répartition canadienne

Le corégone de l’Atlantique est une espèce endémique au Canada, présente uniquement dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Les relevés de 1982, 1983 et 1985 montraient que l’espèce est confinée à 2 bassins hydrographiques séparés, à savoir le bassin des rivières Tusket et Annis, dans le comté de Yarmouth, et le bassin de la Petite Rivière, dans le comté de Lunenburg (Edge, 1987; figure 2). La présence de l’espèce dans le bassin des rivières Tusket et Annis n’a pas été signalée depuis 1982, et cette population est aujourd’hui considérée comme disparue (Bradford et al., 2004a). Dans le bassin de la Petite Rivière, la plupart des mentions sont pour 3 lacs reliés entre eux (Minamkeak, Milipsigate et Hebb) et couvrant dans l’ensemble une superficie de 16 km² (figure 3). Comme il n’y a pas de passe à poissons au barrage d’Hebbville, les poissons ne peuvent pas remonter jusqu’à ces lacs, et la population de corégone de l’Atlantique est confinée en eau douce. Outre ces 3 lacs, il existe quelques mentions pour d’autres localités du bassin de la Petite Rivière, à savoir le cours Birch Brook, l’axe principal de la Petite rivière (Bradford et al., 2010) et le lac Fancy. On rencontre également un petit nombre d’individus dans l’estuaire de la Petite Rivière.

Figure 3. Bassin de la Petite Rivière, lacs constituant l'habitat du corégone de l'Atlantique et autres localités mentionnées dans le présent rapport. Des barrages sont encore en place à Crousetown (A), à Conquerall Mills (B), à Hebbville (C), sur l'émissaire du lac Milipsigate (D) et sur l'émissaire du lac Minamkeak (E). L'emplacement du cours d'eau Birch Brook est également indiqué (F). Le bassin de la rivière Medway jouxte celui de la Petite Rivière, au sud.

Carte du bassin de la Petite Rivière indiquant les lacs constituant l'habitat du corégone de l'Atlantique et autres localités mentionnées dans le rapport. Les sites des barrages encore en place à Crousetown, à Conquerall Mills, à Hebbville, sur l'émissaire du lac Milipsigate et sur l'émissaire du lac Minamkeak sont également indiqués.

Aucune population dulçaquicole de corégones de l’Atlantique n’a été signalée en dehors des bassins des rivières Tusket et Annis et de la Petite Rivière, bien que la pêche commerciale et récréative se pratique abondamment et depuis longtemps dans toutes les eaux douces et les eaux côtières de la Nouvelle-Écosse et des territoires voisins. Les relevés des populations de poissons réalisés dans toute la province n’ont pas non plus mis au jour de nouvelles populations. Ainsi, entre 1964 et 1981, Pêches et Océans Canada, le Service canadien de la faune et le ministère des Terres et Forêts de la Nouvelle-Écosse ont recensé les populations de poissons dans 744 lacs de la Nouvelle-Écosse (Alexander et al., 1986). Le corégone de l’Atlantique n’a été observé dans aucun de ces lacs, alors que le grand corégone était présent dans 14 d’entre eux. Ces relevés ne ciblaient pas le corégone de l’Atlantique en particulier, et il faut donc interpréter l’absence de l’espèce avec prudence. Cependant, ces résultats confirment l’idée générale que le corégone de l’Atlantique n’est pas répandu. De même, les relevés réalisés en 1982 et 1983 dans toute la province et ciblant le corégone de l’Atlantique ont constaté la présence du grand corégone dans 4 lacs, mais le corégone de l’Atlantique n’a toujours pas été observé en dehors des bassins de la rivière Annis et de la Petite Rivière (Edge, 1987).

Il est possible que le corégone de l’Atlantique ait déjà été présent dans le bassin de la rivière Medway. Autrefois, le lac Minamkeak, limite amont de l’aire d’observation du corégone de l’Atlantique dans le bassin de la Petite Rivière, se déversait dans la rivière Medway. Vers 1905, des travaux de dynamitage ont été faits pour dévier les eaux du lac Minamkeak vers le lac Milipsigate, et la décharge naturelle du lac Minamkeak dans la rivière Medway a été remblayée. On ne sait pas si le corégone de l’Atlantique se trouvait dans le lac Minamkeak avant que les eaux soient déviées ou s’il y est remonté à partir du lac Milipisgate après les travaux; cependant, les indices indirects infirment la première hypothèse. Il n’existe aucune mention de la présence du corégone de l’Atlantique dans le lac Minamkeak pour la période antérieure aux travaux de déviation des eaux. De plus, l’espèce n’a pas été observée au cours des relevés des populations de poissons réalisés dans plusieurs lacs du bassin de la rivière Medway durant les années 2001 à 2004 (Bradford et al., 2004a).

Des spécimens de corégone de l’Atlantique ont été capturés à au moins cinq reprises dans les eaux côtières situées en dehors des bassins de la rivière Tusket et de la Petite Rivière (figure 2). Un spécimen a été capturé le 12 juin 1940 dans la baie Yarmouth, comté de Yarmouth, et un autre le 31 mai 1958 dans une fascine à hareng, à Hall’s Harbour, comté de Kings. Deux spécimens auraient également été pris dans les eaux marines, à l’embouchure de la rivière Sissiboo, comté de Digby, le 8 septembre 1919 (Scott et Scott, 1988). Plus récemment, un spécimen a été pris dans une pêcherie d’éperlan de l’estuaire de la rivière Lehave, comté de Lunenburg, en février 1995 (D.R. Bell, comm. pers., 1997), puis un autre le 24 mai 1997 (A. Hebda, comm. pers., 1998). Le bassin de la rivière Lehave est voisin de celui de la Petite Rivière. Ces prises isolées donnent à croire que les spécimens provenaient des bassins de la rivière Tusket et de la Petite Rivière.

En 2005 et 2006, des spécimens de corégone de l’Atlantique élevés en captivité ont été lâchés dans le lac Anderson, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse (MPO, 2006). La population a survécu au moins un an (MPO, 2009).

La zone d’occurrence du corégone de l’Atlantique, estimée par la méthode du plus petit polygone convexe englobant les lacs Hebb, Milipsigate et Minamkeak, est de 39 km². Bien qu’il y ait des mentions pour les eaux situées en aval du barrage d’Hebbville, notamment pour l’estuaire de la Petite Rivière, ces secteurs sont exclus du polygone, car les spécimens observés étaient probablement isolés. De plus, 39 km² n’est pas une grande superficie, mais il s’agit néanmoins d’une surestimation. Le corégone de l’Atlantique ne peut s’étendre au–delà des limites des lacs où il vit. L’addition de la superficie couverte par les 3 lacs (16 km²) donnerait donc une estimation plus réaliste de la zone d’occurrence de l’espèce. L’indice de zone d’occupation, calculé selon le nombre de carrés de 1 km x 1 km couvrant au moins une partie des 3 lacs lorsqu’on superpose la grille à une carte, se situe autour de 48 km². Calculé à partir d’une grille de 2 km x 2 km, l’indice se situe autour de 76 km². La superficie réellement occupée, qui correspond normalement à une partie seulement de la zone d’occurrence, est prise ici comme égale à la zone d’occurrence (16 km²), car le corégone de l’Atlantique est une espèce pélagique qui exploite autant les eaux côtières que les eaux du large, donc qui occupe toutes les zones des lacs.

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Les besoins du corégone de l’Atlantique en matière d’habitat ne sont pas bien définis, et on connaît très peu de choses sur l’utilisation du milieu par l’espèce à ses différents stades de développement. Par définition, les populations anadromes exploitent les milieux d’eau douce et les milieux marins ou estuariens à différents stades de leur cycle vital. La population, récemment disparue, du bassin des rivières Tusket et Annis était certainement anadrome, et ce bassin comprend une grande étendue de milieu estuarien. Il n’y a jamais eu d’étude pour déterminer jusqu’à quelle hauteur des cours d’eau cette population remontait. Des spécimens du corégone de l’Atlantique ont été pris en hiver dans le lac Vaughn, juste en amont du barrage de la rivière Tusket (Patrick Patten, comm. pers., 2000). On sait que l’espèce peut descendre jusqu’en pleine mer, et des spécimens ont été capturés au large de Wedgeport, comté de Yarmouth, où les eaux ont un indice de salinité de 31 p.p. 103 (Scott et Scott, 1988).

À l’origine, la population de la Petite Rivière était probablement anadrome. On ne peut toutefois l’affirmer avec certitude, car les captures dans l’estuaire de la Petite Rivière et l’estuaire de la rivière Lehave voisine ont toutes été faites au printemps; il n’existe aucune mention de capture de spécimens matures dans l’estuaire de la Petite Rivière à l’automne (Bradford et al., 2004a). Le corégone de l’Atlantique, comme les autres salmonidés, n’est pas un anadrome strict : la population vivant en amont du barrage d’Hebbville est dulçaquicole au moins depuis 1898, année où un barrage construit pour les besoins d’une scierie a été transformé pour l’alimentation d’une centrale hydroélectrique, sans qu’aucune passe à poissons ne soit prévue (Bradford et al., 2010).

