Cicindèle des galets (Cicindela marginipennis): évaluation et rapport de situation du COSEPAC

Photographie d’une cicindèle des galets (Cicindela marginipennis).

En voie de disparition
2008



COSEPAC
Comité sur la situation
des espèces en péril
au Canada
logo du COSEPAC


COSEWIC
Committee on the Status
of Endangered Wildlife
in Canada


Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante  :

COSEPAC. 2008. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la cicindèle des galets Cicindela marginipennis au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.  Ottawa. vii + 29 p.
(Rapports de situation du Registre public des espèces en péril)

Note de production  :
Le COSEPAC remercie Reginald P. Webster, Ph.D. qui a rédigé le rapport de situation provisoire sur la cicindèle des galets (Cicindela marginipennis) préparé en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. La participation du contractant à la rédaction du présent rapport de situation a pris fin avec l’acceptation du rapport provisoire. Toutes les modifications apportées au rapport de situation durant la préparation des étapes subséquentes ont été supervisées par Paul Catling, Ph.D., coprésident du Sous–comité de spécialistes des arthropodes du COSEPAC.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819–953–3215
Téléc. : 819–994–3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
Site Web : http://www.cosepac.gc.ca/fra/sct5/index_f.cfm

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Cobblestone Tiger Beetle Cicindela marginipennisin Canada.

Illustration de la couverture  :
Cicindèle des galets -- Photographie de Dwayne Sabine.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2009.
No de catalogue : CW69–14/559–2009F–PDF
ISBN : 978-1-100-91353-7

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COSEPAC
Sommaire de l’évaluation

 

Sommaire de l’évaluation – Novembre 2008

Nom commun :

Cicindèle des galets

Nom scientifique :
Cicindela marginipennis

Statut :
En voie de disparition

Justification de la désignation :
Cette espèce particulière de cicindèle est répartie de façon fragmentée dans une zone d’occurrence et d’occupation de très petite superficie et ne se trouve actuellement que dans deux petites régions du réseau hydrographique de la rivière Saint-Jean. Des données démontrent qu’il y a un déclin de l’habitat et de la population dans une région, et les pressions sur l’habitat causées par le développement et les activités récréatives semblent se poursuivre.

Répartition :
Nouveau Brunswick

Historique du statut :
Espèce désignée « en voie de disparition » en novembre 2008. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
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COSEPAC
Résumé

Cicindèle des galets
Cicindela marginipennis

Information sur l’espèce

Le Cicindela marginipennis Dejean (1831), ou cicindèle des galets (Cobblestone Tiger Beetle), appartient à l’ordre des Coléoptères (coléoptères), à la famille des Carabidés (carabes) et à la sous–famille des Cicindélinés (cicindèles). Aucune sous–espèce n’est actuellement reconnue.

Les adultes mesurent de 11 à 14 mm de longueur. Comme chez toutes les espèces de cicindèles, ils sont pourvus de grandes mandibules servant à la capture des proies. Le bord externe des élytres (ailes antérieures cornées recouvrant les ailes postérieures membraneuses utilisées pour le vol) est orné d’une étroite bande crème continue. L’abdomen est orange–rouge vif et bien visible durant le vol.

Les stades immatures de cette espèce n’ont pas été décrits. Toutefois, les larves de toutes les espèces de cicindèles sont morphologiquement similaires. Prédatrices, elles vivent habituellement dans un terrier vertical creusé dans le sol. À l’aide du disque aplati formé par le pronotum (face dorsale du premier segment thoracique) et le sommet de la tête, elles obturent et cachent l’ouverture du terrier dans lequel elles vivent, se rendant ainsi invisibles pour les proies qui se déplacent à la surface du sol. Les larves sont également pourvues de grandes mandibules falciformes qui dépassent du disque. Le cinquième segment abdominal est bossu et armé sur sa face dorsale de deux paires de gros crochets qui permettent à la larve de s’ancrer aux parois de sa galerie lorsque sa proie tente de l’en extirper.

Répartition

La cicindèle des galets est répartie en plusieurs petites populations isolées associées à d’importants réseaux hydrographiques, du Mississippi et de l’Alabama jusqu’en Ohio, en Indiana, en Pennsylvanie, à l’État de New York et au New Hampshire, dans le nord–est des États–Unis. Au Canada, elle se rencontre uniquement au Nouveau–Brunswick, dans huit localités réparties dans deux régions isolées, le long de la rivière Saint–Jean et au lac Grand.

