Paire d'espèces d'épinoches benthiques et limnétiques à trois épines du lac Enos Gasterosteus : évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012

Illustrations de l’épinoche à trois épines benthique du lac Enos (image du bas) et de l’épinoche à trois épines limnétique du lac Enos (image du haut), Gasterosteus aculeatus. Le corps de l’épinoche benthique est plus robuste que celui de l’épinoche limnétique.

En voie de disparition
2012

Table des matières

Information sur le document

Paire d’espèces d’épinoches benthiques et limnétiques à trois épines du lac Enos Gasterosteus aculeatus

Illustrations de l’épinoche à trois épines benthique du lac Enos (image du bas) et de l’épinoche à trois épines limnétique du lac Enos (image du haut), Gasterosteus aculeatus. Le corps de l’épinoche benthique est plus robuste que celui de l’épinoche limnétique.

En voie de disparition
2012

COSEPAC -- Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2012. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur lapaire d’espèces d’épinoches benthiques et limnétiques à trois épines du lac Enos (Gasterosteus aculeatus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. xv + 34 p.

Rapport(s) précédent(s) :

COSEPAC. 2002. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos (Gasterosteus spp.) au Canada Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. viii + 28 p.

PEDEN, A. 2002. Rapport de situation du COSEPAC sur la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos (Gasterosteus spp.) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-28.

McPHAIL, J.D. 1988. COSEWIC status report on the Enos Lake stickleback species pair Gasterosteus spp. in Canada. Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. Ottawa. 17 p.

Note de production :
Le COSEPAC souhaite remercier Todd Hatfield, qui a rédigé le rapport de situation sur les espèces d’épinoches à trois épines limnétique et benthique du lac Enos (Gasterosteus aculeatus) au Canada, dans le cadre d’un contrat conclu avec Environnement Canada. Eric Taylor (Ph.D.), coprésident du Sous-comité de spécialistes des poissons d’eau douce du COSEPAC, a supervisé la préparation du rapport et en a établi la version finale.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél.: 819-953-3215
Téléc.: 819-994-3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
Site Web : www.cosewic.gc.ca

Illustration/photo de la couverture :
Paire d’espèces d’épinoches benthiques et limnétiques à trois épines du lac Enos -- dessinée par R. Carveth.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2012.
No de catalogue CW69-14/230-2012F-PDF
ISBN 978-1-100-99257-0

COSEPAC -- Sommaire de l'évaluation

Sommaire de l'évaluation – mai 2012

Nom commun
Épinoche benthique du lac Enos

Nom scientifique
Gasterosteus aculeatus

Statut
En voie de disparition

Justification de la désignation
Ce petit poisson se trouve dans un seul lac de la côte sud de la Colombie-Britannique où il a maintenant formé une population hybride avec une épinoche coexistante. Bien qu'il soit possible qu'un aible nombre d'individus génétiquement purs existe dans le lac, la présence continue d'une écrevisse envahissante et la dégradation de l'habitat, continuent de placer l'espèce face à un risque élevé de disparition.

Répartition
Colombie-Britannique

Historique du statut
La désignation initiale (incluant les espèces benthique et limnétique) était « menacée » en avril 1988. L'espèce a été divisée en deux espèces lors d'un réexamen en novembre 2002, et l'épinoche à trois épines benthique du lac Enos a été désignée « en voie de disparition ». Réexamen et confirmation du statut en mai 2012.

Sommaire de l'évaluation – mai 2012

Nom commun
Épinoche limnétique du lac Enos

Nom scientifique
Gasterosteus aculeatus

Statut
En voie de disparition

Justification de la désignation
Ce petit poisson se trouve dans un seul lac de la côte sud de la Colombie-Britannique où il a maintenant formé une population hybride avec une épinoche coexistante. Bien qu'il soit possible qu'un faible nombre d'individus génétiquement purs existe dans le lac, la présence continue d'une écrevisse envahissante et la dégradation de l'habitat, continuent de placer l'espèce face à un risque élevé de disparition.

Répartition
Colombie-Britannique

Historique du statut
La désignation initiale (incluant les espèces benthique et limnétique) était « menacée » en avril 1988. L'espèce a été divisée en deux espèces lors d'un réexamen en novembre 2002, et l'épinoche à trois épines limnétique du lac Enos a été désignée « en voie de disparition ». Réexamen et confirmation du statut en mai 2012.

COSEPAC -- Résumé

Paire d’espèces d’épinoches benthiques et
limnétiques à trois épines du lac Enos

Gasterosteus aculeatus

Information sur les espèces

Les épinoches à trois épines benthiques et limnétiques du lac Enos étaient des espèces de poissons d’eau douce de petite taille (longueur totale allant jusqu’à 60 mm environ) dérivées de l’épinoche à trois épines marine. Elles comptaient parmi les quelques paires d’espèces sympatriques isolées sur le plan de la reproduction présentes dans les lacs d’une région précise du détroit de Georgia, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique. Les épinoches limnétiques se nourrissaient essentiellement de plancton et présentaient des caractéristiques considérées comme des adaptations à un mode de vie axé sur la consommation de zooplancton, tandis que les épinoches benthiques présentaient des caractéristiques jugées avantageuses pour l’alimentation en milieu benthique.

Des analyses détaillées des caractéristiques morphologiques, génétiques et de reproduction des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont été entreprises en octobre 1977 et ont confirmé l’existence de différences frappantes dans la forme générale du corps. Un programme d’élevage en laboratoire a révélé que les différences observées entre les épinoches limnétiques et benthiques avaient un fondement génétique, mais qu’il n’existait pas d’obstacle intrinsèque à l’hybridation, puisque les hybrides étaient aussi viables et fertiles que les espèces parentales. On a inféré que l’incidence de l’hybridation en milieu naturel était faible, car moins de 1 % de la population adulte totale présentait une morphologie intermédiaire correspondant à celle des hybrides élevés en laboratoire.

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos satisfaisaient à toutes les conditions du concept d’espèce biologique et ont donc été considérées comme de véritables espèces. Les formes limnétique et benthique étaient faciles à distinguer sur le plan de la morphologie, du comportement et de l’écologie. Les différences observées concernant la morphologie et le comportement avaient un fondement génétique; les épinoches benthiques et limnétiques manifestaient une homogamie rigoureuse et constituaient deux populations génétiquement distinctes.

Les preuves morphologiques et génétiques recueillies montrent clairement que les épinoches du lac Enos forment maintenant une population hybride unique et ne satisfont plus à la définition d’espèces distinctes.

Répartition

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos se trouvaient dans un seul lac d’une superficie de 17,6 hectares, le lac Enos, situé dans le sud-est de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Habitat

Les besoins en matière d’habitat des paires d’espèces d’épinoches comprennent non seulement des caractéristiques qui limitent la taille ou la viabilité des populations (p. ex., productivité du lac, aire de croissance des juvéniles, habitat de nidification), mais aussi des caractéristiques de l’environnement qui empêchent l’hybridation. Les besoins en matière d’habitat comprennent ainsi une productivité littorale et pélagique modérée, l’absence d’espèces exotiques, le maintien des niveaux de transmission de la lumière naturelle et le maintien des peuplements littoraux naturels de macrophytes, ces deux derniers éléments étant considérés comme particulièrement importants pour ce qui est d’assurer la reconnaissance du partenaire.

Le lac Enos a subi certaines perturbations anthropiques, dont l’endiguement de la décharge, l’augmentation du niveau de l’eau et le prélèvement d’eau pour l’irrigation et l’usage domestique. Certaines de ces perturbations se sont produites il y a plusieurs décennies, mais n’ont pas semblé affecter la paire d’espèces pendant une longue période. Le plus important changement survenu au cours du passé récent dans l’habitat est lié à l’introduction de l’écrevisse signal, qui a considérablement modifié les zones littorales du lac en supprimant la quasi-totalité de la végétation qui s’y trouvait. Avant l’introduction de cette espèce, le littoral du lac Enos comportait des peuplements denses de végétation littorale durant l’été. Compte tenu des différences observées concernant les microhabitats de nidification choisis, ce changement a probablement eu un effet significatif sur la suppression des obstacles à l’accouplement entre les espèces et a favorisé l’effondrement de la paire d’espèces.

Biologie

On croyait que les épinoches limnétiques atteignaient la maturité après une année en moyenne et vivaient rarement au-delà d’une saison de reproduction. En laboratoire, les femelles produisaient des pontes multiples en succession rapide. On a supposé qu’il en allait de même dans la nature. Les mâles reproducteurs s’accouplaient avec plusieurs voire de nombreuses femelles et pouvaient nidifier plus d’une fois au cours d’une saison de reproduction.

Les épinoches benthiques atteignaient la maturité sexuelle plus tard que les épinoches limnétiques. Bien qu’un certain nombre d’individus s’accouplaient probablement au cours de leur première année, beaucoup attendaient d’avoir deux ans pour s’accoupler. Ils pouvaient vivre jusqu’à environ cinq ans et s’accoupler durant plusieurs saisons de reproduction. En laboratoire, les femelles produisaient moins de pontes au cours d’une saison de reproduction que les femelles limnétiques. On a supposé que c’était également le cas en milieu naturel. Les mâles reproducteurs s’accouplaient avec plusieurs voire de nombreuses femelles et pouvaient nidifier plus d’une fois au cours d’une saison de reproduction.

Le mode de reproduction général des épinoches limnétiques et benthiques était semblable à celui des autres espèces d’épinoches à trois épines. Les mâles construisaient les nids, qu’ils gardaient et défendaient jusqu’à ce que les alevins soient âgés d’une semaine environ. Les œufs prenaient jusqu’à une semaine pour éclore, selon la température, et les larves étaient nageuses trois à cinq jours plus tard. Les nids et leur contenu demeuraient vulnérables à différents prédateurs, y compris d’autres épinoches. Les épinoches benthiques construisaient leur nid sous le couvert de macrophytes ou d’autres structures, tandis que les épinoches limnétiques tendaient à se reproduire dans des parcelles d’habitat à découvert.

Taille et tendances des populations

La taille des populations du lac Enos a été estimée en 2001 selon plusieurs études de marquage-recapture, mais ces estimations ont été faussées par des problèmes d’identification des espèces dus à l’hybridation considérable qui s’était produite. Lorsque les échantillons ont été regroupés, l’effectif de la population a été estimé à 26 630 ± 8 240, ce qui donne une indication du nombre total d’épinoches âgées d’au moins un an dans le lac.

Facteurs limitatifs et menaces

Les facteurs limitatifs touchant l’abondance des épinoches du lac Enos étaient mal compris et on disposait de peu de données pertinentes à ce sujet. Les épinoches étaient abondantes dans le lac; le principal facteur ayant dicté leur statut de conservation initial a été leur endémisme extrême et la menace posée par une espèce exotique, et non le déclin de l’abondance ou de la répartition.

Les menaces pesant sur les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont été décrites dans le Programme de rétablissement national. La principale menace au maintien des paires d’espèces d’épinoches est l’introduction d’espèces exotiques.

Importance particulière de l’espèce

L’importance des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos était principalement d’ordre esthétique et scientifique. Les paires d’espèces d’épinoches sont généralement considérées comme un trésor scientifique et offrent un exemple parfait de radiation adaptative récente. Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos n’avaient aucune valeur commerciale directe.