Le réseau de la Petite Rivière draine une superficie d’environ 233 km². Le bassin de la Petite Rivière renferme des fermes et quelques petites villes, mais il est en majeure partie boisé, notamment autour des lacs où se trouvent les populations de corégones de l’Atlantique. Le bassin de la Petite Rivière renferme de nombreuses tourbières, qui donnent à l’eau une couleur brunâtre. Selon les levés bathymétriques réalisés en 1983, la profondeur maximum des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb était respectivement de 13 m, 16 m et 14 m; cependant, une grande partie de ces lacs n’atteint pas ces profondeurs. Aux plus grandes profondeurs, le fond est constitué de limon, tandis que les rives et les hauts-fonds sont rocheux. Un relevé du profil des températures du lac Hebb réalisé en 1983 a montré qu’il s’agissait d’un lac à eau chaude. Une certaine stratification a été observée en été, mais il n’y avait pas d’hypolimnion. En mai, la température de l’eau au fond du lac était de 14 °C, et à la fin d’août elle atteignait presque 20 °C.

Les données de captures au filet maillant faites dans le cadre d’études montrent que, dans les lacs du bassin de la Petite Rivière, le corégone de l’Atlantique occupe toute la colonne d’eau (Edge, 1987). D’après le registre des prises par unité d’effort, la très grande majorité des corégones de l’Atlantique ont été pris dans les couches superficielle et médiane. Le corégone de l’Atlantique comptait pour 27 % de l’ensemble des prises dans la couche superficielle, 20 % des prises dans la couche médiane et seulement 2 % des prises dans la couche inférieure. Les corégones de l’Atlantique capturés dans la partie inférieure de la colonne d’eau ont presque tous été capturés dans les zones les plus profondes des lacs; seulement 7 % d’entre eux ont été pris à moins de 8 m de profondeur.

On connaît très peu les besoins en matière d’habitat de la population vivant dans le cours inférieur de la Petite Rivière. D’abord, on ignore s’il s’agit d’une population anadrome résiduelle ou de spécimens de la population des lacs ayant franchi le barrage d’Hebbville. Le corégone de l’Atlantique a longtemps été pris régulièrement dans les eaux saumâtres de l’estuaire de la Petite Rivière, mais les pêcheurs de gaspareau (Alosa pseudoharengus) de la région disent n’avoir jamais entendu parlé de prises de corégones de l’Atlantique dans les eaux douces du cours inférieur de la Petite Rivière ni dans les eaux marines voisines (D.R. Bell, comm. pers., 1997).

Tendances en matière d’habitat

L’habitat de la population dulçaquicole de corégone de l’Atlantique a été profondément transformé au cours des 400 dernières années. Dans le passé, l’espèce était probablement plus répandue, du moins dans le sud de la Nouvelle-Écosse. Comme le corégone de l’Atlantique n’a été reconnu comme espèce distincte que tout récemment et que le grand corégone est également présent dans les eaux douces de la Nouvelle-Écosse, il est possible que certaines des premières mentions de corégones dans la région étaient en fait des observations du corégone de l’Atlantique. Les changements ayant causé la disparition du corégone de l’Atlantique de toutes les eaux intérieures sauf celles du bassin de la Petite Rivière sont liés principalement à la présence d’obstacles aux migrations des poissons, à l’acidification des eaux et à l’introduction d’espèces non indigènes. Les rapports décrivant les tendances en matière d’habitat ne mentionnent pas les eaux de marées.

Bradford et al. (2010) décrivent la multitude de barrages établis sur les rivières du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse au début du 19e siècle à partir des données d’un relevé des barrages réalisé en 1926 par les instances responsables des pêches dans les provinces maritimes. Il y avait 92 barrages dans les 33 bassins de la région délimitée par la rivière Annapolis, au nord, et la rivière Sackville, à l’est. De plus, 15 rivières avaient un barrage aménagé à la ligne extrême des eaux de marée. Seulement 10 rivières n’avaient pas de barrage dans les derniers 5 km en amont de la ligne extrême des eaux de marée. Les 92 barrages ont été construits entre 1802 et 1926, la plupart avant l’adoption de la Loi des pêcheries de 1868; leur construction n’était donc pas assujettie aux exigences de la Loi en matière de passes à poissons. À cette époque, la circulation des poissons n’était généralement pas prise en compte dans la conception des barrages, et très souvent les poissons en montaison étaient coupés d’une grande partie des réseaux hydrographiques. Il est presque certain que ces obstacles ont eu un effet sur les espèces diadromes, dont le corégone de l’Atlantique. À l’époque du relevé, plusieurs barrages étaient établis sur la rivière Tusket et sur la Petite Rivière; il y en avait un à la ligne extrême des eaux de marée sur la Petite Rivière, et le premier de la rivière Tusket se trouvait à 15 km en amont de la ligne extrême des eaux de marée (sur la rivière Annis, le premier barrage était aménagé à 0,1 km en amont de la ligne extrême des eaux de marée). Bradford et al. (2004b) présentent la chronologie des aménagements hydroélectriques dans les bassins de la rivière Tusket et de la Petite Rivière.

Le relevé des barrages effectué en 1926 est pour ainsi dire un cliché des voies de migration possibles à l’époque. Les barrages démolis avant le relevé n’ont pas été répertoriés. Certains barrages répertoriés en 1926 ont été démolis depuis, et de nouveaux barrages ont été construits depuis 1926. Grâce aux dispositions de la Loi des pêcheries, la plupart des barrages actuels comportent une passe à poissons (ce n’est pas le cas de celui d’Hebbville). Les obstacles à la migration des poissons dans les cours d’eau sont peut-être moins nombreux qu’autrefois, et il est possible que de nombreux cours d’eau du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse soient aujourd’hui propices à l’introduction du corégone de l’Atlantique (Bradford et al. 2010).

Les dépôts acides ont abaissé le pH de la rivière Tusket et, dans une moindre mesure, celui de la Petite Rivière. Il n’existe pas de données historiques sur le pH des cours d’eau de la Nouvelle-Écosse, mais de nombreux bassins du sud de la province possèdent une faible capacité tampon et ont été touchés de façon importante par les dépôts acides. Les eaux de certaines parties de la rivière Tusket sont nettement plus acides que celles de nombreux autres cours d’eau de la province (Farmer et al., 1980; Watt et al., 1983). En 1979-1980, Farmer et al. (1980) ont mesuré le pH de la rivière Tusket à Gavelton et ont obtenu des valeurs comprises entre 4,55 et 4,85. Selon ces auteurs, la rivière Tusket est l’une de 7 rivières de la partie continentale de la Nouvelle-Écosse qui sont défavorables à la reproduction du saumon atlantique (Salmo salar), et la petite population résiduelle de l’espèce associée à cette rivière est confinée au cours Carleton, affluent de la rivière Tusket dont les eaux ont conservé une qualité acceptable. Selon Watt et al. (1983), le pH moyen de la rivière Tusket en 1980-1981 était de 4,8 (4,6 dans le bras est).

En septembre 1983 et en janvier 1984, des échantillons d’eau ont été prélevés juste en amont de la ligne extrême des eaux de marée dans la rivière Annis et dans la rivière Tusket (au niveau du réservoir Vaughn). En septembre 1983, à l’époque où le corégone de l’Atlantique aurait commencé sa montaison, le pH de la rivière Tusket au niveau du réservoir Vaughn était de 5,23, et celui de la rivière Annis était de 6,05. En janvier 1984, le pH du réservoir Vaughn était de 4,59, et celui de la rivière Annis était de 5,02 (Edge, 1987). Vers 1980, des mesures ont été prises dans la rivière Carleton (affluent de la Tusket) et, en 1995-1996, dans le cours principal de la Tusket (pont Wilsons; données sur les propriétés chimiques des eaux de la base de données ENVIRODAT Atlantique). Selon ces données, la moyenne annuelle du pH de la rivière Carleton, établie à partir de 11 échantillons mensuels, se situait à 5,65 en 1980. La moyenne annuelle du pH du cours principal de la rivière Tusket se situait à 4,68 en 1995 (moyenne établie à partir de 12 échantillons mensuels) et à 4,64 en 1996 (moyenne établie à partir de 7 échantillons mensuels). Le faible pH enregistré dans les eaux du bras est de la rivière Tusket nuit à la survie du saumon atlantique (Lacroix et Townsend, 1987) et a probablement eu également un effet négatif sur la capacité de reproduction du corégone de l’Atlantique.

Les eaux de la Petite Rivière ont été moins acidifiées que celles de la rivière Tusket. Selon Watt et al. (1983), le pH moyen de la Petite Rivière en 1980 et 1981 se situait à 5,6. En 1986, Watt constatait que l’acidification des eaux n’avait pas encore touché les stocks de saumon atlantique ni les prises de la pêche récréative dans la Petite Rivière (Watt, 1986).