Habitat

Au Canada, la cicindèle des galets se rencontre uniquement sur des îles boisées de la rivière Saint–Jean dont les plages de galets sont peu souvent soumises à de fortes inondations et dans des habitats présentant des caractéristiques structurales similaires sur les bords du lac Grand. L’habitat de la cicindèle des galets est façonné en partie par les effets des inondations associées aux crues printanières et le régime d’écoulement de l’eau déterminé par la structure des îles ou des plages elles–mêmes. Tous les sites occupés présentent des hautes plages de galets à végétation clairsemée qui sont probablement inondées seulement durant les crues printanières et rarement à la suite de fortes pluies en été. Les facteurs (comme le niveau de l’eau) qui influent sur le régime d’écoulement de l’eau durant les crues printanières et le reste de la saison ont une incidence importante sur la structure de l’habitat.

Biologie

Comme tous les coléoptères, la cicindèle des galets subit une métamorphose complète. Son cycle vital comporte donc quatre étapes distinctes : l’œuf, la larve, la nymphe et l’adulte. Aucune étude n’a été publiée sur le cycle vital de la cicindèle des galets. Toutefois, sa biologie est vraisemblablement semblable à celle des autres espèces de cicindèles. La vie larvaire comporte trois stades. À la fin du troisième stade, la larve se construit une loge dans le sol et s’y transforme en nymphe, puis en adulte. Chez la plupart des espèces du genre Cicindela, le cycle vital est étalé sur deux ans, mais les adultes sont présents tous les ans en un endroit donné. Les cicindèles sont prédatrices aux stades larvaire et adulte, se nourrissant d’araignées et de petits insectes. Les adultes sont actifs le jour et s’envolent rapidement lorsqu’elles sont approchées.

Taille et tendances des populations

La population canadienne totale compte probablement environ 5 000 adultes. Comme cette espèce a été découverte récemment au pays, on ne dispose d’aucune donnée précise sur les tendances de ses populations. Bon nombre (jusqu’à 74 %) des habitats insulaires susceptibles d’abriter l’espèce ont été perdus lors de la construction du barrage de Mactaquac, en 1967.

Facteurs limitatifs et menaces

Des données démontrent qu’il y a un déclin de l’habitat et de la population dans une région, et le développement et les activités récréatives semblent continuer d’exercer une pression sur l’habitat. Les polluants comme les déchets agricoles ainsi que le limon peuvent modifier la communauté végétale et rendre l’habitat non propice pour un insecte terrestre en stimulant la croissance de la végétation et en réduisant l’abondance des proies le long des rives. Comme les larves vivent dans un terrier parmi les galets, la circulation de véhicules tout–terrain (VTT) sur les plages peut causer une mortalité larvaire importante et modifier la structure de la communauté et de l’habitat lui–même. Une observation récente donne à croire que la dégradation de l’habitat causée par les VTT pourrait être responsable du déclin d’une population à l’un des sites du lac Grand.

Au Canada, la cicindèle des galets présente une répartition très fragmentée et se rencontre en petites populations à seulement quelques endroits, dans un habitat à la fois fragile et très spécialisé. Le risque de disparition de l’espèce aux sites occupés est donc élevé. La répartition restreinte de l’espèce et la nature isolée et la faible taille de ses populations sont les principaux facteurs qui influent sur sa situation et sa persistance à long terme au pays. Par ailleurs, à cause de la faible taille de ses populations et de la popularité des cicindèles auprès des collectionneurs d’insectes, la cicindèle des galets est également vulnérable aux effets d’une collecte excessive. La réduction de l’aire de répartition causée par la perte d’habitat ou la disparition d’une population occasionnée par d’autres facteurs pourrait avoir de graves répercussions sur l’ensemble de la population en réduisant la variabilité génétique de la population canadienne considérée dans son ensemble et en limitant la capacité de l’espèce de s’adapter aux futurs changements environnementaux comme les changements climatiques planétaires.