Protection actuelle

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos figurent sur la liste des espèces en voie de disparition de l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP). Le COSEPAC a désigné ces épinoches comme paire d’espèces en voie de disparition, selon les rapports de situation de 2002 et de 2012. Cette paire d’espèces est actuellement désignée « en voie de disparition » par le Centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique. Aucune disposition particulière ne s’applique à la protection de l’habitat des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos.

Résumé technique 1
Gasterosteus aculeatus
Épinoche à trois épines benthique du lac Enos Enos Lake Benthic Threespine Stickleback
Endémique au lac Enos, Colombie-Britannique
Données démographiques
Durée d’une génération 2 années
Y a-t-il un déclin continu du nombre total d’individus matures?
On ne trouve pas d’épinoches benthiques du lac Enos dans la nature ou en captivité.
Sans objet
Pourcentage estimé de déclin continu du nombre total d’individus matures pendant cinq années. Sans objet
Pourcentage du déclin du nombre total d'individus matures au cours des dix dernières années. > 70 %
Pourcentage du déclin du nombre total d'individus matures au cours des dix prochaines années. Inconnu, mais probablement >70 %
Pourcentage de déclin du nombre total d'individus matures au cours de toute période de 10 ans commençant dans le passé et se terminant dans le futur.
Même si l’échantillonnage indique l’existence d’une population hybride, certains individus benthiques peuvent subsister dans la population totale.
> 70 %
Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises et ont effectivement cessé?
On croit que le déclin est dû à l’introduction d’une espèce exotique d’écrevisse, mais le mécanisme en cause demeure incertain et ne semble pas être réversible.
Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Non
Information sur la répartition
Superficie estimée de la zone d’occurrence
(Cette épinoche est extrêmement endémique : elle ne se trouve que dans un petit lac. Selon McPhail (1984), la superficie du lac Enos est de 17,6 ha = 0,20 km²). Si tous les poissons sont effectivement des hybrides, la zone d’occurrence (ZO) est égale à 0.
8 km²
Indice de la zone d’occupation (IZO)
Grille de 2 km X 2 km
Si tous les poissons sont effectivement des hybrides, l’IZO est égal à 0.
8 km²
La population totale est-elle très fragmentée? Non
Nombre de « localités » 1
Y a-t-il un déclin continu de la zone d'occurrence?
On ne trouve probablement pas d’épinoches benthiques du lac Enos dans la nature, et on n’en trouve pas en captivité.
Oui
Y a-t-il un déclin continu de l'indice de la zone d'occupation? Oui
Y a-t-il un déclin continu du nombre de populations? Non
Y a-t-il un déclin continu du nombre de localités? Non
Y a-t-il un déclin continu de la superficie, de l'étendue ou de la qualité de l'habitat?
L’habitat a été considérablement altéré par l’introduction de l’écrevisse signal et cette altération se poursuit.
Oui
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de localités? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de l’indice de la zone d’occupation? Non
Nombre d’individus matures dans chaque population
Population Nbre d’individus matures
Total Inconnu, mais on croit qu'il est de 0
Analyse quantitative
Selon des analyses génétiques répétées, tout porte à croire qu’il n’existe pas d’épinoches benthiques du lac Enos « pures » dans la nature ou en captivité.
Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou leur habitat)
Immédiates
•  Répercussions écologiques des espèces exotiques
•  Déviation de l’eau et rabattement du niveau d’eau
•  Perte et dégradation de l’habitat dues aux pratiques d’utilisation des terres

Potentielles
•  Prélèvement excessif d’individus aux fins de recherche
Immigration de source externe (immigration de l’extérieur du Canada)
Statut des populations de l’extérieur  Sans objet (espèce endémique au lac Enos)
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? Non
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada? Sans objet
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Sans objet
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle? Sans objet
Statut existant
COSEPAC : En voie de disparition, 2012
Statut et justification de la désignation
Statut :
En voie de disparition
Code alphanumérique :
A2ace; B1ab(iii,v)+2ab(iii,v); C2a(ii)
Justification de la désignation : Ce petit poisson se trouve dans un seul lac de la côte sud de la Colombie-Britannique où il a maintenant formé une population hybride avec une épinoche coexistante. Bien qu’il soit possible qu’un faible nombre d’individus génétiquement purs existe dans le lac, la présence continue d’une écrevisse envahissante et la dégradation de l’habitat continuent de placer l’espèce face à un risque élevé de disparition.
Applicabilité des critères
Critère A :
Correspond à la catégorie « en voie de disparition » A2 et aux sous-catégories a, c et e, car les déclins de l’abondance inférés sont > 70 %, selon les échantillons génétiques et morphologiques prélevés dans le lac, en raison des effets combinés de la présence d’une espèce envahissante et de son impact négatif sur la qualité de l’habitat.
Critère B :
Correspond aux catégories « en voie de disparition » B1 et B2 et à la sous-catégorie b(iii, v). En effet, la ZO, l’IZO et le nombre de localités (8 km², 8 km² et 1, respectivement) se situent bien en deçà des seuils établis, et la présence d’une écrevisse exotique permet d’inférer un déclin continu tant de la qualité de l’habitat que du nombre d’individus matures.
Critère C :
Correspond à la catégorie « en voie de disparition » C2a(ii), car un déclin continu est inféré et une population unique comprend > 95 % des individus matures restants, s’il en est.
Critère D :
Correspond à la catégorie « menacée » D2, car cette épinoche ne se trouve que dans une localité.
Critère E :
Sans objet, les données nécessaires n’étant pas disponibles.
Résumé technique 2
Gasterosteus aculeatus
Épinoche à trois épines limnétique du lac Enos Enos Lake Limnetic Threespine Stickleback
Endémique au lac Enos, Colombie-Britannique
Données démographiques
Durée d’une génération 1 an
Y a-t-il un déclin continu du nombre total d’individus matures?
On ne trouve pas d’épinoches benthiques limnétiques du lac Enos dans la nature. On trouve une population reproductrice en captivité, différente sur le plan morphologique, dans un étang du terrain de golf du parc Murdo Frazer, à North Vancouver.
Probablement
Pourcentage estimé de déclin continu du nombre total d’individus matures pendant cinq années. > 70 %
Pourcentage du déclin du nombre total d'individus matures au cours des dix dernières années. > 70 %
Pourcentage du déclin du nombre total d'individus matures au cours des dix prochaines années. Inconnu, mais probablement > 70 %
Pourcentage de déclin du nombre total d'individus matures au cours de toute période de 10 ans commençant dans le passé et se terminant dans le futur.
Même si l’échantillonnage indique l’existence d’une population hybride, certains individus limnétiques peuvent subsister dans la population totale.
> 70 %
Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises et ont effectivement cessé?
On croit que le déclin est dû à l’introduction d’une espèce exotique d’écrevisse, mais le mécanisme en cause demeure incertain et ne semble pas être réversible.
Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Non
Information sur la répartition
Superficie estimée de la zone d’occurrence
(Cette épinoche est extrêmement endémique : elle ne se trouve que dans un petit lac. Selon McPhail (1984), la superficie du lac Enos est de 17,6 ha = 0,20 km²). Si tous les poissons sont effectivement des hybrides, la zone d’occurrence (ZO) est égale à 0.
8 km²
Indice de la zone d’occupation (IZO)
Grille de 2 km X 2 km
Si tous les poissons sont effectivement des hybrides, l’IZO est égal à 0.
8 km²
La population totale est-elle très fragmentée? Non
Nombre de « localités » 1
Y a-t-il un déclin continu de la zone d'occurrence?
On ne trouve pas d’épinoches limnétiques du lac Enos dans la nature. On trouve une population reproductrice en captivité, différente sur le plan morphologique, dans un étang du terrain de golf du parc Murdo Frazer, à North Vancouver.
Oui
Y a-t-il un déclin continu de l'indice de la zone d'occupation?
On ne trouve probablement pas d’épinoches limnétiques du lac Enos dans la nature.
Oui
Y a-t-il un déclin continu du nombre de populations? Non
Y a-t-il un déclin continu du nombre de localités? Non
Y a-t-il un déclin continu de la superficie, de l 'étendue ou de la qualité de l'habitat?
L’habitat a été considérablement altéré par l’introduction de l’écrevisse signal et cette altération se poursuit.
Oui
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de localités? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence? Non
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de l’indice de la zone d’occupation? Non
Nombre d’individus matures dans chaque population
Population Nbre d’individus matures
Total Inconnu, mais probablement égal à 0
Analyse quantitative
Selon des analyses génétiques répétées, tout porte à croire qu’il n’existe pas d’épinoches limnétiques du lac Enos « pures » dans la nature. Non effectuée
Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou leur habitat)
Immédiates
•  Répercussions écologiques des espèces exotiques
•  Déviation de l’eau et rabattement du niveau d’eau
•  Perte et dégradation de l’habitat dues aux pratiques d’utilisation des terres

Potentielles
•  Prélèvement excessif d’individus aux fins de recherche
Immigration de source externe (immigration de l’extérieur du Canada)
Statut ou situation des populations de l’extérieur?  Sans objet (espèce endémique au lac Enos)
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? Non
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada? Sans objet
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Sans objet
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle? Sans objet
Statut existant
COSEPAC : En voie de disparition, 2012
Statut recommandé et justification de la désignation
Statut recommandé :
Espèce en voie de disparition
Code alphanumérique :
A2ace; B1ab(iii,v)+2ab(iii,v); C2a(ii)
Justification de la désignation : Ce petit poisson se trouve dans un seul lac de la côte sud de la Colombie-Britannique où il a maintenant formé une population hybride avec une épinoche coexistante. Bien qu’il soit possible qu’un faible nombre d’individus génétiquement purs existe dans le lac, la présence continue d’une écrevisse envahissante et la dégradation de l’habitat continuent de placer l’espèce face à un risque élevé de disparition.
Applicabilité des critères
Critère A :
Correspond à la catégorie « en voie de disparition » A2 et aux sous-catégories a, c et e, car les déclins de l’abondance inférés sont > 70 %, selon les échantillons génétiques et morphologiques prélevés dans le lac, en raison des effets combinés de la présence d’une espèce envahissante et de son impact négatif sur la qualité de l’habitat.
Critère B :
Correspond aux catégories « en voie de disparition » B1 et B2 et à la sous-catégorie b(iii, v). En effet, la ZO, l’IZO et le nombre de localités (8 km², 8 km² et 1, respectivement) se situent bien en deçà des seuils établis, et la présence d’une écrevisse exotique permet d’inférer un déclin continu tant de la qualité de l’habitat que du nombre d’individus matures.
Critère C :
Correspond à la catégorie « en voie de disparition » C2a(ii), car un déclin continu est inféré et une population unique comprend > 95 % des individus matures restants.
Critère D :
Correspond à la catégorie « menacée » D2, car cette épinoche ne se trouve que dans une localité.
Critère E :
Sans objet, les données nécessaires n’étant pas disponibles.