En 1983-1984, des échantillons d’eau prélevés dans le bassin de la Petite Rivière ont été soumis à analyse chimique (Edge, 1987). Le pH de la Petite Rivière fluctuait de façon saisonnière comme celui des autres cours d’eau de la Nouvelle-Écosse : il était relativement élevé au printemps et en été, puis il chutait à l’automne et atteignait un minimum au milieu de l’hiver. À l’échelle du bassin, le pH était très variable : alors qu’il se situait généralement au–dessus de 5,5 dans le cours inférieur de la Petite Rivière, à la hauteur de Conqueral, il dépassait rarement 4,5 dans les eaux foncées du cours Still Brook, drainant une zone tourbeuse. Les eaux des lacs du bassin de la Petite Rivière avaient généralement un pH supérieur à 5,0. Cependant, en février 1985, le pH des lacs Hebb et Minamkeak a atteint des valeurs respectives aussi faibles que 4,5 et 4,8. On peut donc penser que ces lacs subissent des fluctuations de pH suffisamment importantes pour nuire aux organismes aquatiques. D’après la base de données ENVIRODAT Atlantique, la moyenne annuelle du pH du cours inférieur de la Petite Rivière en 1985, établie à partir de 11 échantillons mensuels, était de 5,62.

Les valeurs d’alcalinité, indicatrices de la capacité tampon des eaux, étaient également très variables à l’échelle du bassin hydrographique. On obtenait généralement des valeurs d’alcalinité dans la Petite Rivière, à la hauteur de Conqueral, mais on n’en obtenait pas de toute l’année dans le cours Still Brook. Les valeurs d’alcalinité mesurées dans les lacs du bassin de la Petite Rivière étaient faibles (généralement inférieures à 1,0 mg CaCO3/L), en particulier durant l’hiver, et, en février 1985, aucune alcalinité n’était détectée dans les lacs Minamkeak et Hebb.

Comme il n’y a pas eu de suivi de longue durée, il n’existe aucune donnée directe permettant de dégager les tendances historiques du pH des eaux ou d’autres indicateurs environnementaux. Toutefois, des données paléolimnologiques récentes montrent que les eaux du bassin de la Petite Rivière n’ont pas subi d’acidification ou d’eutrophisation importante depuis l’époque préindustrielle (Ginn et al., 2008). L’analyse de carottes de sédiment prélevées au fond des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb révèle la prédominance constante des assemblages de diatomées associés aux conditions actuelles de pH et de concentration de matières nutritives. Par ailleurs, Ginn et al. (2008) ont observé un certain remplacement d’autres espèces de diatomées, notamment de l’espèce dominante Aulacoseira distans par le Cyclotella stelligera, signe d’un réchauffement des lacs. L’effet que la dérivation des eaux du lac Minamkeak dans la Petite Rivière a pu avoir sur les propriétés chimiques de l’eau n’a pas été étudié.

Les mesures de conservation prises à l’égard du corégone de l’Atlantique n’ont pas empêché la réduction de l’aire de l’espèce depuis quelques années. Le corégone de l’Atlantique n’a pas été signalé dans le réseau des rivières Tusket et Annis depuis 1982, en dépit d’un relevé systématique effectué à l’échelle du réseau en 2001-2002, et cette population est considérée comme disparue (MPO, 2009). La disparition de cette population correspond à une réduction de 50 % de l’aire de répartition de l’espèce sur une période d’environ 30 ans. Depuis la disparition de la population de la rivière Tusket, l’aire de l’espèce est probablement demeurée inchangée, soit limitée aux trois lacs du bassin de la Petite Rivière.

Protection et propriété de l’habitat

Aucun habitat du corégone de l’Atlantique ne se trouve sur des terres fédérales. Les 3 lacs du bassin de la Petite Rivière où vit l’espèce bénéficient d’une certaine protection en vertu de lois et de règlements provinciaux. Bridgewater (environ 8 000 habitants en 2006) est alimentée en eau par le lac Hebb depuis le tournant du siècle, et les autorités s’occupent de la conservation de la qualité des eaux du bassin hydrographique. En 1964, la zone entourant les lacs Hebb et Milipsigate a été désignée comme aire de protection des ressources en eau (« protected water area ») en vertu de la Water Act de la Nouvelle-Écosse, puis la zone entourant le lac Minamkeak a été désignée en 1975. La désignation de ces deux aires de protection des ressources en eau assure la protection d’environ la moitié du bassin hydrographique, en y interdisant l’aménagement des rives, les activités récréatives et l’élimination d’eaux usées, de biocides et autres déchets à proximité des lacs. De plus, le Groupe consultatif du bassin hydrographique de la Petite Rivière se soucie de la protection du corégone de l’Atlantique dans les eaux du bassin (Peter Oickle, comm. pers., 1985). Le Groupe, créé en 1977 par le ministère de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse, conseille les autorités de la province, de Bridgewater et du district de Lunenburg en ce qui concerne la qualité, le niveau et le débit des eaux des bassins des lacs Minimkeak, Milipsigate, Hebb et Fancy et de la Petite Rivière.

La Loi sur les espèces en péril (LEP) a été adoptée par le Parlement du Canada en 2003. Le corégone de l'Atlantique a été inscrit sur l'annexe 1 de la LEP en tant qu’espèce en voie de disparition, ce qui confère une protection légale à l'habitat essentiel de l’espèce une fois qu’il aura été désigné dans une version définitive d’un programme de rétablissement ou d’un plan d’action. L’évaluation du potentiel du rétablissement (EPR) du corégone de l’Atlantique indique que la survie de l’espèce dépend de sa reproduction continue au sein des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb, et du fait que cet habitat est considéré comme nécessaire à la survie et au rétablissement subséquent de l’espèce (MPO, 2009). Ces renseignements peuvent constituer le fondement de la désignation de l’habitat essentiel du corégone de l’Atlantique, et une fois cet habitat officiellement désigné, les mesures de protection pour l’habitat essentiel désigné seront déclenchées.

Biologie

Cycle vital et reproduction

La population de corégones de l’Atlantique vivant dans le réseau hydrographique de la Petite Rivière accomplit tout son cycle vital en eau douce, bien que l’anadromie a probablement été un comportement commun, peut-être même le plus commun, chez l’espèce avant l’érection des ouvrages faisant obstacle à la migration des poissons. Le frai n’a pas été étudié en milieu naturel, mais les spécimens sauvages maintenus en captivité et les spécimens d’élevage frayent de la fin novembre au début janvier (MPO, 2009). Les sites de frai ne sont pas connus. Les œufs des spécimens ayant frayé en captivité sont démersaux, légèrement collants, de couleur ambrée; après durcissement dans l’eau, ils ont un diamètre de 4,01 mm en moyenne (Hasselman et al., 2007). Selon les estimations, la fécondité varierait entre 1 500 œufs pour les femelles mesurant 25 cm de longueur à la fourche et 10 000 œufs pour les femelles mesurant 45 cm de longueur à la fourche (MPO, 2009). En élevage, les œufs éclosent après 195 à 235 degrés-jours d’incubation, et les individus subissent la métamorphose lorsqu’ils atteignent 3,1 à 4,9 cm de longueur totale (Hasselman et al., 2007).
Hasselman et al. (2005), les seuls à avoir publié leurs observations de jeunes de l’année, décrivent un petit groupe d’environ 20 à 30 individus observé près des rives du lac Hebb en juin 2000; on n’en connaît guère davantage sur l’utilisation du milieu par cette classe d’âge. La croissance et la structure par âge de la population sont également peu connues. Les individus acquièrent la maturité sexuelle lorsqu’ils sont âgés d’au moins 2 ans et atteignent une longueur d’environ 20 cm à la fourche (MPO, 2009). Selon Hasselman et al. (2007), chez la population du bassin de la Petite Rivière, les individus matures mesurent entre 18 et 32 cm (longueur totale). Piers (1927) mentionnait que les spécimens pêchés dans les lacs du bassin de la Petite Rivière mesuraient généralement entre 17,5 et 40 cm de longueur, mais que quelques rares spécimens de 45 cm de longueur avaient été capturés. Les individus matures de la population anadrome de la rivière Tusket atteignaient une plus grande taille que ceux de la population dulçaquicole du bassin de la Petite Rivière. Scott et Scott (1988) mentionnent qu’un agent des pêches a enregistré des spécimens de 3,63 kg pêchés dans la rivière Tusket. Un spécimen d’environ 2,5 kg a été pris dans une nasse à anguilles dans la rivière Annis à l’automne 1981 (Limon Earl, comm. pers., 1982). Il semble que les spécimens du cours inférieur de la Petite Rivière atteignaient une taille supérieure à celle des spécimens des lacs. En mai 1966, un pêcheur de gaspareau a pris, dans l’estuaire, un corégone de l’Atlantique mesurant environ 50 cm de longueur et pesant 1,82 kg (D.R. Bell, comm. pers., 1997). Les plus gros spécimens du bassin de la Tusket et du bassin de la Petite Rivière étudiés par Edge (1987) mesuraient respectivement 50,7 cm et 31,7 cm (longueur totale). La vitesse de croissance et la longévité de ces spécimens n’ont pas pu être déterminées, l’âge des spécimens ne pouvant être déterminé avec certitude.