Importance de l’espèce

La cicindèle des galets n’est représentée que par quelques petites populations isolées à l’échelle de son aire. Les populations canadiennes se trouvent à 500 km des populations les plus rapprochées aux États–Unis. Parmi toutes les populations connues de l’espèce, les populations canadiennes sont les seules qui comportent une faible proportion d’individus verts et bleu cobalt. Leur disparition pourrait entraîner une perte importante de diversité génétique chez cette espèce rare à l’échelle mondiale. Les cicindèles sont aujourd’hui considérées comme un groupe important d’indicateurs environnementaux, et elles représentent le seul groupe de coléoptères auquel un guide d’excursion a été consacré en Amérique du Nord. Les facteurs responsables de la perte de l’habitat de la cicindèle des galets causent probablement la perte de nombreuses espèces de plantes et d’insectes partageant le même habitat ou vivant dans des milieux adjacents.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

La cicindèle des galets ne bénéficie actuellement d’aucune protection légale au Canada, ni à l’échelle nationale, ni à l’échelle provinciale. Aux États–Unis, sa désignation à titre d’espèce menacée en vertu de la U.S. Endangered Species Act est à l’examen.

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Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale–provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous–espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous–comités de spécialistes des espèces et du sous–comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions
(2008)

Espèce sauvage
Espèce, sous–espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.
*
Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.

**
Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.

***
Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.

****
Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».

*****
Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

 

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.


Rapport de situation du COSEPAC
sur la Cicindèle des galets
Cicindela marginipennis
au Canada

Table des matières

Liste des figures

Information sur l'espèce

Nom et classification

Le Cicindela marginipennis Dejean (1831), ou cicindèle des galets (Cobblestone Tiger Beetle), appartient à l’ordre des Coléoptères (coléoptères), à la famille des Carabidés (carabes) et à la sous–famille des Cicindélinés (cicindèles). Pendant de nombreuses années, les cicindèles ont été considérées comme formant une famille distincte, les Cicindélidés. Selon les classifications plus récentes (Bousquet et Larochelle, 1993; Ball et Bousquet, 2001), elles sont aujourd’hui traitées comme une sous–famille de la famille des Carabidés, ou carabes. Aucune sous–espèce n’est actuellement reconnue.

Description

Adultes

Les adultes mesurent de 11 à 14 mm de longueur. Comme chez toutes les espèces de cicindèles, ils sont pourvus de grandes mandibules servant à la capture des proies. Le bord externe des élytres est orné d’une étroite bande crème continue (figure 1). L’abdomen est orange–rouge vif (faces dorsale et ventrale) et bien visible durant le vol (figure 2).

Figure 1 : Cicindela marginipennis adulte, vue dorsale

Photographie d’une cicindèle des galets (Cicindela marginipennis) adulte, vue dorsale.

Source : Dwayne Sabine

Figure 2 : Cicindela marginipennis adulte, vue ventrale

Photographie d’une cicindèle des galets (Cicindela marginipennis) adulte, vue ventrale

Source : Dwayne Sabine

Espèces semblables

Au Canada, la cicindèle des galets se distingue de toutes les autres espèces de cicindèles par la présence d’une bande crème continue sur le bord externe des élytres et son abdomen rouge–orange vif.

Larves

Les stades immatures de cette espèce n’ont pas été décrits. Toutefois, les larves de toutes les espèces de cicindèles sont morphologiquement similaires (voir la figure 3.3 illustrant une larve de cicindèle typique dans Downie et Arnett, 1996). Prédatrices, elles vivent dans un terrier vertical creusé dans le sol. À l’aide du disque aplati formé par le pronotum (face dorsale du premier segment thoracique) et le sommet de la tête, elles obturent et cachent l’ouverture du terrier dans lequel elles vivent, se rendant ainsi invisibles pour les proies qui se déplacent à la surface du sol. Les larves sont également pourvues de grandes mandibules falciformes qui dépassent du disque. Le cinquième segment abdominal est bossu et armé sur sa face dorsale de deux paires de gros crochets qui permettent à la larve de s’ancrer aux parois de sa galerie si sa proie tente de l’en extirper.

Figure 3 : Cicindela marginipennis adulte dans son habitat naturel, au lac Grand

Photographie d’une cicindèle des galets (Cicindela marginipennis) adulte dans son habitat naturel, au lac Grand, au Nouveau-Brunswick.

Source : Dwayne Sabine

Unités désignables

Même si les deux régions d’occurrence le long de la rivière Saint–Jean sont séparées par une section d’habitat inhospitalier depuis la construction du barrage de Mactaquac, elles étaient autrefois probablement plus continues et devraient donc être considérées comme une seule unité désignable.