Préface

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos (Gasterosteus aculeatus) étaient des espèces sympatriques isolées sur le plan reproductif qui n’ont pas été décrites. Elles ne se trouvaient que dans un seul lac (le lac Enos), sur l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique. Les deux espèces, considérées comme une paire d’espèces, ont été désignées « menacées » en avril 1998. On les a considérées comme deux espèces lors d’un nouvel examen, et elles ont été désignées « en voie de disparition » en novembre 2002 et en avril 2012. La désignation est fondée sur la répartition extrêmement limitée de cette paire d’espèces et sur les menaces constantes posées par l’introduction d’espèces exotiques et la perte et la dégradation de l’habitat dues à des perturbations anthropiques. Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont été désignées en tant qu’espèces en voie de disparition en vertu de la LEP en 2005.

En 2007, Pêches et Océans – région du Pacifique a codirigé, avec le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, l’élaboration d’un programme de rétablissement. Les menaces qui pèsent sur les espèces y sont énumérées, dont la plus grave est l’introduction d’espèces exotiques. Vers la fin des années 1990, l’écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus), une espèce non indigène, est devenue commune dans le lac. Des peuplements littoraux de macrophytes qui étaient auparavant denses ont alors disparu du lac. Environ au même moment, les taux d’hybridation entre les épinoches limnétiques et les épinoches benthiques du lac Enos ont augmenté. La paire d’espèces s’est effondrée, cédant la place à une population hybride, et la probabilité de rétablissement semble faible. Une autre paire d’espèces, celle du lac Hadley, sur l’île Lasqueti, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, a disparu à la suite de l’introduction de la barbotte. Étant donné la formation d’une population hybride issue des épinoches à trois épines benthiques et limnétiques du lac Enos et la faible possibilité que des individus purs de l’une ou l’autre espèce puissent subsister dans le lac, le rapport de situation qui suit contient une description et une évaluation des deux unités désignables (UD) établies à l’origine. Compte tenu du caractère exceptionnel de cette situation (effondrement de deux UD et formation d’une population hybride), le contexte historique (deux UD isolées sur le plan reproductif) et le contexte actuel (population hybride unique) seront présentés dans plupart des sections du présent rapport.

Les chercheurs qui s’intéressent à l’écologie, à l’évolution et à la génétique continuent d’étudier les épinoches du lac Enos, particulièrement sur le plan de l’apparente fragilité des barrières écologiques à l’accouplement chez les espèces récemment apparues.

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions

Espèce sauvage
Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Espèce disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Espèce disparue du Canada (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

Espèce en voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Espèce menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Espèce préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Espèce non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

* Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003,
** Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
*** Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
**** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999, Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Rapport de situation du COSEPAC sur la Paire d'espèces d'épinoches benthiques et limnétiques à trois épines du lac Enos Gasterosteus aculeatus au Canada – 2012.

Information sur les espèces

Nom et classification

Phylum : Cordés

Classe : Actinoptérygiens (poissons à nageoires rayonnées)

Ordre : Gastérostéiformes

Famille : Gastérostéidés

Genre : Gasterosteus

Espèce limnétique : Gasterosteus aculeatus

Espèce benthique : Gasterosteus aculeatus

Noms communs :
Français : épinoche à trois épines limnétique du lac Enos épinoche à trois épines benthique du lac Enos
Anglais :  Enos Lake Limnetic Threespine Stickleback Enos Lake Benthic Threespine Stickleback

Description morphologique

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos étaient des espèces de poissons d’eau douce dérivées de l’épinoche à trois épines marine (Gasterosteus aculeatus). Pour apprécier le caractère unique de ces espèces, il faut comprendre le phénomène plus vaste de la radiation postglaciaire des épinoches en Colombie-Britannique.

Les épinoches à trois épines sont de petits poissons (longueur moyenne de 51 mm) qui se trouvent en abondance dans les eaux marines et les habitats dulcicoles des régions côtières de l’hémisphère nord (Scott et Crossman, 1973; McPhail, 2007). La forme marine est l’ancêtre de la plupart des formes dulcicoles. Elle est habituellement anadrome, ce qui signifie qu’elle revient en eau douce pour se reproduire (Schluter et McPhail, 1992,1993; McKinnon et Rundle, 2002). La forme marine a donné naissance à des formes dulcicoles isolées dans de nombreux lacs et cours d’eau postglaciaires (McPhail, 1994, 2007).

Le corps des épinoches à trois épines est comprimé latéralement, il est muni de nageoires pectorales et caudale délicates. Les individus de la plupart des populations sont couverts de plaques latérales calcifiées, ainsi que d’épines pelviennes et dorsales qui peuvent être bloquées dans une position droite (Scott et Crossman, 1973; Wooton, 1976; Reimchen, 1994). Les individus d’eau douce sont plus ou moins couverts de plaques, mais en sont habituellement moins pourvus que les individus marins (Reimchen, 1994). La couleur du corps varie de l’argenté au brun-vert moucheté. À maturité sexuelle, les mâles ont la gorge rouge vif pendant la période de reproduction, tandis que les mâles de quelques populations d’eau douce deviennent complètement noirs (McPhail, 1969; Ridgway et McPhail, 1987; Reimchen, 1989).

Les épinoches marines sont phénotypiquement semblables dans l’ensemble de leur aire de répartition, tandis que les épinoches d’eau douce présentent des différences sur les plans écologique, comportemental et morphologique (McPhail, 1994). Trois types de « paires » divergentes sur les plans génétique et morphologique ont été découverts dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique (McPhail, 1994) : des paires anadromes et lotiques parapatriques (c.-à-d. des paires dont les aires de répartition sont contiguës mais ne se recoupent qu’à un endroit précis), des paires limnétiques et benthiques sympatriques (c.-à-d. des paires dont les aires de répartition spatiale se recoupent complètement ou presque) et des paires lentiques et lotiques parapatriques. Dans chaque cas, ces types sont désignés « paires d’espèces » en raison des interactions écologiques importantes qui existent entre les membres de la paire. McPhail (1994) donne des descriptions détaillées des populations dulcicoles solitaires et de chaque type de paires d’espèces.

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos (figure 1) étaient l’une des cinq paires d’espèces sympatriques, isolées sur le plan de la reproduction, rencontrées dans les lacs des îles d’une région précise du détroit de Georgia, en Colombie-Britannique (McPhail, 1984,1992; Schluter et McPhail, 1992; McPhail, 1993,1994; Gow et al., 2008). Les épinoches limnétiques se nourrissent principalement de plancton et possèdent comme caractéristiques morphologiques un corps fusiforme, une bouche étroite et de nombreuses et longues branchicténies, des caractéristiques considérées comme des adaptations à un mode de vie axé sur la consommation de zooplancton (Schluter et McPhail, 1992,1993). Les épinoches benthiques se nourrissent principalement d’invertébrés benthiques dans la zone littorale et possèdent un corps robuste, une large bouche et des branchicténies courtes et peu nombreuses, des caractéristiques considérées comme avantageuses pour l’alimentation sur le fond (Schluter et McPhail, 1992,1993). Le modèle de différentiation morphologique et écologique est semblable dans chacun des lacs (Schluter et McPhail, 1992; Gow et al., 2008) : les épinoches limnétiques de toutes les paires d’espèces sont d’apparence relativement semblable, et il en est de même pour les épinoches benthiques, mais on observe aussi quelques différences morphologiques mineures (McPhail, 1994). Selon les données génétiques et biogéographiques disponibles, il semblerait que les paires d’espèces d’épinoches à trois épines se soient formées indépendamment dans chaque lac suivant un processus de double invasion par des épinoches marines, de différenciation allopatrique et de spéciation écologique subséquente (McPhail, 1993; Hatfield et Schluter, 1999; Taylor et McPhail, 2000). L’analyse qui suit résume les résultats d’études réalisées avant et après le début de l’accroissement de l’hybridation des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos. Deux sections subséquentes du rapport, portant sur la biologie de la paire d’espèces, sont structurées de la même manière.

Figure 1.  Épinoches limnétique (en haut) et benthique (en bas) du lac Enos (illustration de R. Carveth)

Illustrations de l’épinoche à trois épines benthique du lac Enos (image  du bas) et de l’épinoche à trois épines limnétique du lac Enos (image du haut). Le corps de l’épinoche benthique est  plus robuste que celui de l’épinoche limnétique.

Contexte historique

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos se distinguaient par plusieurs caractéristiques morphologiques et méristiques. McPhail (1984) a entrepris des analyses détaillées des caractéristiques morphologiques, génétiques et de reproduction des épinoches du lac Enos. L’étude de spécimens sauvages recueillis en octobre 1977 et de leur descendance élevée en laboratoire a révélé que la variation méristique la plus notable existant entre les deux formes était le nombre de branchicténies, qui s’établissait en moyenne à 18,5 pour la forme benthique, contre 25,9 pour la forme limnétique, presque sans chevauchement de la répartition (McPhail, 1984). L’analyse de caractéristiques morphométriques comme l’épaisseur corporelle, la longueur de la tête, le diamètre de l’œil et la longueur des branchicténies a confirmé des différences frappantes dans la forme générale du corps (McPhail, 1984). Ces tendances ont été confirmées par des analyses supplémentaires portant sur des poissons capturés en 1988 (Schluter et McPhail, 1992). Le programme d’élevage en laboratoire de McPhail a également révélé que les différences morphologiques et méristiques observées avaient un fondement génétique, mais qu’il n’existait pas d’obstacle intrinsèque à l’hybridation, puisque les hybrides ne présentaient pas de baisse de viabilité ou de fertilité (McPhail, 1984) par rapport aux formes parentales. On a néanmoins inféré que l’incidence de l’hybridation en milieu naturel était faible, car moins de 1 % de la population adulte totale présentait une morphologie intermédiaire correspondant à celle des hybrides élevés en laboratoire (McPhail, 1984).

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos satisfaisaient à toutes les conditions du concept d’espèce biologique (Mayr, 1942) et de la plupart des autres concepts d’espèce. Elles ont donc été considérées comme de véritables espèces biologiques. La distinction entre les formes limnétique et benthique était facile à établir sur le plan de la morphologie, du comportement et de l’écologie (Bentzen et McPhail, 1984; Bentzen et al., 1984; McPhail, 1984; Schluter et McPhail, 1992). Les différences observées concernant la morphologie et le comportement avaient un fondement génétique (McPhail, 1984). Les deux espèces démontraient une forte homogamie (Ridgway et McPhail, 1984) et présentaient d’importantes différences en termes de génétique biochimique et moléculaire (McPhail, 1984; Taylor et McPhail, 1999; Taylor et McPhail, 2000). Des preuves similaires existent pour d’autres paires d’épinoches limnétiques et benthiques (McPhail, 1994).

Contexte actuel

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont été étudiées de manière intensive par les zoologistes, plus particulièrement à la University of British Columbia (UBC), à compter des années 1980. En juillet 1999, Kraak et al. (2001) ont capturé et analysé 50 épinoches du lac Enos. Parmi ces 50 poissons, 19 semblaient être limnétiques, 23 semblaient être benthiques, et 8 ne pouvaient être classés aisément. L’analyse morphométrique a indiqué qu’environ 12 % des poissons échantillonnés étaient probablement des hybrides, ce qui constituait une proportion nettement plus élevée que celle notée lors d’échantillons précédents. L’effondrement de la paire d’espèces semblait être amorcé en 1999 au plus tard (Kraak et al., 2001).