La période exacte de frai et les sites de frai du corégone de l’Atlantique sont encore inconnus. Dans la rivière Tusket, le frai avait probablement lieu à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Une femelle capturée dans la rivière Annis le 12 octobre 1982, dans des eaux de 12 °C, avait les ovaires bien développés mais n’était pas prête à frayer. Un spécimen capturé le 4 novembre 1967 au barrage de la rivière Tusket avait également les gonades bien développées mais n’était pas prêt à frayer. Des spécimens adultes capturés dans la rivière Tusket le 24 mai 1940 et le 24 juin 1966 avaient les gonades peu développées, ce qui signifie que le frai avait probablement déjà eu lieu. Dans la Petite Rivière, le frai a probablement lieu, comme dans la rivière Tusket, à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Des spécimens capturés dans le lac Hebb le 13 novembre 1982, alors que la température de l’eau se situait à 10°C, avaient les gonades bien développées mais n’étaient pas prêts à frayer (COSEPAC, 2000).

On ne peut faire qu’une estimation grossière de la durée d’une génération puisque l’âge des individus ne peut être déterminé avec certitude. Les spécimens d’élevage peuvent atteindre la taille minimum pour la reproduction (environ 20 cm) à l’âge de 2 ans. Au départ, la croissance semble égale chez les spécimens sauvages et les spécimens d’élevage; des jeunes de l’année capturés dans une trappe en filet à l’automne mesuraient environ 10 cm de longueur (R.G. Bradford et al., 2010). Chez les populations sauvages, la longévité ne semble pas dépasser 4 à 5 ans (MPO, 2009), ce qui situerait l’âge moyen des reproducteurs aux alentours de 3 à 4 ans. Il faudra attendre la validation des méthodes de détermination de l’âge des individus pour pouvoir vérifier cette estimation.

Prédateurs

Il existe peu de données sur la mortalité due à la prédation, mais il est raisonnable de supposer que certaines espèces de poissons vivant dans les eaux du bassin de la Petite Rivière se nourrissent de petits corégones de l’Atlantique [le baret (Morone americana), la perchaude (Perca flavescens), l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) et la barbotte (Ameiurus nebulosus), pour ne nommer que ceux-là]. Des ombles de fontaine d’élevage sont lâchés dans le cours principal de la Petite Rivière, et les lacs Fancy, Wallace et Andrew en ont également été ensemencés. La dispersion de l’omble de fontaine constitue vraisemblablement une menace pour le corégone de l’Atlantique, et les lâchers réguliers d’ombles de fontaine dans le lac Fancy expliquent probablement en partie la sporadicité de la présence du corégone de l’Atlantique dans ce lac. On a identifié un corégone de l’Atlantique dans le contenu stomacal d’un omble de fontaine pêché dans le cours Birch Brook, qui se déverse dans le lac Milipsigate (Bradford et al., 2010), ce qui confirme la présence de l’omble de fontaine en amont du barrage d’Hebbville et signifie fort probablement que l’espèce a accès aux lacs Hebb, Milipsigate et Minamkeak, bien qu’elle n’y ait pas été capturée lors des relevés de 1982-1983 (COSEPAC, 2000).

L’introduction d’espèces non indigènes dans le réseau hydrographique de la Petite Rivière ou ailleurs en Nouvelle-Écosse constitue également une menace pour le corégone de l’Atlantique. Vers 1994, l’achigan à petite bouche (Micropterus dolomieu) a été illégalement introduit dans le lac Wallace (A. Hebda, comm. pers., 1999), d’où il s’est répandu. L’espèce semble se reproduire dans les lacs Minamkeak et Milipsigate (MPO, 2009), et il est presque certain qu’elle se reproduira également dans le lac Hebb dans un avenir rapproché (R.G. Bradford, comm. pers., 2009). Les conséquences possibles pour le corégone de l’Atlantique n’ont pas été étudiées, mais il est clair, au vu de ce qui s’est passé ailleurs, que la présence de l’achigan à petite bouche risque d’avoir des conséquences néfastes pour l’espèce (Jackson, 2002; Bradford et al., 2004b).

L’introduction du brochet maillé (Esox niger) dans le réseau hydrographique des rivières Tusket et Annis peut avoir contribué à la disparition de la population de corégones de l’Atlantique, et la présence du brochet maillé devra être prise en compte dans tout projet de réintroduction du corégone de l’Atlantique dans ces eaux. Observé pour la première fois dans la rivière Annis en 1976, le brochet maillé s’est répandu dans l’ensemble du réseau et est aujourd’hui présent dans la rivière Tusket. Son expansion a coïncidé avec l’effondrement des populations d’autres espèces à rayons mous, dont le grand corégone (Bradford et al., 2004b). Le brochet maillé ne se rencontre pas dans le réseau hydrographique de la Petite Rivière, mais son introduction dans ces eaux menacerait la survie et compromettrait les chances de rétablissement du corégone de l’Atlantique.

Physiologie

Les données disponibles sur la physiologie du corégone de l’Atlantique concernent la tolérance de l’espèce à diverses conditions environnementales. Chez le corégone de l’Atlantique comme chez de nombreux salmonidés, la tolérance à la salinité est faible au stade de l’œuf, mais chez le corégone de l’Atlantique elle a la particularité d’augmenter très rapidement après la sortie de l’œuf. La tolérance à la salinité atteint un niveau élevé dès les premiers stades de développement de l’organisme : les juvéniles comme les adultes tolèrent des concentrations de sel proches de la concentration maximale de l’eau de mer (Cook et al., 2010.). Il ne semble pas y avoir de lien entre la tolérance à la salinité et les transformations physiologiques observées chez le saumon atlantique et d’autres salmonidés anadromes au stade où le tacon se transforme en saumoneau.

Non seulement le corégone de l’Atlantique acquiert-il une tolérance élevée à la salinité peu après sa sortie de l’œuf, mais des expériences menées par Cook et al. (2010.) ont montré que les juvéniles préfèrent les milieux très salins. Devant le choix entre des milieux de différente salinité, ils montraient une préférence marquée pour ceux dont la concentration de sel s’élevait à 30 p.p. 103, soit une salinité voisine de celle de l’eau de mer. Cette observation ainsi que les résultats de l’expérience d’exposition à différents milieux salins semblent montrer que le corégone de l’Atlantique conserve les facultés physiologiques et comportementales essentielles à l’anadromie, c’est–à–dire la capacité de maintenir sa salinité interne propre en milieu marin et une préférence pour le milieu marin. La population de la Petite Rivière a conservé cette faculté en dépit du fait que le barrage d’Hebbville la maintient captive en eau douce depuis plus d’un siècle. L’acquisition précoce de la capacité d’hypo-osmorégulation donne également à penser que le retour à la mer chez les populations anadromes avait lieu à un très jeune âge. Il serait possible de recréer des conditions permettant le retour à l’anadromie de la population de corégones de l’Atlantique de la Petite Rivière et d’autres populations éventuellement introduites ailleurs.

Des études récentes ont permis de déterminer la plage de températures favorables à la croissance du corégone de l’Atlantique (MPO, 2009; Cook et al., 2010) : la croissance nécessite des températures comprises entre environ 3 ou 4 °C et 24,0 °C, la température optimale étant de 16,5 °C, soit à peu près la moyenne pour les salmoniformes. Or, le lac Hebb est un lac d’eau chaude, comme l’ont montré les résultats des relevés de 1983, à savoir une faible stratification thermique et une température au fond de presque 20 °C en août. Ainsi, la population de corégones de l’Atlantique confinée aux lacs du bassin de la Petite Rivière passerait une grande partie de l’année dans des conditions thermiques dépassant l’optimum physiologique de l’espèce. Ce facteur explique peut-être en partie la taille relativement faible des individus de cette population.

De nouvelles données ont également été acquises récemment sur la tolérance physiologique du corégone de l’Atlantique au pH de l’eau. Les œufs sont plus sensibles à un pH faible que les larves et les juvéniles. Un pH inférieur à 5,0 peut causer de la mortalité chez les œufs, et il semble que le taux de survie chez les alevins et les juvéniles chute à un pH inférieur à 4,5 (MPO, 2009). Ainsi, les conditions actuelles dans le réseau hydrographique de la Petite Rivière conviennent au corégone de l’Atlantique, mais les eaux de la rivière Tusket ont été acidifiées à un point tel qu’il ne sera peut-être pas possible d’y rétablir l’espèce.

Dans des expériences en laboratoire, Cook et al. (2010) ont observé une forte interaction entre le pH et la température de l’eau dans leur effet sur la croissance des juvéniles (Cook et al., 2010). En eaux très acides (pH < 4,75), ils ont observé un abaissement de la limite maximale de la plage de températures favorables à la croissance et un ralentissement de la croissance, mais la température optimale de croissance demeurait inchangée. Le ralentissement de la croissance en eaux très acides s’explique par une diminution de la prise alimentaire et peut-être aussi par une augmentation de la dépense énergétique requise pour l’osmorégulation (Cook et al., 2010).