Répartition

Aire de répartition mondiale

À l’échelle mondiale, cette cicindèle rare n’est représentée que par quelques populations isolées (Bousquet et Larochelle, 1993, Pearson et al., 2006) associées à d’importants réseaux hydrographiques aux États–Unis et au Canada (figure 4). Aux États–Unis, des populations ont été trouvées depuis le Mississippi (rivière Tombigbee) et l’Alabama (rivière Coosa) (Graves et Pearson, 1973; Huber, comm. pers., décembre 2006) jusqu’en Ohio (rivières Little Miami et Scioto) (Dunn, 1982; Graves et Brzoska, 1991; Blatchley, 1910), en Indiana (Knisley et al., 1987), en Virginie–Occidentale (rivière Ohio) (Acciavatti et al., 1992), en Pennsylvanie et dans l’État de New York (rivières Susquehanna et Delaware) (Boyd, 1978; Leng, 1902; Schauup, 1883–4; Stamatov, 1970; Wickham, 1899), au New Jersey (rivière Delaware) (Boyd, 1978) et au Vermont et au New Hampshire (rivière Connecticut) (Dunn, 1979; Leonard et Bell, 1999). Une petite population a récemment été découverte dans l’extrême sud–ouest de l’État de New York (Pearson et al., 2006) (figure 4). Au Canada, la cicindèle des galets se rencontre exclusivement au Nouveau–Brunswick, dans le réseau hydrographique de la rivière Saint–Jean (voir ci–dessous) (Sabine, 2004; Webster, 2006).

Figure 4 : Aire de répartition mondiale du Cicindela marginipennis

Carte montrant l’aire de répartition mondiale de la cicindèle des galets (Cicindela marginipennis).

(zones ombragées et triangles – d’après Pearson et al., 2006)

Aire de répartition canadienne

Le C. marginipennis a été découvert pour la première fois au Canada en 2003 (Sabine, 2004). Les seules localités connues au Canada se trouvent au Nouveau–Brunswick (Sabine, 2004; Webster, 2006). L’espèce n’y est connue que de 9 emplacements, ci–après appelés sites (un emplacement correspond à un endroit où des adultes ont été observés dans un habitat favorable se trouvant à au moins 1 km d’un autre endroit où une observation similaire a été effectuée). Ainsi, 6 de ces sites se trouvent sur des îles du cours inférieur de la rivière Saint–Jean, et les 3 autres, sur les rives du lac Grand (Webster, 2006) (figure 5). Il convient de noter que le site où l’espèce a été observée pour la première fois au pays pourrait ne pas abriter une population permanente. La présence de l’espèce avait été signalée antérieurement au Québec, mais ces mentions, fondées sur un rapport diffusé en ligne ne comportant aucune donnée adéquatement documentée, sont jugées erronées (Sabine, 2004). L’espèce occupe un habitat fragmenté et est confinée à des zones d’habitat très restreintes. Certaines populations se trouvent à moins de 1 km l’une de l’autre. La zone d’occurrence est d’environ 2 036 km2. Toutefois, selon des observations des zones d’habitat occupées par l’espèce à chaque site et des photographies aériennes, la zone d’occurrence de la cicindèle des galets au Canada s’établirait plutôt à seulement 0,79 km2 (soit 0,75 km2 sur les îles du cours inférieur de la rivière Saint–Jean, et 0,04 km2 sur les rives du lac Grand). Si l’on utilise une grille de 1X1 km2, les 9 sites, dont certains se trouvent à seulement 1 km l’un de l’autre, déterminent une zone d’occupation de 12 km2. Si l’on utilise une grille de 2X2 km2, la zone d’occupation s’élève à 44 km2.

Figure 5 : Répartition du Cicindela marginipennis au Nouveau–Brunswick et au Canada

Carte montrant la répartition de la cicindèle des galets (Cicindela marginipennis) au Nouveau-Brunswick et au Canada.

Les points indiquent l’emplacement des populations.