À la suite de l’étude préliminaire réalisée par Kraak et al. (2001), Taylor et al. (2006) ont effectué des analyses morphologiques et génétiques détaillées sur des échantillons prélevés de 1977 à 2002 afin de déterminer si la paire d’espèces du lac Enos était en train de s’effondrer et de céder la place à une population hybride. Leur analyse morphologique (et génétique, voir ci-après) a montré que la distinction entre forme benthique et forme limnétique n’existait plus : les deux groupes morphologiques évidents en 1977 et en 1988 avaient été remplacés, en 1997, par un groupe unique hautement variable. Les échantillons recueillis de 2000 à 2002 ont confirmé cette observation. Ceux qui ont été prélevés en 2005 ont reconfirmé l’absence de groupes distincts sur le plan morphologique (Behm et al., 2010).

Selon les preuves morphologiques et génétiques recueillies, tout porte à croire que les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos n’existent plus dans la nature sous forme d’espèces distinctes, et que les épinoches du lac constituent probablement une population hybride, où il n’y a plus d’homogamie. Cependant, comme les études décrites précédemment n’ont pas été conçues, du point de vue de l’échantillonnage, pour déterminer l’ampleur temporelle et spatiale de l’hybridation (elles étaient axées de façon plus générale sur la biologie des paires d’espèces), il est possible que des individus limnétiques et benthiques purs subsistent dans le lac. Seules des études génétiques et morphologiques approfondies et ciblées permettront d’éliminer cette possibilité hors de tout doute raisonnable.

Structure spatiale de la population et variabilité

Contexte historique

Est-ce que les paires d’espèces d’épinoches sympatriques sont le résultat d’un seul événement de spéciation ou d’événements de spéciation multiples indépendants? Les scientifiques ont tenté de répondre directement à cette question clé en examinant la variation de l’ADN microsatellite chez des populations benthiques et limnétiques de différents lacs abritant des paires d’espèces (Taylor et McPhail, 2000). Les analyses de la distance phylogénétique et génétique étayent l’hypothèse voulant que les paires d’espèces sympatriques aient évolué de multiples fois. Autrement dit, malgré le fait que les paires soient d’apparence semblable, leur phylogénie moléculaire indique fortement qu’elles ont évolué de manière indépendante. Par conséquent, une paire d’espèces d’épinoches d’un bassin hydrographique est distincte sur le plan génétique et évolutif des paires d’autres bassins hydrographiques. Les différentes formes présentes dans les lacs sont donc considérées comme des espèces distinctes, tout comme le sont les formes morphologiques semblables d’un lac à l’autre (voir COSEPAC, 2010a, b). Des recherches ont également été menées sur les obstacles intrinsèques et extrinsèques au flux génétique entre les épinoches benthiques et limnétiques dans les lacs. On a supposé que les populations d’épinoches benthiques et d’épinoches limnétiques du lac Enos constituaient chacune une population panmictique, et il n’y avait aucune raison a priori de croire qu’il existait une structure de population au sein de chaque espèce. Il n’y avait pas d’obstacles intrinsèques au flux génétique entre les espèces : les hybrides F1 des épinoches benthiques et limnétiques sont fertiles et leur valeur adaptative en laboratoire est équivalente à celle des espèces parentales (McPhail, 1984). Par ailleurs, les épinoches benthiques et limnétiques ont manifesté une homogamie rigoureuse en laboratoire et dans la nature (Ridgway et McPhail, 1984; Nagel et Schluter, 1998; Boughman, 2001), et plusieurs études indiquent que les hybrides sont désavantagés dans la nature en raison de la sélection écologiquement modulée contre une morphologie trophique intermédiaire (Schluter et McPhail, 1993; Schluter, 1994,1995; Hatfield et Schluter, 1999; Gow et al., 2007).

L’hybridation entre les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos se produisait en milieu naturel à un faible taux. D’après un examen des caractéristiques morphologiques, McPhail (1984) ainsi que Schluter et McPhail (1992) ont estimé qu’environ 1 % des adultes dans le lac Enos étaient des hybrides. Malgré une certaine hybridation, les épinoches benthiques du lac Enos ont présenté des différences en termes d’allèles fixés au locus des allozymes Mdh-3 par rapport aux épinoches limnétiques du lac Enos, ce qui indique le maintien de fonds génétiques distincts (McPhail, 1984).

Contexte actuel

À la suite de l’étude de Kraak et al. (2001), Taylor et al. (2006) ont effectué des analyses génétiques sur plusieurs échantillons prélevés à compter de 1994, en se fondant sur cinq locus microsatellites qui avaient auparavant permis d’établir une distinction très nette entre les épinoches benthiques et les épinoches limnétiques. Les échantillons prélevés en 1994 ont montré l’existence de deux populations génétiquement distinctes dans le lac Enos, mais les échantillons recueillis en 1997, en 2000 et en 2002 ont révélé la présence d’une seule population génétique. En outre, l’analyse génétique des échantillons prélevés en 1997, en 2000 et en 2002 a indiqué assez clairement qu’on était en présence d’hybrides, c’est-à-dire de formes intermédiaires sur le plan génétique par rapport aux génotypes parentaux (Taylor et al., 2006). Ces résultats ont corroboré les données morphologiques recueillies (Kraak et al., 2001; Taylor et al., 2006). De plus, en 2006-2007, des chercheurs ont examiné 508 épinoches mâles afin de déterminer leur couleur en période de reproduction, qui permettait historiquement de distinguer les épinoches benthiques (gorge noire) des épinoches limnétiques (gorge rouge, Ridgway et McPhail, 1984). Au total, 17 mâles « parmi les plus rouges », 17 mâles « parmi les plus noirs » et 13 mâles de couleur intermédiaire ont été sélectionnés à des fins d’analyse d’ADN. L’examen de ces 47 poissons a porté sur 4 locus diagnostiques d’ADN microsatellite (Gow et al., 2007), le but étant de déterminer : i) si on pouvait identifier des individus mâles limnétiques et benthiques « purs », et ii) si la couleur de la gorge des individus mâles limnétiques et benthiques identifiés génétiquement correspondait à la classification établie pour les deux espèces. Cet examen a révélé une absence complète de structure génétique (c’est-à-dire de deux groupes génétiques correspondant aux groupes benthique et limnétique historiques – voir Taylor et al., 2006) et a indiqué qu’un caractère morphologique qui permettait historiquement de distinguer les mâles benthiques des mâles limnétiques (couleur de la gorge) n’était d’aucune manière associé à des marqueurs génétiques utilisés historiquement pour distinguer les deux formes (C. Peichel, comm. pers., 2010). Cette absence de structure génétique correspond à une population hybride panmictique (où il n’y a pas d’homogamie). Les analyses génétiques répétées, tout comme les données morphologiques, indiquent clairement que les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos forment maintenant une population hybride et ne satisfont plus à la définition d’espèces sympatriques distinctes (voir Taylor et al., 2006). Au total, cependant, seulement 1 000 poissons environ ont été prélevés et ont fait l’objet d’examens génétiques et morphologiques au cours des 10 dernières années. Bien que les preuves recueillies montrent clairement l’existence d’une population hybride dans le lac, la population totale d’épinoches est estimée à au moins 20 000 individus matures (voir la section Abondance). Par conséquent, on ne peut pour l’instant écarter la possibilité que des individus benthiques et limnétiques « génétiquement purs » subsistent dans le lac Enos, sans procéder à de nouvelles activités d’échantillonnage et d’analyse intensives.

Unités désignables

Contexte historique

Le fait que les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos répondent aux critères « distinction » et « importance » du COSEPAC (COSEPAC, 2011) a justifié qu’elles obtiennent le statut d’unités désignables (UD) de Gasterosteus aculeatus. En premier lieu, ces deux espèces étaient distinctes sur le plan génétique des autres espèces d’épinoches, comme l’a montré une série de données sur les alloenzymes, les microsatellites et la morphologie (p. ex., McPhail, 1984; Taylor et McPhail, 2000). De plus, la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos était l’une des trois seules paires d’espèces d’épinoches sympatriques (présentes dans trois bassins hydrographiques différents sur deux îles) qui ont été découvertes jusqu’à maintenant, malgré l’échantillonnage de centaines de lacs côtiers (McPhail, 1994). En outre, les paires ont évolué indépendamment l’une de l’autre (Taylor et McPhail, 2000). Par conséquent, l’existence d’une paire d’espèces sympatriques dans le lac Enos a résulté d’une divergence évolutive unique. Cette divergence satisfait au critère « importance » du fait qu’elle étaye le point de vue selon lequel les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont existé dans un milieu écologique et évolutif unique : des populations sympatriques divergentes manifestant les adaptations essentielles (sur le plan de l’alimentation et de la reproduction) à leur persistance en sympatrie. En outre, étant donné que les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos agissaient comme des espèces biologiques distinctes (elles étaient distinctes sur les plans génétique, écologique, morphologique et comportemental en sympatrie), elles méritaient d’être reconnues comme deux UD indépendantes de G. aculeatus en tant qu’entité.

Il est également approprié et important que le statut des deux membres de la paire soit évalué dans le même rapport pour trois raisons. En premier lieu, l’importance de la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos repose sur leur caractère distinct et leur persistance en sympatrie; ni une forme ni l’autre considérée séparément n’est particulièrement unique au sein du complexe de Gasterosteus aculeatus. En deuxième lieu, les interactions entre les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont contribué à leur évolution et à leur persistance (et maintenant, à leur déclin, par voie d’hybridation et d’introgression). En troisième lieu, leur habitat, en particulier leur habitat de fraye, subissait des menaces communes, et les perturbations pouvaient mener à une hybridation accrue entre les deux espèces, comme on l’a documenté pour d’autres paires d’espèces sympatriques de Gasterosteus (Hatfield, 2001).

Contexte actuel

Compte tenu des preuves de l’effondrement des populations d’épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos, les arguments concernant leur statut en tant qu’espèces biologiques distinctes ne sont plus valables. En conséquence, la population actuelle d’épinoches du lac Enos ne semble pas pouvoir être considérée comme une unité désignable de l’épinoche à trois épines. Tout indique en effet que les deux unités désignables qui existaient sont probablement disparues.

Importance de l’espèce

L’importance des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos était principalement d’ordre esthétique et scientifique. Les paires d’espèces d’épinoches sont généralement considérées comme un trésor scientifique et offrent un exemple parfait de radiation adaptative récente. Elles sont aussi importantes d’un point de vue scientifique que les espèces de cichlidés des grands lacs africains et que les pinsons découverts par Darwin sur les îles Galapagos. Cela est principalement dû au fait que ces espèces comptent parmi les plus jeunes qui existent sur la planète : les scientifiques croient que les paires d’espèces remontent à la fin de la dernière glaciation, il n’y a que 13 000 ans (Schluter et McPhail, 1992; McPhail, 1994). Elles font partie d’un remarquable système de recherche qui vise à comprendre les processus biologiques et physiques responsables de la diversité des organismes que nous voyons autour de nous (voir la perspective de Gibson, 2005). Les journaux, les magazines et les revues scientifiques ont publié l’histoire de la découverte de ces espèces et font état régulièrement des résultats des études scientifiques en cours.

Les épinoches à trois épines benthiques et limnétiques du lac Enos n’avaient aucune valeur commerciale directe. En tant qu’éléments de la faune indigène du Canada, ces espèces possédaient leur propre valeur intrinsèque, y compris leur contribution à la biodiversité, à l’écologie, à l’éducation et à la science.