Dispersion/migrations

Le manque de données précises sur les aires de frai du corégone de l’Atlantique dans le bassin de la Petite Rivière empêche de se prononcer sur la dispersion des larves. Le corégone de l’Atlantique est un poisson pélagique, très mobile, et on peut penser qu’il circule dans tous les lacs du réseau de la Petite Rivière. Les seules données publiées sur les jeunes de l’année (Hasselman et al., 2005) indiquent que les déplacements entre lacs commencent à un jeune âge. La présence d’une barrière infranchissable sur l’émissaire du lac Hebb et de barrières difficiles à franchir sur les émissaires des lacs Milipsigate et Minamkeak réduit les déplacements entre lacs dans le sens amont; la plupart des déplacements entre lacs se font probablement dans un seul sens.

Dans le passé, l’anadromie était une composante importante de la dispersion du corégone de l’Atlantique, en particulier chez la population de la rivière Tusket, mais probablement aussi chez la population de la Petite Rivière. La dévalaison se produisait au printemps. Les rapports décrivant cette migration ne font cependant pas la distinction entre les adultes revenant de frayer et les jeunes descendant vers la mer pour la première fois. On ne sait pas à quel âge les jeunes corégones de l’Atlantique descendaient à la mer pour la première fois, mais l’acquisition précoce d’une tolérance à la salinité donne à penser que cela se produisait à un très jeune âge. Les données disponibles sur la dispersion du corégone de l’Atlantique en mer sont fragmentaires, comme le sont les données relatives à tant d’autres aspects du cycle vital de l’espèce. Les quelques mentions de prises qui existent, en particulier pour Hall’s Harbour et pour l’embouchure de la rivière Sissiboo, révèlent qu’une certaine partie de la population parcourait de grandes distances. On ne sait pas cependant si les déplacements en mer du corégone de l’Atlantique s’apparentaient davantage à ceux du saumon atlantique (périodes relativement longues passées assez loin de l’estuaire du cours d’eau d’origine) ou à ceux de l’omble de fontaine (périodes relativement courtes passées dans l’estuaire du cours d’eau d’origine).

Bien qu’il n’existe aucune mention de dispersion d’un cours d’eau à un autre, rien n’empêche de croire que le phénomène se produisait dans le passé, lorsque l’espèce était plus répandue. Il est fort probable que cela arrivait après la phase passée en mer, certains individus remontant un cours d’eau autre que leur cours d’eau d’origine. Ce mode de dispersion constitue une voie possible d’échange de matériel génétique entre populations et de rétablissement naturel du niveau des populations (en particulier des petites populations). On connaît depuis longtemps cette dynamique de métapopulation chez les salmonidés anadromes. Malheureusement, la population du corégone de l’Atlantique, aujourd’hui confinée à un seul bassin hydrographique et incapable de faire les migrations vers la mer, ne peut pas se rétablir naturellement, sans l’intervention humaine. Il faudra introduire l’espèce dans d’autres cours d’eau pour recréer cette voie possible de rétablissement naturel des populations.

Relations interspécifiques

Il n’existe aucune mention de relations interspécifiques hôte-symbiote ou hôte-parasite pour le corégone de l’Atlantique. Les relations interspécifiques les plus significatives sont peut-être celles créées récemment par l’introduction de poissons prédateurs dans les bassins des rivières Tusket et Petite Rivière (voir précédemment). La présence de ces espèces peut toucher le corégone de l’Atlantique directement, par la prédation ou le comportement de défense du territoire, ou indirectement, par la modification de la structure trophique de la communauté des lacs. Des recherches sur ces relations sont en cours (R.G. Bradford, comm. pers., 2009).

À l’heure actuelle, le corégone de l’Atlantique et le grand corégone, morphologiquement semblable, ne partagent pas le même habitat. En effet, le grand corégone n’est pas répertorié pour la Petite Rivière. Par ailleurs, il est présent dans les bassins des rivières Tusket et Annis, et les deux espèces ont peut-être été en compétition lorsque le corégone de l’Atlantique y était encore présent. Cependant, il y a plusieurs raisons de croire qu’il n’y a jamais eu de vive compétition entre les deux espèces. D’abord, le grand corégone est répertorié pour des lacs situés assez loin en amont dans le bassin de la rivière Carleton, affluent de la Tusket (Bradford et al. 2004a). Comme on ne sait pas jusqu’à quelle hauteur le corégone de l’Atlantique remontait dans le réseau hydrographique de la Tusket et qu’on ne connaît aucune population dulçaquicole de l’espèce dans ce réseau, on peut très bien penser que les rencontres entre les deux espèces étaient peu fréquentes. Ensuite, la population de corégones de l’Atlantique du bassin des rivières Tusket et Annis était anadrome, tandis que le grand corégone est plutôt dulçaquicole. Étant donné leurs modes de vie différents, la compétition entre les deux espèces n’aurait pas été très forte, surtout si le corégone de l’Atlantique descendait vers les eaux de marée peu après sa sortie de l’œuf. Enfin, les données des captures au filet maillant montrent que le corégone de l’Atlantique occupe toute la colonne d’eau (Edge, 1987), tandis que le grand corégone est plutôt benthique. Ces données sont corroborées par l’analyse du régime alimentaire des deux espèces, qui montre que le corégone de l’Atlantique se nourrit principalement de zooplancton, d’insectes et de menus poissons, tandis que le grand corégone se nourrit surtout d’organismes benthiques, notamment de mollusques et d’amphipodes (Edge, 1987).

Adaptabilité

La capacité d’adaptation du corégone de l’Atlantique est un paramètre important pour le rétablissement de l’espèce. Le Programme de rétablissement du corégone de l’Atlantique a pour but de « stabiliser la population actuelle de corégones de l’Atlantique en Nouvelle-Écosse, de rétablir la forme anadrome de l’espèce et d’élargir son aire de répartition » (MPO, 2006). Si la population résiduelle n’a pas la capacité d’adaptation nécessaire pour survivre et se reproduire dans des milieux hors de son aire actuelle, le but du programme de rétablissement ne pourra être atteint, car il ne sera pas possible d’élargir l’aire de répartition de l’espèce. Heureusement, le corégone de l’Atlantique possède manifestement une capacité d’adaptation. L’anadromie était probablement une composante importante du cycle de vie de l’espèce avant la construction des nombreux barrages sur les rivières du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Les formes anadromes ont l’avantage de pouvoir atteindre une plus grande taille et, par conséquent, une plus grande fécondité que les formes dulçaquicoles (Dadswell et al., 1987). Bradford et al. (2010) ont démontré l’existence d’un lien positif entre la taille des individus et la fécondité chez le corégone de l’Atlantique, ce qui donne à penser que le rétablissement de l’anadromie augmenterait peut-être les chances de survie de la population de la Petite Rivière. Il faudrait pour cela aménager des passes à poissons.

L’anadromie exige une capacité d’adaptation physiologique et comportementale, car les organismes anadromes doivent être capables non seulement de vivre dans des milieux très différents mais de passer de l’un à l’autre. Cook et al. (2010) ont démontré que le corégone de l’Atlantique possède une tolérance physiologique à divers régimes de salinité, de pH et de température. L’apparition précoce d’une grande tolérance à la salinité et d’une préférence pour les eaux salées observée chez des spécimens de la seule population sauvage existante est digne de mention, car cette population vit en eau douce depuis plus d’un siècle. Après de nombreuses générations ayant vécu uniquement en eau douce, la population semble avoir conservé son aptitude physiologique pour l’anadromie.

La possibilité d’extension de l’aire du corégone de l’Atlantique à d’autres bassins hydrographiques dépendra de la capacité de l’espèce de tolérer les conditions locales. Les observations de Cook et al. (2010) sur la tolérance de l’espèce à l’égard du pH et de la température de l’eau nous permettent de prendre en considération de nombreux bassins hydrographiques du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse comme sites éventuels d’établissement de nouvelles populations de corégones de l’Atlantique.

Les corégones, en particulier le grand corégone, affichent une grande plasticité ontogénétique, c’est–à–dire une variabilité phénotypique résultant de changements dans le développement des individus induits par les conditions environnementales (Lindsey, 1981). Ainsi, le phénomène commun de cohabitation d’une forme limnétique et d’une forme benthique du grand corégone peut être interprété comme un exemple de variabilité intraspécifique adaptative résultant probablement d’une recombinaison génétique (réorganisation de phénotypes ancestraux; West-Eberhard, 2005). La coexistence d’une forme anadrome et d’une forme dulçaquicole chez le corégone de l’Atlantique est une expression de la plasticité ontogénétique de l’espèce. Bien qu’on ne puisse pas l’affirmer avec certitude, il est fort probable qu’il y ait eu, avant l’époque de la construction des barrages, des populations dulçaquicoles de corégones de l’Atlantique, d’autant que les deux bassins hydrographiques pour lesquels l’espèce a été répertoriée récemment comprennent de nombreux lacs. La présence d’une forme anadrome et d’une forme dulçaquicole dans le même bassin hydrographique a été signalée pour d’autres salmonidés (voir p. ex. Foote et Larkin, 1988; Birt et al., 1991). Cette variabilité du cycle vital peut être interprétée comme une manifestation de la capacité d’adaptation de l’espèce.