Activités de recherche

Seulement quelques sites favorables existent au Canada, et aucun n’a été découvert dans la province (Québec) ou l’État (Maine) adjacents. Depuis la découverte de l’espèce au New Hampshire par Dunn (1979), un certain nombre de coléoptéristes ont tenté sans succès d’en confirmer la présence au Québec et en Ontario (Bousquet, comm. pers., novembre 2007). La cicindèle des galets a été découverte pour la première fois au Canada en août 2003, sur une petite plage de galets, au lac Grand (Nouveau– Brunswick), par Dwayne Sabine (Sabine, 2004). Cette nouvelle localité représentait une extension d’environ 500 km vers le nord–est de l’aire de l’espèce à partir des populations connues les plus rapprochées, établies sur les rives de la rivière Connecticut, au Vermont et au New Hampshire (Dunn et Wilson, 1979). La découverte de la cicindèle des galets au Nouveau– Brunswick a donné lieu à des recherches approfondies de l’espèce en 2004, 2005 et 2006.

Durant ces 3 années (Webster, 2006), 62 sites répartis le long des rives du lac Grand et sur des îles et le long des rives des rivières Saint–Jean et Miramichi ont fait l’objet de relevés visant à y vérifier la présence éventuelle de l’espèce. Quelques sites répartis le long de la rivière Meduxnekeag (un affluent de la rivière Saint–Jean) ont également été visités. Ces recherches ont confirmé la présence du C. marginipennis à 3 nouveaux sites au lac Grand et à 5 nouveaux sites sur des îles de la rivière Saint–Jean. En revanche, l’espèce n’a pas été observée le long de la rivière Miramichi ni à aucun autre site au Nouveau–Brunswick, incluant d’autres sites visités en 2007 et en 2008. Même si les recherches ont été concentrées dans les grandes étendues de plages de galets favorables, de nombreuses sections littorales de rivières moins exposées ont aussi été examinées, et le fait que le C. marginipennis n’y ait pas été observé renforce la conclusion selon laquelle cette espèce présente une répartition très restreinte et est associée à un habitat très spécialisé.

Si l’on considère l’intensité des recherches effectuées, la superficie limitée de l’habitat occupé par l’espèce et les connaissances générales sur les cicindèles, groupe populaire auprès des entomologistes, la probabilité de trouver la cicindèle des galets dans une autre province canadienne ou ailleurs au Nouveau–Brunswick paraît très faible, voir nulle.

Habitat

Aux États–Unis, la cicindèle des galets se rencontre presque exclusivement sur des plages de galets et de gravier grossier parsemées de petites étendues de sable, sur l’extrémité amont d’îles boisées comprises dans des réseaux hydrographiques de petite à grande taille (Boyd, 1978; Dunn et Wilson, 1979; Dunn, 1982; Pearson et al., 2006).

Au Nouveau–Brunswick, l’espèce se rencontre dans des microhabitats semblables, sur des îles boisées de la rivière Saint–Jean (Webster, 2006). Quelques adultes ont récemment été observés sur une plage de galets d’une section de rive faisant face à un site insulaire occupé (Webster, 2007). Des populations ont également été trouvées sur des plages de galets au lac Grand (Sabine, 2004; Webster, 2006). Ces habitats sont décrits en détail ci–après.

L’existence d’un régime naturel d’inondations printanières d’amplitude variable semble nécessaire au maintien de l’habitat de cette espèce. Ces conditions sont présentes dans les grands cours d’eau, mais seuls les grands cours d’eau qui traversent des zones de dépôts glaciaires comportent de vastes étendues dénudées de galets arrondis. Ces conditions ne sont pas exclusives au Nouveau–Brunswick, mais elles sont peu répandues dans l’est du Canada.

Sites du lac Grand

Les sites occupés par le C. marginipennis au lac Grand sont des hautes plages de galets avec zones d’affleurements rocheux soumises à de fortes inondations peu fréquentes (Sabine, 2004; Webster, 2006). Les galets et les affleurements rocheux ont une teinte brun rougeâtre (figure 6). À chaque site, la plage est habituellement bordée sur son bord interne par une étroite bande de pin gris (Pinus banksiana Lamb.). Du sable fin et du gravier sont visibles entre les galets sur la portion plus élevée des plages fréquentées par les adultes. La végétation est clairsemée, 80 % de la plage étant exempts de végétation. Généralement, les zones de galets, de sable et de gravier sont piquées de touffes très dispersées d’apocyn chanvrin (Apocynum cannabinum L.), de comptonie voyageuse (Comptonia peregrina (L.) Coult.) et de saule (Salix sp.) rabougri. Les adultes se rencontrent sur les portions les plus hautes des plages, parmi les galets, le gravier et le sable et sur les affleurements rocheux, mais ils sont plus abondants dans les zones de galets. Ces zones sont probablement inondées uniquement durant les crues printanières et rarement à la suite de fortes pluies en été. Cette caractéristique semble jouer un rôle critique dans la survie à long terme de l’espèce. Pour vérifier cette hypothèse, il faudra cependant étudier en détail son cycle vital au Nouveau–Brunswick et ailleurs. L’action des vagues durant les crues printanières a probablement façonné ces habitats le long des rives du lac Grand et leur a conféré les caractéristiques recherchées par cette espèce (Sabine, 2004). De nombreux autres sites répartis le long des rives du lac Grand comportent des plages de galets, mais la plupart de ces plages sont très petites ou ne comportent pas de zone de haute plage rarement inondée durant les crues printanières ou à la suite de fortes pluies en été.