Répartition

Aire de répartition mondiale

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos se trouvaient dans un seul lac, le lac Enos, situé dans le sud-est de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique (figure 2). Les espèces d’épinoches du lac Enos se sont effondrées pour céder la place à une population hybride, comprenant peu – ou ne comprenant pas du tout – d’individus limnétiques ou benthiques (Kraak et al., 2001; Taylor et al., 2006). Ni les épinoches benthiques ni les épinoches limnétiques n’existent donc en tant qu’espèces biologiques distinctes. Une population autosuffisante d’épinoches limnétiques a été établie dans un étang du terrain de golf du parc Murdo Frazer, à North Vancouver, en Colombie-Britannique, 445 épinoches limnétiques du lac Enos élevées en laboratoire ayant été ensemencées le 30 septembre 1988, et 150 épinoches limnétiques sauvages ayant été introduites le 6 mai 1989. La population limnétique du parc Murdo Frazer se trouve toutefois en dehors de l’aire de répartition naturelle des épinoches à trois épines limnétiques du lac Enos. Les épinoches de Murdo Frazer n’ont pas fait l’objet d’analyses génétiques avant leur introduction (ni depuis ce temps); il semble qu’elles soient maintenant assez différentes sur le plan morphologique des épinoches à trois épines limnétiques « types » du lac Enos, et qu’elles tendent à ressembler au phénotype benthique (D. Schluter, University of British Columbia, comm. pers., 2011). De plus, la justification du statut d’unité désignable tant des épinoches benthiques que des épinoches limnétiques repose essentiellement sur le fait qu’elles vivent en sympatrie. Par conséquent, l’introduction de populations en situation d’allopatrie, comme dans l’étang du parc Murdo Frazer, n’est pas prise en compte dans la présente évaluation. Une population distincte d’épinoches benthiques n’a jamais été établie.

Figure 2.  Répartition des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos au Canada (préparé par Jenny Wu, Environnement Canada)

Carte de l’aire de répartition mondiale des épinoches à trois épines benthique et limnétique du lac Enos, indiquant l’emplacement du lac Enos dans le sud-est de l’île de Vancouver.

On trouve encore des paires d’espèces benthique et limnétique ayant évolué de façon indépendante dans trois lacs du bassin hydrographique du ruisseau Vananda, dans le lac Paxton, sur l’île Texada (C.-B.) et dans le lac Little Quarry, sur l’île Nelson (C.-B.). La paire d’espèces qui était présente dans le lac Hadley, sur l'île Lasqueti, a disparu (Hatfield, 2001).

Aire de répartition canadienne

L’aire de répartition canadienne des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos était limitée à un seul lac d’une superficie de 17,6 hectares, le lac Enos, situé dans le sud-est de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique (figure 2). L’aire de répartition canadienne et l’aire de répartition mondiale étaient identiques. L’indice de la zone d’occupation (IZO), fondé sur une grille de 2 km × 2 km (1 km × 1 km) (COSEPAC, 2009), a été estimé à 8 km² (2 km²). La zone d’occurrence (ZO) était de 8 km², selon le principe voulant que la ZO ne puisse être inférieure à l’IZO.

Habitat

Besoins en matière d'habitat

Les populations solitaires d’épinoches (c’est-à-dire celles pour lesquelles il n’existe qu’une seule forme possible dans un lac) sont largement distribuées et tolèrent généralement les changements importants dans l’habitat ou la qualité de l’eau. Les paires d’espèces d’épinoches, en revanche, ont une aire de répartition très restreinte et sont très sensibles aux changements qui surviennent dans l’habitat ou à d’autres facteurs environnementaux. Étant de jeunes espèces sur le plan évolutif qui ne sont pas encore intrinsèquement isolées sur le plan reproductif (c’est-à-dire qu’elles peuvent produire des hybrides viables), les modifications de l’environnement peuvent abolir les obstacles à l’hybridation et amener des espèces coexistantes à céder la place à une population hybride. Par conséquent, les besoins en matière d’habitat des paires d’espèces d’épinoches comprennent non seulement des caractéristiques qui limitent la taille ou la viabilité des populations solitaires (p. ex., productivité du lac, aire de croissance des juvéniles, habitat de nidification), mais aussi les caractéristiques de l’environnement qui empêchent l’hybridation. Autrement dit, les besoins en matière d’habitat des paires d’espèces incluent des caractéristiques dont l’altération ou la perte mène à une réduction de l’abondance jusqu’à un niveau de population non viable, ou à la défaillance des obstacles à la reproduction jusqu’à un niveau suffisant pour que les paires d’espèces cèdent la place à une population hybride. Ces besoins comprennent une productivité littorale et pélagique modérée, l’absence d’espèces envahissantes, le maintien des niveaux de transmission de la lumière naturelle et le maintien de peuplements littoraux naturels de macrophytes. Les deux derniers besoins sont considérés comme particulièrement importants pour ce qui est d’assurer la reconnaissance du partenaire; ils sont discutés en détail dans Hatfield (2009). Notre compréhension des besoins en matière d’habitat repose sur des études réalisées sur plusieurs paires d’espèces.
Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos avaient des besoins différents en matière d’habitat (Bentzen et McPhail, 1984; Bentzen et al., 1984; McPhail, 1984; Ridgway et McPhail, 1987; McPhail, 1993, 1994). Ces besoins changeaient tout au long de l’année. Ils sont décrits ci-après pour chacun des grands stades vitaux. En général, les épinoches benthiques et limnétiques frayaient dans les zones littorales au printemps, adoptaient les zones littorales et pélagiques comme aire de croissance au printemps et en été, et se déplaçaient en eaux profondes en automne et en hiver.

Habitat de fraye

Les épinoches limnétiques et benthiques frayaient dans la zone littorale peu profonde du lac (Bentzen et al., 1984; McPhail, 1984,1993). Les mâles benthiques construisaient leur nid (structure semblable à une petite caverne, pourvues d’une seule entrée et sortie, construite sur le fond du lac à l’aide de brindilles et d’autres débris organiques) sous le couvert des macrophytes ou d’autres structures, tandis que les mâles limnétiques se reproduisaient dans des parcelles d’habitat à découvert (Ridgway et McPhail, 1987; McPhail, 1994).

Habitat de croissance des juvéniles

Dès qu’ils n’étaient plus sous la protection des mâles, les alevins limnétiques et benthiques utilisaient la zone littorale, où ils trouvaient une nourriture abondante et un abri contre les prédateurs. On ne sait pas jusqu’où allait la division de l’habitat entre les alevins limnétiques et benthiques. Dans le lac Paxton situé à proximité, les jeunes épinoches limnétiques sont communes le long du littoral rocheux escarpé dépourvu de végétation, tandis que les jeunes épinoches benthiques se réfugient dans les peuplements de macrophytes (J. Gow, Département de zoologie, UBC, comm. pers., 2008). Les épinoches limnétiques du lac Enos migraient éventuellement vers le centre des lacs pour se nourrir dans les zones pélagiques (Bentzen et al., 1984; Schluter, 1995).

Habitat d’alimentation des adultes

Les épinoches limnétiques adultes (à l’exception des mâles au moment de la nidification) se nourrissaient de zooplancton dans la zone pélagique du lac, tandis que les épinoches benthiques adultes se nourrissaient d’invertébrés benthiques dans la zone littorale (Bentzen et McPhail, 1984; Bentzen et al., 1984; Schluter, 1995). Des parcelles d’habitat littorales et pélagiques productives sont nécessaires à la persistance des paires d’espèces d’épinoches. Comme les lacs renfermant des paires d’espèces d’épinoches ont approximativement les mêmes dimensions, on croit également que le rapport entre la productivité pélagique et la productivité littorale est important.

Habitat d’hivernage

À la fin de l’été, les individus commençaient à migrer vers des eaux plus profondes où ils passaient l’hiver. On en connaît peu sur les besoins en matière d’habitat des épinoches limnétiques et benthiques à cette étape, sauf que les données de piégeage et de seinage indiquent d’une manière constante qu’elles vivaient en eaux profondes au début de l’automne (Bentzen et al., 1984).

Tendances en matière d'habitat

Le lac Enos a subi certaines perturbations anthropiques, dont l’endiguement de la décharge, l’augmentation du niveau de l’eau et le prélèvement d’eau pour l’irrigation et l’usage domestique. Certaines de ces perturbations se sont produites il y a plusieurs décennies et la paire d’espèces n’a pas semblé en souffrir pendant une longue période. Les tendances relatives à l’habitat, tant au chapitre de la quantité que de la qualité, ne peuvent être évaluées que qualitativement, aucune des parcelles d’habitat du lac Enos n’ayant fait l’objet d’une surveillance à long terme.

On a construit un barrage à la décharge du lac il y a de nombreuses années, vraisemblablement en raison d’un permis d’utilisation de l’eau émis en 1955. McPhail (1984) a noté que cet ouvrage avait entraîné une augmentation du niveau de l’eau d’environ 1 mètre, et que le lac était utilisé comme source d’approvisionnement en eau à usage domestique pour la région de Nanoose Bay. On ne dispose d’aucune donnée permettant de déterminer la quantité d’eau qui est utilisée actuellement.

Les rives du lac sont pour la plupart non perturbées, mais les eaux de ruissellement chargées de sédiments qui proviennent d’une zone résidentielle proche sont une source de préoccupation depuis quelque temps.

Le plus important changement touchant l’habitat est lié à l’introduction (par des moyens inconnus) de l’écrevisse signal, Pacifastacus leniusculus, qui a considérablement modifié les zones littorales du lac en supprimant la quasi-totalité de la végétation qui s’y trouvait. Avant l’introduction de cette espèce, dans les années 1990, le littoral du lac Enos comportait, selon la description de McPhail (1989), des peuplements denses de potamots et d’utriculaires durant l’été. Compte tenu des différences observées concernant les microhabitats de nidification choisis – les mâles limnétiques privilégiaient les habitats à découvert tandis que les mâles benthiques préféraient nidifier sur un substrat sous le couvert de la végétation (Ridgway and McPhail 1987) – ce changement a probablement eu un effet significatif sur la suppression de l’homagamie et sur l’effondrement de la paire d’espèces.

Protection et propriété

À l’origine, les terres entourant le lac Enos faisaient partie d’une réserve militaire à laquelle le public n’avait pas accès. Elles appartiennent aujourd’hui à des particuliers (COSEPAC, 2002). Aucune disposition particulière ne s’applique à la protection de l’habitat des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos.

Biologie

Cycle vital et reproduction

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos avaient un cycle vital semblable (McPhail, 1993,1994). Les renseignements sur le cycle vital des deux espèces proviennent d’observations de populations sauvages et de populations élevées en laboratoire, mais les données sont pour la plupart anecdotiques. On croyait que les épinoches limnétiques atteignaient la maturité après une année en moyenne et vivaient rarement au-delà d’une saison de reproduction. En laboratoire, les femelles produisaient des pontes multiples en succession rapide. On a supposé qu’il en allait de même dans la nature. Les mâles reproducteurs s’accouplaient avec plusieurs voire de nombreuses femelles et pouvaient nidifier plus d’une fois au cours d’une saison de reproduction.