Des spécimens sauvages du corégone de l’Atlantique ont été capturés aux fins d’élevage en captivité au Centre de biodiversité Mersey. En 2005 et 2006, des spécimens d’élevage ont été lâchés à titre expérimental dans le lac Anderson, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse (MPO, 2006), et dans le cours inférieur de la Petite Rivière. La survie de spécimens d’élevage dans le lac Anderson a été confirmée les années suivantes (voir ci–dessous). Le succès obtenu à ce jour est preuve que l’espèce conserve une capacité d’adaptation à des conditions nouvelles.

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Bradford et al. (2004a) décrivent les activités d’échantillonnage menées de 1999 à 2002 dans le bassin hydrographique des rivières Tusket et Annis. Des relevés ont été faits dans 20 lacs à l’aide de filets maillants de 30 m, à maillages de différentes grandeurs, placés en eau profonde (10 m de profondeur) et en eau peu profonde (de 2 à 3 m de profondeur). Le plus souvent, 2 filets étaient placés à chaque profondeur et laissés en place toute la nuit. De plus, les déplacements des poissons vers l’amont et vers l’aval étaient contrôlés au moyen de trappes placées dans les passes à poissons des barrages de la centrale hydroélectrique et du réservoir Vaughn durant les mois d’été et d’automne. Le fait qu’aucun corégone de l’Atlantique n’ait été observé au cours de ces activités donne à penser que l’espèce n’existe plus dans ce bassin hydrographique. Depuis l’évaluation de 2004, il n’y a pas eu de surveillance du corégone de l’Atlantique aux passes à poissons des 2 barrages, et personne n’a signalé la présence de l’espèce dans le bassin des rivières Tusket et Annis (Bradford et al., 2010).

Depuis 2000, des relevés ont été faits dans le bassin de la Petite Rivière au moyen de diverses méthodes d’échantillonnage, notamment la pêche à la ligne, à la trappe, au filet maillant et à la senne, dans les lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb (Bradford et al., 2004a; MPO, 2009). Il y a également eu des tentatives de relevés des juvéniles à l’aide de types d’engins réputés efficaces pour la capture de jeunes corégones en Europe et en Amérique du Nord, mais elles n’ont pas donné de résultats (R.G. Bradford, comm. pers., 2009). De 2001 à 2004, des relevés ont été faits au filet maillant dans six lacs en amont et six lacs en aval du barrage d’Hebbville, de la manière décrite pour le bassin de la rivière Tusket. Des relevés ont été faits à la trappe dans l’estuaire de la Petite Rivière et au filet maillant, à la trappe et à l’aide d’appareils à dénombrer les poissons (en montaison et en dévalaison) dans les bassins des rivières Medway et Lahave voisines. Durant ces relevés, aucun corégone de l’Atlantique n’a été pris en dehors du bassin de la Petite Rivière, et à l’intérieur du bassin de la Petite Rivière des spécimens de l’espèce ont été pris uniquement dans les lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb. Bradford et al. (2010) décrivent les activités de recherche menées depuis l’évaluation de 2004. En 2004, un corégone de l’Atlantique a été pris à la ligne dans le cours inférieur de la Petite Rivière, près de Crousetown. En 2007, plusieurs spécimens ont été dénombrés lors de relevés dans le lac Milipsigate, et un spécimen a été trouvé dans l’estomac d’un omble de fontaine pris à la ligne dans le cours Birch Brook. Des spécimens de l’espèce ont été pris dans le lac Hebb en 2005, 2006 et 2007. En 2008, aucun échantillonnage n’a été fait dans le lac Hebb, mais l’espèce a été observée en mai par R.G. Bradford en aval du barrage de l’émissaire du lac Milipsigate. En 2009, des corégones de l’Atlantique ont été capturés au moyen de trappes flottantes dans les lacs Minamkeak et Milipsigate (R.G. Bradford, comm. pers., 2009).

Depuis 2000, des enquêtes ont été menées auprès des pêcheurs à la ligne de la Nouvelle-Écosse (Bradford et al., 2004a). Un total de 8 des 39 pêcheurs qui ont répondu au questionnaire ont déclaré avoir observé le corégone de l’Atlantique récemment dans le bassin de la Petite Rivière. De plus, 7 d’entre eux l’auraient observé en aval du barrage d’Hebbville et 3 de ces derniers l’auraient observé dans des lacs situés sur des affluents secondaires. Il importe de noter que ces mentions n’ont pas été confirmées.

Abondance

Aucune estimation de l’abondance du corégone de l’Atlantique n’a été faite en raison de l’incertitude entourant le rapport entre les captures et l’effort d’échantillonnage. L’absence de mentions récentes pour le bassin des rivières Tusket et Annis et les résultats négatifs des relevés décrits précédemment donnent à croire que le corégone de l’Atlantique est disparu de ce bassin. L’espèce est encore présente dans le bassin de la Petite Rivière, où elle est essentiellement confinée à 3 lacs, mais tout ce qu’il est possible d’affirmer sur l’abondance de cette population est qu’elle est faible (MPO, 2009). La taille efficace de la population (Ne) a été estimée à partir de la variation des microsatellites selon une méthode classique (méthode des moments) (Murray, 2005). L’estimation obtenue est de 140 individus, valeur plus de 13 fois moindre que celle obtenue pour des populations de grand corégone de lacs de superficie comparable. Il importe de souligner que la valeur de Ne est une estimation théorique sur un long terme et ne doit pas être interprétée comme une indication de la situation actuelle. En outre, les estimations de Ne ne sont pas équivalentes à des estimations de la taille réelle, ou abondance, des populations (Frankham, 1995).

Fluctuations et tendances

Depuis le dernier rapport sur la situation de l’espèce (COSEPAC, 2000), le nombre de populations sauvages n’a pas changé. De plus, des études récentes révèlent que la distribution de la fréquence des tailles chez la population des lacs du bassin de la Petite Rivière est stable depuis plusieurs décennies (Bradford et al., 2010). Malheureusement, on ne peut dégager les tendances de la population du corégone de l’Atlantique pour la même raison qu’on ne peut estimer son abondance. La quantité limitée de données disponibles permet cependant une description qualitative des fluctuations et tendances que l’espèce a connues dans le passé.

On ne sait pas quelles étaient l’abondance et la répartition du corégone de l’Atlantique avant l’arrivée des Européens, mais il est presque certain que l’espèce était présente dans de nombreux cours d’eau. L’arrivée des colons européens a été suivie d’une période intensive de construction de barrages, et le corégone de l’Atlantique est probablement disparu d’un grand nombre de rivières en peu de temps, l’accès à ses aires de frai lui étant ainsi coupé. À notre époque, la présence de l’espèce a été confirmée dans seulement deux rivières, la Tusket et la Petite Rivière.

Le corégone de l’Atlantique a déjà été abondant dans le bassin de la rivière Tusket (Gilhen, 1977; Scott et Scott, 1988). Les poissons anadromes remontaient la rivière en masse en octobre et en novembre, et les pêcheurs à la ligne considéraient le corégone de l’Atlantique comme abondant dans la rivière Tusket ainsi que dans les havres de Wedgeport et de Yarmouth. Avant 1940, il n’était pas rare d’en prendre 200 spécimens dans un filet à gaspareau dans la rivière Tusket (Gilhen, 1977). On en faisait également des prises importantes dans les filets à gaspareau dans la rivière Annis. Scott et Scott (1988) mentionnent qu’entre le 18 octobre et le 7 novembre 1954, 86 corégones de l’Atlantique en montaison ont été capturés dans une trappe à saumon atlantique placé dans la rivière Tusket.

Le barrage hydroélectrique construit en 1929 aux chutes Tusket semble avoir eu une incidence considérable sur l’abondance du corégone de l’Atlantique. Aucun dispositif n’avait été prévu pour empêcher les poissons de passer par les vannes, et les aubes des turbines ont probablement causé de la mortalité. Selon des études menées en 1960 et 1961, le taux de mortalité causée par les turbines chez les jeunes saumons et gaspareaux en dévalaison aurait été respectivement de 16,5 % et de plus de 50 % (Smith, 1960; idem, 1961). Ces études ne s’étendaient pas au corégone de l’Atlantique, mais il est raisonnable de penser que l’espèce subissait le même sort au cours de ses migrations. Les passes à poissons construites plus tard ont peut-être réduit la mortalité en dévalaison. Certaines d’entre elles n’étaient pas efficaces en montaison, et parmi celles qui l’étaient, certaines n’assuraient aucune protection contre le braconnage, et des adultes étaient prélevés en grands nombres dans les bassins (Scott et Scott, 1988; MPO, 2006).