Figure 6 : Plage de galets sur les rives du lac Grand

Photographie d’une plage de galets sur les rives du lac Grand, au Nouveau-Brunswick.

Source : Dwayne Sabine.

Sites de la rivière Saint–Jean

La plupart des sites connus occupés par le C. marginipennis le long de la rivière Saint–Jean se trouvent sur de grandes îles boisées (Webster, 2006). Les adultes s’y rencontrent généralement sur de hautes plages de galets de couleur havane pâle, habituellement sur l’extrémité amont des îles (figure 7). L’espace entre les galets est occupé par du sable fin et du gravier. La végétation est clairsemée, plus de 50 % de la plage étant exempts de végétation. Le couvert végétal se limite généralement à quelques bouquets très dispersés d’apocyn chanvrin (Apocynum cannabinum L.), de peuplier baumier (Populus balsamifera L.) et de saule à feuilles exiguës (Salix exigua Nutt.). Toutes les îles occupées par la cicindèle sont boisées. Le couvert arborescent est composé d’un mélange de feuillus (peuplier baumier, érable argenté [(Acer saccharinum L.], érable à sucre [Acer saccharum Marsh.], noyer cendré [Juglans cinerea L.] et tilleul d’Amérique [Tilia americana L.]) et de conifères (épinette blanche [Picea glauca (Moench) Voss] et pin blanc [Pinus strobus L.]). Les zones occupées par les adultes sont probablement inondées seulement durant les crues printanières et probablement rarement à la suite de fortes pluies en été. Les adultes sont plus nombreux sur l’extrémité amont des îles, mais des individus se rencontrent occasionnellement dans d’autres parties des îles comportant des parcelles d’habitat favorable. Les sites fréquentés par les adultes sont structuralement semblables aux sites occupés au lac Grand, mais les galets y sont d’une couleur différente.

Figure 7 : Plage de galets sur une île de la rivière Saint–Jean

Photographie d’une plage de galets sur une île de la rivière Saint-Jean.

Source : Pascal Giasson

Les adultes n’étaient habituellement pas présents sur les bords immédiats de la rivière Saint–Jean, au Nouveau–Brunswick (mais voir les commentaires ci–dessous). De façon générale, cette zone présente un couvert végétal relativement dense en été et ne semble pas constituer un habitat favorable au C. marginipennis, les grandes zones ouvertes de galets y faisant défaut. Le régime d’écoulement de l’eau particulier créé par les îles durant les inondations semble jouer un rôle essentiel dans l’établissement des conditions de microhabitat essentielles à la survie à long terme de cette espèce rare. Toutefois, en 2007, plusieurs adultes ont été observés directement sur le bord de la rivière, dans une petite section de plage de galets, en face d’une île occupée par l’espèce (Webster, données inédites). À ce site déjà connu, les adultes se trouvaient près de la rivière, sur une voie d’accès relativement petite, construite au cours des trois années précédentes. La construction de cette voie d’accès semblait avoir procuré à l’espèce le type d’habitat relativement exempt de végétation qui lui convient.

Tendances en matière d’habitat

Dans le passé, le C. marginipennis était apparemment plus largement répandu aux États–Unis, des mentions historiques attestant de sa présence le long de la rivière Monongahela en Virginie–Occidentale (Acciavatti et al., 1992), en Indiana (Blatchley, 1910), le long de la rivière Susquehanna en Pennsylvanie (Wickham, 1899) et dans le bassin de la rivière Ohio en Ohio (Dunn, 1982). La construction de barrages, la canalisation des cours d’eau et la pollution de l’eau ont été incriminées dans la disparition de ces populations (Acciavatti et al., 1992; Pearson et al., 2006; Tanner, 1988).