Les épinoches benthiques atteignaient la maturité sexuelle plus tard que les épinoches limnétiques. Bien qu’un certain nombre d’individus s’accouplaient probablement au cours de leur première année, beaucoup attendaient d’avoir deux ans pour s’accoupler. Ils pouvaient vivre jusqu’à environ cinq ans et s’accoupler durant plusieurs saisons de reproduction. En laboratoire, les femelles produisaient moins de pontes au cours d’une saison de reproduction que les femelles limnétiques. On a supposé que c’était également le cas en milieu naturel. Les mâles reproducteurs s’accouplaient avec plusieurs voire de nombreuses femelles et pouvaient nidifier plus d’une fois au cours d’une même saison de reproduction.

Le rapport des sexes chez les épinoches benthiques et limnétiques était de 1:1 environ. Le mode de reproduction général des épinoches limnétiques et benthiques du lac Enos était semblable à celui des autres espèces d’épinoches à trois épines (McPhail, 1994). Les mâles construisaient les nids, qu’ils gardaient et défendaient, jusqu’à ce que les alevins soient âgés d’une semaine environ. Les œufs prenaient jusqu’à une semaine pour éclore, selon la température, et les larves étaient nageuses trois à cinq jours plus tard (McPhail, 2007). Les nids et leur contenu demeuraient vulnérables à différents prédateurs, y compris d’autres épinoches (Foster, 1994). Les épinoches benthiques construisaient leur nid sous le couvert de macrophytes ou d’autres structures, tandis que les épinoches limnétiques tendaient à se reproduire dans des parcelles d’habitat à découvert (Ridgway et McPhail, 1987; McPhail, 1994; Hatfield et Schluter, 1996).

Dans la nature, les épinoches benthiques se reproduisaient plus tôt dans l’année que les épinoches limnétiques, mais la période de fraye des deux formes d’épinoches se chevauchait considérablement (tableau 1). L’homogamie était rigoureuse (Ridgway et McPhail, 1984; Nagel et Schluter, 1998; Boughman, 2001) et l’hybridation se produisait naturellement à un faible taux. La couleur nuptiale des mâles benthiques du lac Enos était le noir, alors que celle des mâles limnétiques était le rouge (Ridgway et McPhail, 1984).

Tableau 1. Cycle vital des paires d’espèces d’épinoches benthiques et limnétiques (calendrier général s’appliquant à tous les lacs où se trouvent des paires d’espèces)
    Janv. Févr. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.
Espèces Stade vital 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
Limnétique Fraye       x x x x x x x x            
Incubation       x x x x x x x x            
Stade juvénile       x x x x x x x x x x x x x x x x x x x      
Stade adulte   x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x      
Hivernage x x x x x x             x x x x x x x x x x x x x x
Benthique Fraye     x x x x x x x x              
Incubation     x x x x x x x x              
Stade juvénile       x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x      
Stade adulte   x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x      
Hivernage x x x x x x             x x x x x x x x x x x x x x
    1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
    Janv. Févr. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Immédiatement après avoir quitté le nid, les alevins limnétiques et benthiques utilisaient la zone littorale, où ils trouvaient une nourriture abondante et un abri contre les prédateurs. Les épinoches limnétiques migraient éventuellement vers le centre du lac pour se nourrir dans les zones pélagiques (Bentzen et al., 1984; Schluter, 1995). Le moment où elles se déplaçaient dans ces zones était probablement dicté par une combinaison de facteurs liés au taux de croissance relatif et au risque de prédation dans les parcelles d’habitat littorales et pélagiques (Schluter, 2003). Les épinoches benthiques demeuraient en eaux littorales toute leur vie.

Les épinoches limnétiques adultes (à l’exception des mâles au moment de la nidification) se nourrissaient dans la zone pélagique du lac, tandis que les épinoches benthiques adultes se nourrissaient dans la zone littorale (Schluter, 1995). À la fin de l’été, les individus commençaient à migrer vers des eaux plus profondes où ils passaient l’hiver (Bentzen et al., 1984).

Physiologie

Les besoins et les tolérances physiologiques des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos n’ont pas été décrits. En tant que groupe, les épinoches à trois épines se trouvent dans une vaste gamme de milieux aquatiques et peuvent tolérer une grande variabilité de nombreuses caractéristiques de l’eau (p. ex., turbidité, vitesse du courant, température, profondeur, pH, alcalinité, concentration de calcium, dureté totale, salinité, conductivité, etc.). Les eaux du lac Enos sont modérément colorées, productives et probablement très peu altérées par des apports de substances toxiques. On s’est inquiété (p. ex., Équipe nationale de rétablissement des paires d’espèces d’épinoches, 2007; Wood, 2007; Ormond et al., 2011) du fait que les déviations de ces conditions naturelles constituaient une menace pour la persistance de la paire d’espèces, mais ces préoccupations étaient habituellement exprimées par rapport à l’isolement reproductif entre les épinoches benthiques et limnétiques (p. ex., la reconnaissance du partenaire) plutôt qu’à la tolérance physiologique comme telle.

Déplacements et dispersion

Les épinoches limnétiques et benthiques du lac Enos ne se dispersaient pas au-delà des limites du lac. Quelques individus étaient probablement entraînés dans la décharge du lac, mais comme ceux-ci devenaient isolés de leur population respective, les répercussions sur la dynamique générale de leur population étaient probablement minimes. Il se produisait chez les épinoches du lac Enos des déplacements saisonniers sur de courtes distances liés à la ponte, à l’alimentation et à l’hivernage (Bentzen et al., 1984).

Relations interspécifiques

En tant que groupe, les paires d’espèces d’épinoches sympatriques n’ont évolué et survécu qu’en présence d’une seule autre espèce de poisson, soit la truite fardée côtière (Oncorhynchus clarkii clarkii; Vamosi, 2003). Le maintien d’une communauté écologique simple semble être nécessaire à la persistance des paires sympatriques, comme en témoigne l’extinction rapide de la paire d’espèces du lac Hadley après l’introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus; Hatfield, 2001) et l’effondrement de la paire d’espèces du lac Enos à la suite de l’introduction de l’écrevisse signal (Taylor et al., 2006; Rosenfeld et al., 2008; Ormond et al., 2011).

Le niveau de prédation récent et actuel exercé sur les épinoches du lac Enos est probablement moindre qu’il ne l’était par le passé, étant donné que la truite fardée côtière, piscivore, y est maintenant rare en raison de l’endiguement de la décharge. On croit que les quelques truites fardées aujourd’hui présentes dans le lac y ont été ensemencées clandestinement par des habitants de la région (McPhail, 1984). Le lac abrite de nombreuses espèces d’invertébrés qui se nourrissent de jeunes épinoches et il accueille régulièrement des oiseaux piscivores [p. ex. des Grands Hérons (Ardea herodias), des Martins-pêcheurs d’Amérique (Megaceryle alcyon) et des Plongeons huards (Gavia immer)]. La présence de ces oiseaux n’était toutefois pas considérée comme une menace pour la paire d’espèces d’épinoches.

Il est probable que les compétiteurs interspécifiques les plus acharnés des épinoches limnétiques soient les épinoches benthiques, et inversement. Plusieurs études ont démontré un déplacement de caractère entre les épinoches benthiques et limnétiques et une compétition entre les deux espèces (Schluter et McPhail, 1993; Schluter, 1994,1995).

Adaptabilité

Le degré d’« adaptabilité » des épinoches limnétiques et benthiques est discutable. D’une part, tant les épinoches limnétiques que les épinoches benthiques affichaient un taux intrinsèque élevé d’accroissement des effectifs et pouvaient donc récupérer rapidement de réductions de population faibles à modérées (Hatfield, 2009). Ces poissons sont assez résistants, comme en témoigne la relative facilité avec laquelle ont peut les élever en grands nombres en laboratoire ou dans des étangs expérimentaux. D’autre part, il s’est avéré difficile d’élever les deux espèces ensemble en captivité. Ainsi, dans les étangs expérimentaux de l’UBC, les épinoches limnétiques et benthiques se sont hybridées de façon très marquée et ont cédé la place à une population hybride (D. Schluter, département de zoologie, UBC, comm. pers., 2010). La disparition de la paire d’espèces du lac Hadley et l’effondrement par hybridation de la paire d’espèces du lac Enos ont fait ressortir la sensibilité des paires d’espèces à certains types de perturbations du milieu. Alors que la modélisation des populations indique que les épinoches sont résilientes aux perturbations générales du milieu, d’autres observations montrent que l’isolement reproductif soutenu dépend de facteurs environnementaux précis qui, à ce jour, n’ont été évalués que sur le plan qualitatif. De ce point de vue, les paires d’espèces ne sont pas adaptables, et ne sont pas particulièrement résilientes aux perturbations du milieu.

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Les épinoches à trois épines sont abondantes dans les eaux marines et les eaux douces des régions côtières de l’hémisphère nord. Des populations physiquement isolées existent dans de nombreux lacs de basse altitude, mais seulement cinq paires d’espèces d’épinoches sympatriques ont été découvertes dans quelques lacs situés dans une très petite région géographique du sud-ouest de la Colombie-Britannique. Les biologistes ont recensé des centaines de lacs des côtes de l’État de Washington, de l’Alaska et de la Colombie-Britannique, et ils n’ont trouvé des paires d’espèces d’épinoches que dans cette petite région de la province. Une paire d’espèces a récemment été découverte dans la région, dans le lac Little Quarry, sur l’île Nelson (Gow et al., 2008), mais il semble peu probable qu’il reste beaucoup de nouvelles paires d’espèces à identifier. Jusqu’à maintenant, les données génétiques indiquent que chaque paire a évolué indépendamment à partir d’un ancêtre marin commun (c’est-à-dire que la paire d’espèces du lac Enos était différente de toutes les autres paires d’espèces sympatriques; Taylor et McPhail, 1999; Taylor et McPhail, 2000). Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos étaient considérées comme des espèces endémiques à la Colombie-Britannique.

Abondance

On ne dispose pas d’estimation de population valable fondée sur des observations empiriques pour la plupart des paires d’espèces d’épinoches. McPhail (1989) a indiqué que les effectifs étaient de l’ordre de 100 000 pour chacune des deux espèces du lac Enos avant leur effondrement, mais il ne s’agissait pas d’une estimation directe fondée sur des captures. Des données plus récentes portent à croire que cette estimation était généreuse, du moins en ce qui concerne les individus âgés d’un an ou plus.

Matthews et al. (2001) ont estimé la taille des populations du lac Enos en s’appuyant sur plusieurs études de marquage-recapture et sur une technique d’estimation bayésienne (Gazey et Staley, 1986), mais ces estimations ont été faussées par des problèmes d’identification des espèces dus à l’hybridation considérable qui s’était produite à ce moment entre les épinoches limnétiques et les épinoches benthiques (c’est-à-dire l’incapacité de l’équipe de recherche de distinguer les épinoches limnétiques, les épinoches benthiques et les hybrides). Lorsque les échantillons ont été regroupés, l’effectif de la population a été estimé à 26 630 ± 8 240, ce qui donne une indication du nombre total d’épinoches âgées d’au moins un an dans le lac.