La population de la rivière Tusket semble avoir connu son plus grand déclin durant les années 1940 et 1950. Selon Gilhen (1977), la population a diminué considérablement dans les années 1940 en raison de l’augmentation du nombre de turbines dans le barrage hydroélectrique, de l’absence de grilles pour empêcher les poissons de passer par les vannes et de l’inefficacité de certaines passes à poissons. Selon Scott et Scott (1988), la population de la rivière Tusket ne se serait jamais rétablie du braconnage extensif pratiqué dans les bassins des passes à poissons durant les années 1950. Durant cette période, le corégone de l’Atlantique, comme d’autres espèces, a subi le stress de l’acidification des eaux due aux dépôts acides.

Dans les années 1970, on ne prenait plus souvent de corégones de l’Atlantique dans la rivière Tusket (Gilhen, 1977). Durant le relevé de l’automne 1982, aucun corégone de l’Atlantique n’a été pris, malgré la mise en service par le ministère des Pêches et des Océans d’une trappe dans la passe à poissons du barrage hydroélectrique de la rivière Tusket du 5 octobre au 20 novembre (Edge, 1984). Cette passe était le seul moyen d’atteindre l’eau douce, car le débit était insuffisant à la passe du barrage de retenue de la rivière Tusket.

Dans le bassin de la Petite Rivière, il se pratique une pêche récréative de faible intensité dans les lacs Milipsigate et Hebb au moins depuis les années 1870. Les pêcheurs n’ont jamais trouvé le corégone de l’Atlantique en abondance dans ces lacs, mais savaient par ailleurs qu’au printemps ce poisson se regroupe en masse en aval du barrage de l’émissaire du lac Milipsigate, où il est facile à capturer. Des rapports des années 1920 révèlent que les pêcheurs prenaient des quantités importantes de corégones à cet endroit, à la ligne ou par d’autres moyens. Aucun corégone de l’Atlantique n’a été observé à cet endroit entre le 9 et le 15 mai 1983, alors que la température de l’eau atteignait 14 °C. En revanche, 5 spécimens de l’espèce ont été pris dans un petit filet maillant mis en place pour la nuit le 17 février 1985. Au printemps 1999, environ de 25 à 30 corégones de l’Atlantique ont été observés près de la sortie du barrage du lac Milipsigate (Bradford et al., 2004a). Le printemps suivant, environ 200 à 250 individus de l’espèce ont été observés au même endroit.

Le relevé réalisé à l’automne 1982 dans le bassin de la Petite Rivière a permis d’établir que le corégone de l’Atlantique était toujours présent dans les lacs Hebb, Milipsigate et Minamkeak (Edge, 1984). Les résultats de ce relevé indiquent que l’effectif du corégone de l’Atlantique était faible. Le nombre de corégones pris par 75 m de filet maillant demeuré en place durant 18 heures était en moyenne de 0,75 pour le lac Milipsigate, de 1,25 pour le lac Minamkeak et de 2,0 pour le lac Hebb. Au cours de l’été 1983, divers engins de pêche (nasses à vairons, sennes, trappes en filet et filets maillants) ont été utilisés pour étudier les populations de poissons du lac Hebb (Edge, 1987). Le corégone de l’Atlantique a été pris uniquement dans des filets maillants et comptait pour seulement 4,9 % des prises totales, ce qui montre que l’espèce était peu abondante. De 2000 à 2008, des campagnes d’échantillonnage ont été menées presque chaque année dans les lacs du bassin de la Petite Rivière, mais peu de corégones de l’Atlantique ont été pris (MPO, 2009).

Le capitaine D.R. Bell, de Petite Rivière, dans le comté de Lunenburg, a fourni des renseignements indiquant que l’effectif du corégone de l’Atlantique serait en déclin depuis plusieurs décennies (comm. pers., 1987). Selon lui, le corégone de l’Atlantique est présent dans l’estuaire de la Petite Rivière au moins depuis les années 1930, et on le capturait dans le havre au moyen de filets dérivants afin de l’utiliser comme appât pour le homard. En une nuit de pêche, on pouvait prendre de 30 à 50 corégones de l’Atlantique avec 10 filets. Avant la fin des années 1940, il était assez courant de prendre du corégone de l’Atlantique dans les lieux de pêche au gaspareau à partir de la mi–avril jusqu’en juin. En 2000, un seul pêcheur pratiquait encore la pêche au gaspareau dans la Petite Rivière, et en une saison il ne prenait en moyenne que 2 ou 3 corégones de l’Atlantique, qu’il remettait à l’eau. Ainsi, au cours du printemps 1999, il a pris et relâché 3 spécimens de l’espèce. Bien que l’effectif du corégone de l’Atlantique ait diminué depuis les années 1930, selon le capitaine Bell, il n’est pas rare d’apercevoir à certains moments dans l’estuaire de la Petite Rivière des corégones de l’Atlantique sauter hors de l’eau, comme le font les saumons à la marée montante. Il n’est pas impossible que ces spécimens fassent partie d’une population anadrome résiduelle vivant dans les parties accessibles de la rivière, mais il est plus probable qu’ils proviennent de la population dulçaquicole.

Bien que les données disponibles ne permettent pas de faire une estimation quantitative des fluctuations et tendances de l’effectif du corégone de l’Atlantique, on peut affirmer que l’espèce a connu un long déclin, qui a probablement commencé peu après l’établissement des colons européens. Si, comme on le suppose, la population de la rivière Tusket est disparue, la zone d’occupation de l’espèce a diminué au moins de moitié depuis 1982. L’aire de la population naturelle de l’espèce semble actuellement limitée à une superficie d’environ 16 km², soit la superficie de l’ensemble des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb (MPO, 2009).

Immigration de source externe

Le fait que le corégone de l’Atlantique n’existe pas en dehors du Canada exclut toute possibilité de rétablissement de la population canadienne par migration naturelle de sujets venant d’ailleurs. De même, comme la seule population sauvage de l’espèce est confinée dans 3 lacs situés en amont du barrage d’Hebbville, sur la Petite Rivière, il est exclu qu’elle soit rétablie par dispersion naturelle de sujets de populations voisines. En revanche, la population existante pourrait être rétablie grâce à des mesures de gestion appropriées. Les protocoles d’élevage et de maintien en captivité en usage au Centre de biodiversité Mersey assurent un stock de spécimens pouvant servir à des mesures de rétablissement ou à des recherches (voir p. ex. Cook et al., 2010). Une mesure de rétablissement, à savoir l’introduction de populations à l’extérieur du bassin de la Petite Rivière, a été tentée au lac Anderson. En 2005-2006, environ 3 000 corégones de l’Atlantique élevés en captivité ont été lâchés dans le lac Anderson (MPO, 2006). L’expérience n’est pas encore terminée, mais les observations préliminaires (R.G. Bradford, comm. pers., 2010) confirment la survie de la population et la croissance des individus. Un échantillonnage pratiqué en 2007 et 2008 a permis d’observer que l’état général des spécimens d’élevage lâchés dans le lac était soit bon, soit assez mauvais, rarement intermédiaire entre les deux. En 2009, peu d’individus en mauvais état de santé ont été observés. La même année, on a observé une femelle mature et prête à frayer. Il faudra poursuivre les observations en 2010 et dans les années suivantes pour savoir si la population de corégones de l’Atlantique introduite dans le lac Anderson réussit à se reproduire. 

Un lac du comté de Lunenburg a été choisi pour le transfert de corégones de l’Atlantique sauvages de la population des lacs de la Petite Rivière, au cas où la survie de cette dernière viendrait à être menacée (R.G. Bradford, comm. pers., 2009). Pour élargir davantage l’aire de répartition de l’espèce, il faudra transférer des individus de la population actuelle dans d’autres bassins hydrographiques favorables; il y en a un certain nombre dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse (MPO, 2009).

Facteurs limitatifs et menaces

Bradford et al. (2004b) ainsi que le ministère des Pêches et des Océans (MPO, 2009) ont examiné les facteurs menaçant la survie et compromettant les chances de rétablissement du corégone de l’Atlantique puis les ont classé par ordre d’importance. Il ne reste plus que la population du bassin de la Petite Rivière, et les facteurs susceptibles de causer directement ou indirectement de la mortalité chez elle sont liés aux barrages, notamment la production d’hydroélectricité, la retenue d’eau pour l’irrigation ou l’alimentation des agglomérations, la prise d’eau et l’abaissement du niveau des eaux. Il n’y a plus de production d’hydroélectricité sur la Petite Rivière, mais les barrages de Conquerall Mills et de l’émissaire du lac Hebb ont été construits pour l’exploitation de la centrale. Les barrages des émissaires des lacs Minamkeak et Milipsigate assuraient la régularisation de l’alimentation des turbines du barrage d’Hebbville. Le barrage de Conquerall Mills a été ouvert en 1977, mais on n’a pas vérifié si les poissons peuvent y passer pour remonter la rivière à tout moment de l’année. Les barrages des émissaires des lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb sont toujours en place; celui du lac Hebb empêche toute circulation vers l’amont et, par conséquent, détruit la valeur reproductive des poissons le franchissant vers l’aval. En 1889, un barrage en bois a été construit sur le cours principal de la Petite Rivière, à la hauteur de Crousetown (figure 3), pour les besoins d’une scierie. Un passage a été aménagé pour permettre la montaison du gaspareau et du saumon atlantique. L’efficacité de cet ouvrage n’a pas été vérifiée pour le corégone de l’Atlantique ni pour aucune autre espèce de poissons.

Bien que les barrages du bassin de la Petite Rivière aient contribué au déclin du corégone de l’Atlantique en raison de la mortalité causée par les turbines, ils ne sont probablement plus une cause directe de mortalité chez l’espèce. L’absence de passe à poissons au barrage d’Hebbville cause une perte de productivité, car les individus emportés par-dessus le barrage sont incapables de remonter vers le lac et sont pour ainsi dire perdus. L’absence de passe à poissons exclut également toute augmentation de productivité pouvant être apportée par des individus anadromes. Les individus anadromes atteignent une taille beaucoup plus grande que les individus dulçaquicoles et ont, par conséquent, un potentiel de reproduction beaucoup plus élevé, en particulier les femelles.

L’introduction de poissons non indigènes menace également le corégone de l’Atlantique (MPO, 2009). L’achigan à petite bouche a été signalé dans le bassin de la Petite Rivière pour la première fois en 1994, et depuis ce temps il s’est largement répandu; on le rencontre maintenant dans les lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb. Les conséquences possibles pour le corégone de l’Atlantique n’ont pas été étudiées, mais il est clair, au vu de ce qui a été observé ailleurs, que des effets néfastes pour l’espèce sont à craindre. L’achigan à petite bouche peut nuire au corégone de l’Atlantique par prédation, occupation du territoire ou perturbation de la structure trophique de la communauté (Jackson, 2002).

L’introduction de prédateurs non indigènes peut limiter les activités de rétablissement du corégone de l’Atlantique dans d’autres bassins hydrographiques. Il suffit de penser à l’introduction du brochet maillé dans la rivière Annis et de l’achigan à petite bouche dans la rivière Tusket. Depuis l’introduction du brochet maillé, les populations de poissons à rayons mous, dont le grand corégone, des lacs du bassin de la rivière Annis ont été décimées (Bradford et al., 2004b). Il faudra tenir compte de la présence de l’achigan à petite bouche et du brochet maillé lorsque viendra le temps de choisir les cours d’eau où introduire des individus anadromes, notamment dans le bassin des rivières Tusket et Annis.

Un troisième facteur limitant les possibilités de rétablissement du corégone de l’Atlantique est l’acidification du milieu. De nombreuses rivières du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse sont devenues si acides que le saumon atlantique ne peut plus s’y reproduire, et leurs populations indigènes sont considérées comme disparues (Watt et al., 1983; Watt, 1986; idem, 1989). Dans sa description de la rivière Tusket, Watt (1986) mentionne que le saumon ne s’y trouve plus qu’en petit nombre dans un ou deux bras où les eaux sont moins acides. La rivière Annis et la rivière Carleton, bras de la rivière Tusket, sont mieux tamponnées que le cours principal de la Tusket, où le pH peut baisser considérablement à certains moments; en fait, le pH de la Tusket atteint régulièrement des valeurs létales pour les œufs, les larves et les premiers stades juvéniles du corégone de l’Atlantique. Ce facteur devra être pris en considération dans les projets de rétablissement de l’espèce dans la rivière Tusket. Cependant, certains aspects de la biologie du corégone de l’Atlantique permettent de croire que l’acidification des eaux est moins préoccupante pour l’espèce que pour d’autres poissons. Le corégone de l’Atlantique est plus tolérant à l’acidité que le saumon atlantique, et l’apparition chez le premier d’une préférence pour les eaux très salées tôt dans le développement de l’individu (Cook et al., 2010) indique que les individus anadromes de l’espèce passent moins de temps en eau douce avant la dévalaison. La Petite Rivière a un pouvoir tampon supérieur à celui des rivières Tusket et Annis et, par conséquent, un pH généralement plus élevé. L’acidification ne semble pas constituer un facteur limitatif pour la population de corégones de l’Atlantique de la Petite Rivière.

Plusieurs autres facteurs menaçant la survie du corégone de l’Atlantique de façon moins imminente ou limitant les possibilités de rétablissement de l’espèce ont été signalés (Bradford et al., 2004b), notamment la prise accessoire dans les pêches commerciales et récréatives, la fluctuation du niveau des eaux, l’entraînement d’individus dans les prises d’eau, le prélèvement de spécimens à des fins d’études scientifiques, l’envasement des fonds, l’eutrophisation des eaux et la dégradation de l’habitat découlant de la transformation des rives. Le risque lié à ces facteurs est généralement considéré comme plutôt faible.

Connaissances traditionnelles autochtones

Bradford et al. (2004a) donnent les résultats d’entretiens tenus en août 2002 avec 16 représentants de la Première nation d’Acadia provenant des réserves Shelburne, Yarmouth et Wildcat. Un total de 9 d’entre eux (8 de la réserve Yarmouth, l’autre de la réserve Wildcat) connaissaient le corégone de l’Atlantique. L’un d’eux déclarait avoir pris un corégone de l’Atlantique dans la région de Kemptville dans les années 1950, un autre, d’en avoir pris un dans la rivière Medway dans les années 1940. Aucun sondage pour recueillir les connaissances traditionnelles autochtones n’a été mené depuis 2002 (Bradford et al., 2010).

Protection actuelle et autres désignations

La protection et la gestion du corégone de l’Atlantique relèvent de la Loi sur les pêches du Canada et des règlements pris en application de la Loi, lesquels comportent des dispositions visant la régulation des débits pour satisfaire aux besoins des poissons, les passes à poissons, la mortalité causée autrement que par la pêche, la pollution des eaux contenant des poissons et les dommages causés à l’habitat du poisson. Aux termes de l’article 6 du Règlement de pêche des provinces maritimes, il est interdit de prendre et de garder ou d’avoir en sa possession un corégone de l’Atlantique. Une ordonnance de modification établie en vertu du Règlement (dispositions générales) interdit la pêche à la ligne dans les lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb et dans les eaux les reliant entre le 1er avril et le 30 juin. Depuis 2005, du 1erjuillet au 30 septembre, les pêcheurs ne peuvent utiliser au bout de leur ligne que des leurres sans appât et des mouches artificielles. De plus, il est interdit de pêcher le gaspareau au filet maillant dans l’estuaire de la Petite Rivière.

Le COSEPAC a classé le corégone de l’Atlantique comme espèce en voie de disparition en 1984, puis a maintenu ce classement en 2000 et en 2010. Le corégone de l’Atlantique a été inscrit à la liste des espèces en voie de disparition de l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada au moment de son adoption, en 2003. La protection de l’espèce prévue par la LEP s’applique à la population introduite dans le lac Anderson comme à la population des lacs du bassin de la Petite Rivière. Dans la Liste Rouge de 2000 de l’UICN, le corégone de l’Atlantique est inscrit comme espèce vulnérable (cote D2), ce qui signifie qu’il court un risque élevé de disparition à l’état sauvage à moyen terme. NatureServe (2010) a attribué au corégone de l’Atlantique la cote G1 (espèce gravement en péril à l’échelle mondiale). Le corégone de l’Atlantique est également protégé en vertu de lois provinciales, notamment de l’Environment Act (1994-1995) et de l’Endangered Species Act (1998). Comme ils alimentent en eau la collectivité de Bridgewater, les lacs Minamkeak, Milipsigate et Hebb sont assujettis aux règlements pris en application de l’Environment Act de la Nouvelle-Écosse qui régissent les activités susceptibles d’influer sur la qualité des eaux du bassin, notamment les activités agricoles, forestières et minières.

Remerciements et experts constactés

Outre les nombreuses personnes qui ont contribué à la préparation des versions antérieures du rapport de situation, le rédacteur tient à remercier celles qui lui ont apporté une aide inestimable dans la préparation du présent rapport, en particulier Paul Bentzen (Université Dalhousie), Rod Bradford (MPO), Tom Edge (Environnement Canada), John Gilhen (Nova Scotia Museum of Natural History), Dan Hasselman (Université Dalhousie), Andrew Hebda (Nova Scotia Museum of Natural History) et Ian Marshall (MPO). Il remercie également Jenny Wu et Alain Filion (Environnement Canada) de leur aide précieuse dans la préparation des cartes.

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Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Tim Birt est agrégé de recherche et professeur auxiliaire adjoint à l’Université Queen’s. Ses recherches ont porté principalement sur la génétique des populations et l’évolution des oiseaux marins et du saumon atlantique. Il est titulaire d’un baccalauréat ès sciences de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat de l’Université Memorial de Terre-Neuve.

Collections examinées

Aucune collection n’a été examinée pour la préparation du présent rapport.

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