Nomura (2005) a établi des estimations de l’abondance pour la paire d’espèces du lac Paxton au moyen de méthodes de marquage et de recapture et d’une version modifiée de l’estimateur de Peterson. Son étude n’a pas été entravée par des problèmes d’identification des espèces. Les estimations de l’abondance ont été extrapolées à d’autres paires d’espèces en fonction du périmètre du lac pour les épinoches benthiques, et de la superficie du lac pour les épinoches limnétiques (Hatfield, 2009). Selon cette méthode, les effectifs des épinoches limnétiques du lac Enos ont été estimés à 85 050 (IC à 95 %, 50 208 – 147 962) et les effectifs des épinoches benthiques du lac Enos ont été estimés à 20 761 (IC à 95 %, 3 124 – 27 721), ce qui donne 105 811 pour les deux espèces combinées.

Fluctuations et tendances

Étant donné qu’aucune surveillance systématique de l’abondance n’a été effectuée dans le lac Enos, les tendances démographiques demeurent inconnues. La paire d’espèces d’épinoches du lac Enos a toutefois été étudiée par les zoologistes de la UBC au cours des trois dernières décennies (p. ex., Bentzen et McPhail, 1984; Bentzen et al., 1984; McPhail, 1984; Ridgway et McPhail, 1984; Schluter et McPhail, 1992; McPhail, 1994; Taylor et McPhail, 1999, 2000). Pendant tout ce temps, les épinoches ont été assez faciles à capturer en grands nombres au moyen de nasses. Cependant, depuis au moins 1994, les différences entre les épinoches benthiques et les épinoches limnétiques déterminées à l’aide de techniques génétiques et morphologiques se sont grandement atténuées (voir les sections Description morphologique et Structure spatiale de la population et variabilité qui précèdent), à tel point que l’on croit que les formes génétiquement pures des deux espèces n’existent plus, ayant cédé la place à une population hybride.

Immigration de source externe

L’aire de répartition mondiale des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos se limitait à un seul lac au Canada. Le concept d’immigration de source externe ne s’applique donc pas à ces espèces.

Facteurs limitatifs et menaces

Les facteurs limitatifs touchant l’abondance des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos sont mal compris. On ne sait pas si l’abondance était limitée par la production de nourriture, la couverture végétale, la prédation, l’habitat de fraye ou d’autres facteurs. Les ressources alimentaires -- soit la capacité du lac de produire du plancton et des organismes benthiques -- constituaient probablement le principal facteur limitatif. Aucune donnée n’est toutefois disponible pour étayer ce point de vue. Quoi qu’il en soit, les épinoches étaient abondantes dans le lac et leurs effectifs ne semblaient pas être en déclin. Le principal facteur ayant dicté leur statut de conservation initial (COSEPAC, 2002) a été leur endémisme extrême, et non leur faible abondance, le déclin des populations ou le déclin de la répartition.
Les menaces pesant sur les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos ont été décrites dans le Programme de rétablissement national (Équipe nationale de rétablissement des paires d’espèces d’épinoches, 2007). Comme il est indiqué dans le Programme de rétablissement, l’analyse des menaces repose principalement sur un jugement professionnel et non sur une évaluation quantitative des risques, en raison du manque d’information disponible quant aux effets des différentes menaces sur les indices vitaux des populations (p. ex., hybridation, croissance, survie, succès de la reproduction). L’analyse des menaces est néanmoins considérée comme robuste.

Espèces envahissantes

La propagation d’espèces exotiques constitue la principale menace à la persistance des paires d’espèces d’épinoches (Dans le présent contexte, l’expression « espèce envahissante » s’entend de toute espèce qui s’établit dans un endroit où elle n’existe pas naturellement et cause des dommages réels ou inférés à des espèces indigènes). Les paires d’espèces semblent dépendre essentiellement du maintien de plusieurs facteurs écologiques, y compris une communauté de poissons simple. Elles se trouvent dans des lacs qui n’abritent naturellement que des épinoches, ou des épinoches et des truites fardées côtières (Vamosi, 2003; Gow et al., 2008; Ormond et al., 2011).

La paire d’espèces du lac Hadley est rapidement disparue après l’introduction de la barbotte. Cette espèce se nourrissait probablement d’épinoches ou les gênait au moment de la nidification, ce qui a provoqué l’échec complet du recrutement (Hatfield, 2001). La barbotte a été introduite dans le lac Hadley au début des années 1990 et, dès 1995, l’épinoche avait disparu de ce lac (Hatfield, 2001). Ceci illustre la vulnérabilité des paires d’espèces d’épinoche et la vitesse à laquelle elles peuvent être affectées par une espèce introduite. La paire d’espèces du lac Enos, quant à elle, s’est effondrée à cause de l’hybridation (Kraak et al., 2001; Taylor et al., 2006), et l’apparition de l’écrevisse signal dans les années 1990 a été évoquée comme cause. Le mécanisme par lequel les écrevisses affectaient les épinoches semblait être lié à la perturbation et à l’altération de l’habitat littoral (Rosenfeld et al., 2008), bien que qu’on ait aussi considéré comme un mécanisme plausible les répercussions différentes sur le succès de la reproduction des épinoches limnétiques (Velema, 2010).

L’introduction d’autres espèces est également possible : un certain nombre d’espèces envahissantes sont présentes dans des lacs voisins et se dispersent dans toute la région. Ainsi, l’achigan à petite bouche et l’achigan à grande bouche (Micropterus salmoides et M. dolomieu), le crapet-soleil (Lepomis gibbosus) et la perchaude (Perca flavescens) sont dispersés par des pêcheurs à la ligne et d’autres personnes. Bradford et al. (2008a, b) ont effectué des évaluations qualitatives des risques que posent ces espèces et ont conclu que, dans la plupart des régions de la Colombie-Britannique, la probabilité qu’elles s’établissent une fois introduites était élevée ou très élevée, et que l’ampleur probable de l’incidence écologique dans les petits plans d’eau était très élevée. Les menaces possibles comprennent aussi la dispersion d’amphibiens comme le ouaouaron (Rana catesbeiana) et d’espèces végétales aquatiques envahissantes comme la myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) et la salicaire (Lythrum salicaria).

Utilisation de l’eau

Les permis d’utilisation de l’eau en vigueur pour le lac Enos autorisent à la fois le stockage et la déviation de l’eau. La construction d’un barrage à la décharge a entraîné une augmentation du niveau de l’eau du lac, et il y a eu un accroissement des prélèvements annuels. Un permis de stockage visant 140 acres-pieds d’eau, datant de 1955, serait relié à l’endiguement initial de la décharge du lac. Un autre permis visant la déviation de 140 acres-pieds d’eau date de 1984 et représente environ 20 % du volume du lac. Des permis octroyés plus récemment, en 1992, portent sur le stockage de 201 acres-pieds d’eau et la déviation de 150 acres-pieds d’eau pour « l’arrosage ». L’utilisation actuelle de l’eau n’est pas connue, mais des réductions saisonnières d’environ 1 mètre sur une période de 4 à 6 semaines étaient couramment observées à la fin de l’été (J. Rosenfeld, ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, comm. pers., 2011). Comme le lac ne comporte pas de canal d’entrée défini, les apports d’eau sont vraisemblablement assez faibles. Même s’ils peuvent compenser les volumes d’eau déviés annuellement, ces volumes accentuent probablement les fluctuations des niveaux d’eau. Les fluctuations importantes influent sur la productivité littorale et le volume pélagique et affectent sans doute directement les épinoches en limitant leurs parcelles d’habitat de fraye et d’alimentation. La limitation de l’habitat de fraye disponible due aux réductions de niveau d’eau pourrait avoir une incidence sur la dynamique de l’hybridation entre les deux espèces, en restreignant les possibilités de ségrégation de l’habitat de reproduction.

Utilisation des terres

À l’origine, les terres entourant le lac Enos faisaient partie d’une réserve militaire à laquelle le public n’avait pas accès. Elles appartiennent aujourd’hui à des particuliers (COSEPAC, 2002). Par le passé, ces terres ont sans doute fait l’objet d’une exploitation forestière. Dans l’ensemble, leur utilisation ne semble pas avoir soulevé de préoccupation importante. Ce sont maintenant des terres privées aménagées en zone résidentielle, et des préoccupations ont été exprimées concernant l’apport de sédiments en suspension (turbidité accrue), le prélèvement d’eau du lac pour l’irrigation d’un terrain de golf et la perte de végétation riveraine.

Prélèvement d’échantillons aux fins de recherche

Les paires d’espèces d’épinoches ont été la cible de recherches scientifiques intensives depuis les années 1980 et la demande d’épinoches sauvages aux fins d’études en laboratoire et de permis d’étude scientifique in situ est à la hausse. Les activités de prélèvement d’échantillons d’épinoches peuvent constituer une source importante de mortalité des adultes et représenter une menace pour les paires d’espèces qui devrait être étroitement gérée. L’Équipe de rétablissement d’espèces de poisson d’eau douce non pêchées en Colombie-Britannique (2008) a préparé des lignes directrices pour le prélèvement d’échantillons de paires d’espèces d’épinoches. Il y est recommandé ce qui suit : limiter le nombre d’individus prélevés dans chaque lac, limiter les activités de collecte à une seule moitié du lac, nettoyer à fond tous les engins d’échantillonnage et interdire l’utilisation d’hybrides ou d’espèces exotiques dans les études in situ. Compte tenu de l’effondrement de la paire d’espèces benthique et limnétique du lac Enos, les activités de prélèvement d’échantillons dans ce lac soulèvent maintenant peu de préoccupations.

Autres

Des effets supplémentaires peuvent résulter d’autres activités, y compris le déversement d’appâts par des pêcheurs à la ligne, la pollution engendrée par la navigation de plaisance, l’introduction de maladies, le changement climatique et la pollution en général. Ces menaces représentent un moins grand risque que les autres menaces énumérées précédemment.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

Les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos sont répertoriées comme espèces en voie de disparition dans l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) Aux termes de la LEP, « il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre » [par. 32.(1)]. Il est également interdit aux termes de la LEP « d’endommager ou de détruire la résidence d’un ou de plusieurs individus soit d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée... » [art. 33]. En outre, « il est interdit de détruire un élément de l’habitat essentiel d’une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée – ou comme espèce disparue du pays dont un programme de rétablissement a recommandé la réinsertion à l’état sauvage au Canada : … si l’espèce inscrite est une espèce aquatique… » [par. 58.(1)].

Le COSEPAC a désigné les épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos comme paire d’espèces en voie de disparition, selon les rapports de situation de 2002 et de 2012 (COSEPAC, 2002). Cette paire d’espèces est actuellement désignée « en voie de disparition » par le Centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique (B.C. Conservation Data Centre, 2012).

À l’heure actuelle, aucune disposition particulière ne s’applique à la protection de l’habitat des épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos. Toutefois, l’Équipe de rétablissement des paires d’espèces d’épinoches a identifié l’habitat essentiel de ces espèces et a présenté un rapport (Hatfield, 2009) au Comité d’examen des évaluations scientifiques du Pacifique du MPO, qui l’a revu et accepté. Il y est recommandé que la totalité de la surface mouillée du lac Enos, ainsi qu’une zone riveraine tampon, soient désignées comme habitat essentiel.

Comme toutes les terres bordant le lac Enos appartiennent à des particuliers, la Forest and Range Practices Act de la Colombie-Britannique, qui contient des dispositions sur la protection de l’habitat du poisson contre les activités forestières, ne s’applique pas.

Remerciements et experts contactés

Le rédacteur souhaite remercier l’Équipe de rétablissement des espèces de poisson d’eau douce non pêchées en Colombie-Britannique (maintenant démantelée) pour le temps et les efforts qu’elle a consacrés à la conservation des espèces de poisson indigènes en péril. Il aimerait aussi remercier les nombreux scientifiques qui ont assidûment étudié la biologie des paires d’espèces d’épinoches.

Gow, J.L. Département de zoologie, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique). Communication personnelle, 2011.

Peichel, Catherine. Fred Hutchinson Cancer Research Center, University of Washington, Seattle (Washington). Communication personnelle, 2011.

Rosenfeld, J.R. Ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, University of British Columbia Fisheries Centre, Vancouver (Colombie-Britannique). Communication personnelle, 2011.

Schluter, D. Département de zoologie, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique). Communication personnelle, 2011-2012.

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Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Todd Hatfield est biologiste-conseil. Il vit à Victoria, en Colombie-Britannique. Il a obtenu un doctorat portant sur l’écologie évolutive des épinoches à trois épines benthiques et limnétiques du lac Paxton à la University of British Columbia, en 1995. Ses activités de consultation se concentrent sur l’application de méthodes scientifiques et de techniques décisionnelles à la résolution de problèmes de gestion de ressources naturelles et de conflits dans le domaine de l’environnement. Il s’intéresse tout particulièrement aux espèces en péril et aux questions de gestion de l’eau. Il coordonne depuis 2003 l’Équipe de rétablissement des espèces de poisson d’eau douce non pêchées en Colombie-Britannique et est membre du Sous-comité de spécialistes des poissons d’eau douce du COSEPAC depuis 2010.

Collections examinées

Aucune collection de musée n’a été examinée dans le cadre du présent rapport.

Annexe : Possibilité de rétablissement pour les épinoches à trois épines benthiques et limnétiques du lac Enos

En théorie, le rétablissement de la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos pourrait se faire de deux manières. La première consisterait à ramener l’habitat du lac Enos à son état naturel, en espérant que cela favorise la reconstitution des phénotypes et des génotypes limnétiques et benthiques originaux à partir de la population hybride. La deuxième option serait de rétablir les conditions de l’habitat dans le lac et d’y réintroduire des épinoches limnétiques et benthiques pures issues d’un programme d’élevage en captivité.

Les deux options nécessitent le rétablissement des conditions qui prévalaient dans le lac Enos avant l’établissement de l’écrevisse signal. Il faudrait donc procéder à l’enlèvement complet de ces écrevisses ou maintenir en permanence leurs effectifs à un niveau très faible, ce qui permettrait le rétablissement des macrophytes dans la zone littorale. Des preuves valables, bien que quelque peu circonstancielles, montrent que les macrophytes jouent un rôle essentiel dans l’isolement précédant l’accouplement qui s’opère par la sélection des sites de nidification (Ridgway et McPhail, 1987; McPhail, 1994). Il s’agirait donc d’une condition préalable raisonnable au rétablissement. L’enlèvement complet des écrevisses du lac Enos semble peu probable compte tenu des techniques actuelles. Les écrevisses introduites ont causé de grands dommages sur le plan écologique en Europe (Lodge et al., 2000; Gherardi, 2007), et il n’existe aucune mention publiée de méthodes d’éradication efficaces à long terme. Il pourrait être possible de récolter des écrevisses en nombre suffisant pour réduire de façon considérable leur abondance totale (Hein et al., 2007), mais il faudrait en capturer continuellement au moyen de techniques ne présentant aucun danger pour les épinoches. En outre, on ignore le taux de réduction des effectifs d’écrevisses qui serait nécessaire au rétablissement des conditions limnologiques historiques (p. ex., les macrophytes). Les nasses permettent de capturer les écrevisses en grand nombre, mais sont aussi très efficaces pour capturer les épinoches. La population source d’écrevisses et le vecteur d’introduction initial sont inconnus, mais l’espèce pourrait être réintroduite après son éradication. En supposant qu’il soit possible d’éliminer les écrevisses, il faudrait attendre plusieurs années au moins avant que les macrophytes puissent se rétablir naturellement. On pourrait transplanter des macrophytes provenant de sources situées à proximité pour accélérer la colonisation, mais il faudrait sans doute encore au moins quelques années pour obtenir une communauté de macrophytes d’apparence naturelle. La gestion des écrevisses et le rétablissement d’une zone de végétation littorale posent de véritables défis, notamment en termes d’engagement à gérer activement les populations d’écrevisses dans un avenir prévisible.

Une fois le lac Enos restauré, une option constituerait à espérer que le milieu opère une sélection en faveur des phénotypes originaux, ce qui permettrait la reconstitution des populations d’épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos à partir de la population hybride. Dans une certaine mesure, cette hypothèse est raisonnable, car tous les gènes des épinoches limnétiques et benthiques sont vraisemblablement encore présents dans la population hybride, bien qu’ils se soient recombinés sous l’effet de l’hybridation répétée. En fait, c’est un peu comme s’attendre à ce qu’une spéciation sympatrique se produise dans de nombreux autres lacs à partir de formes solitaires. Il faudrait qu’une forte sélection s’exerce en faveur des phénotypes benthique et limnétique, et qu’une homogamie rigoureuse se manifeste de façon simultanée. Les exemples de sélection naturelle défavorable aux phénotypes intermédiaires sont certes nombreux, particulièrement lorsque les phénotypes limnétique et benthique sont très présents (Schluter et McPhail, 1992,1993; Schluter, 1994,1995; Hatfield et Schluter, 1999; Gow et al., 2007). Par ailleurs, les conditions qui prévalent actuellement dans le lac Enos ne semblent pas causer de sélection défavorable aux phénotypes intermédiaires (Behm et al., 2010); on observe toutefois ce type de sélection au sein des populations solitaires (Robinson, 2000), ce qui laisse croire qu’une sélection disruptive pourrait survenir de nouveau si le lac était restauré. Il est également vrai, cependant, que les hybrides sont viables en termes de reproduction et d’écologie et qu’ils peuvent survivre dans la nature (McPhail, 1984; Schluter, 1995; Hatfield et Schluter, 1996,1999; Gow et al., 2006; Gow et al., 2007), ce qui indique que le taux de sélection défavorable aux formes intermédiaires est loin d’égaler 100 % (voir aussi Taylor et al., 2011). Même si la sélection devait fortement favoriser les phénotypes limnétique et benthique, il est peu probable que l’homogamie soit rétablie compte tenu du fait que les gènes régissant le choix de partenaires sont désormais répartis de façon aléatoire dans la population hybride actuelle (voir l’analyse qui précède sur la couleur de la gorge des mâles, dans la section Structure spatiale de la population et variabilité).

La plupart des modèles de spéciation sympatrique supposent des changements considérables en termes de phénologie ou d’habitats de reproduction (Via, 2001). Peu d’indices permettent de croire que tel est le cas pour les épinoches. Comme les croisements demeureront probablement importants, la probabilité de divergence sympatrique de la population hybride du lac Enos semble extrêmement faible. Cette interprétation est en partie corroborée par les données d’observation recueillies au lac Second, sur l’île Texada. Ce lac a été ensemencé dans les années 1980 au moyen d’hybrides provenant du lac Paxton, et on n’y a constaté aucun signe de reconstitution des formes parentales d’origine. De plus, on croit que la spéciation initiale de toutes les paires d’espèces d’épinoches s’est produite suivant un processus de double invasion, où les populations étaient déjà partiellement différenciées depuis un certain temps en situation d’allopatrie, plutôt que selon un processus de spéciation entièrement sympatrique (Taylor et McPhail, 2000).

Une autre option pour le rétablissement de la paire d’espèces d’épinoches du lac Enos serait de tenter d’identifier des individus benthiques et limnétiques génétiquement purs dans le but de mettre sur pied un programme d’élevage en captivité et de réintroduire les épinoches dans le lac Enos à la suite de sa restauration. En plus de la réduction ou de l’éradication des écrevisses, cette option nécessiterait probablement l’élimination des épinoches hybrides présentes dans le lac, ce qui représenterait en soi un travail considérable, exigeant peut-être l’emploi de piscicides (antimycine ou roténone) et le drainage partiel ou complet du bassin. Cette tâche poserait sans nul doute des obstacles sur le plan social.

L’établissement d’un programme d’élevage en captivité soulèverait aussi plusieurs difficultés sur le plan technique, le plus important étant l’approvisionnement en poissons. En 2004, D. Schluter a dirigé une initiative visant la capture d’épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos dans la nature à des fins de conservation en captivité. Des poissons ont été capturés durant la saison de reproduction à l’aide de nasses, triés à l’œil en épinoches présumément limnétiques et en épinoches présumément benthiques, et des croisements ont été réalisés entre les épinoches ressemblant le plus à la forme limnétique et entre les épinoches ressemblant le plus à la forme benthique. Les petits ont été élevés séparément en laboratoire, tandis que les parents ont été soumis à un test quantitatif portant sur leur forme, fondé sur des données morphologiques historiques. Leur génotype a également été établi à l’aide de marqueurs ayant auparavant permis de distinguer efficacement les individus limnétiques des individus benthiques (Gow et al., 2006). Plusieurs familles présumément limnétiques et benthiques ont ainsi été constituées. Peu d’individus présumément limnétiques (voire aucun) ont réussi le test quantitatif portant sur la forme, et les analyses génétiques ont confirmé qu’ils étaient tous hybrides. Les parents de plusieurs familles d’épinoches benthiques ont réussi à la fois les tests portant sur la forme et les tests génétiques, et 1 008 jeunes ont été introduits dans un étang expérimental du campus de la UBC. La population n’a toutefois pas réussi à s’établir. On demeurait sceptique quant au fait qu’il s’agissait bel et bien d’individus benthiques purs, puisque les marqueurs génétiques ne pouvaient plus être considérés comme des caractéristiques réellement distinctives à la suite de l’effondrement. Des travaux de laboratoire subséquents portant sur la couleur et la forme ont révélé qu’il ne s’agissait pas d’épinoches benthiques pures (D. Schluter, département de zoologie, UBC, comm. pers., 2010). On a donc mis fin au programme urgent d’élevage en captivité, et il semble que le lac Enos ne renferme plus d’épinoches véritablement limnétiques ou benthiques, même si certains individus ressemblent aux formes parentales.

Comme on l’indiquait précédemment, une population autosuffisante d’épinoches limnétiques du lac Enos a été établie dans un étang du terrain de golf du parc Murdo Frazer, à North Vancouver, en Colombie-Britannique, en 1988 et en 1989. Cette population, qui se porte apparemment bien aujourd’hui, se trouve dans un milieu différent depuis plus de 20 générations et semble s’être éloignée de l’écotype limnétique, du moins sur le plan morphologique (D. Schluter, département de zoologie, UBC, comm. pers., 2011). La question de savoir si on est encore en présence d’« épinoches limnétiques du lac Enos » relève de la conjecture. Il n’existe aucune population d’épinoches benthiques du lac Enos en captivité.

En résumé, la probabilité cumulée de rétablir une population sauvage autosuffisante d’épinoches benthiques et limnétiques du lac Enos semble infime compte tenu des moyens techniques dont on dispose actuellement.

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