Au Canada, le C. marginipennis était probablement plus largement réparti avant 1967, alors que son habitat était vraisemblablement plus étendu. Entreprise au cours des années 1960, la construction du barrage de Mactaquac, au Nouveau–Brunswick, s’est terminée en 1967. La mise en eau du réservoir du barrage a entraîné la submersion d’une section d’environ 99 km de la rivière Saint–Jean, presque jusqu’au premier site découvert près de Hartland (Sabine, comm. pers., mai 2007). L’examen de photographies aériennes prises entre 1962 et 1963 a révélé la présence en amont du barrage de 19 îles boisées qui semblaient comporter des zones d’habitat favorable (grandes plages de galets et de gravier semblables à celles qu’on aperçoit sur les photographies aériennes des sites existants). Cet habitat est aujourd’hui submergé en permanence. En aval du barrage de Mactaquac se trouvaient 4 autres îles présentant également des zones d’habitat en apparence favorable à l’espèce.Toutefois, les fluctuations quotidiennes du niveau d’eau (souvent égales ou supérieures à un mètre en l’espace de 1 ou 2 heures) (Webster, obs. pers.) requises pour la production d’électricité provoquent l’inondation quotidienne de ces zones d’habitat et rendent celles–ci inhospitalières pour l’espèce (et pour de nombreuses autres espèces d’insectes). Selon cette analyse, la construction et l’exploitation du barrage auraient entraîné la perte de 23 îles comportant des zones d’habitat potentiellement favorable (représentant jusqu’à 73 % des sites insulaires potentiellement occupés par l’espèce dans le passé). Il est évidemment impossible d’établir combien de ces sites étaient occupés par le C. marginipennis, mais il est important de préciser que ces îles se trouvaient non seulement dans l’aire de l’espèce au Nouveau–Brunswick, mais aussi dans le même réseau hydrographique et la même écorégion que celui et celle où se trouvent les sites actuellement occupés. Il est donc possible que la mise en eau de ce réservoir ait eu une incidence importante sur cette cicindèle et son habitat.

En 2007, un des deux plus grands sites occupés au lac Grand a été gravement altéré par la circulation de VTT (voir la section Menaces pour obtenir de plus amples détails), et seulement quelques adultes y ont été observés, alors qu’ils y étaient nombreux en 2004 et en 2005 (Webster, données inédites). D’autres relevés s’imposent pour déterminer si cet habitat peut encore supporter une population de cette espèce. Les effets de la circulation de VTT semblaient moins graves au moment du relevé effectué en 2008.

L’importante inondation provoquée par la crue de la rivière Saint–Jean au printemps 2008 semble avoir eu des effets bénéfiques, car une des populations semblait nettement en hausse à l’été 2008 (R. Webster, obs. pers.). La végétation qui avait envahi les zones d’habitat dégagé a été éliminée par l’inondation.

Protection et propriété

La cicindèle des galets ne bénéficie actuellement d’aucune protection légale, ni au Canada, ni aux États–Unis. Aux États–Unis, sa désignation à titre d’espèce menacée (threatened) ou en voie de disparition (endangered) à l’échelle fédérale est à l’examen (Leonard et Bell, 1999). La cicindèle des galets figure également sur la liste des espèces en voie de disparition (endangered) au Vermont.

Tous les sites connus occupés par l’espèce au lac Grand se trouvent sur des terres privées et ne sont pas protégés. Trois des cinq sites répartis le long de la rivière Saint–Jean appartiennent à la Fondation pour la protection des sites naturels du Nouveau–Brunswick, organisme de conservation à but non lucratif.

Biologie

Renseignements généraux

Comme toutes les espèces de cicindèles, la cicindèle des galets subit une métamorphose complète. Son cycle vital comporte donc quatre étapes  : l’œuf, la larve, la nymphe et l’adulte. Aucune étude n’a été publiée sur le cycle vital de cette espèce. Toutefois, sa biologie est sans aucun doute semblable à celle d’autres espèces du genre Cicindela (pour obtenir de plus amples détails, voir Pearson et Vogler, 2001). Chez toutes les espèces du genre Cicindela, la vie larvaire comporte trois stades. À la fin du troisième stade, la larve se construit une loge dans le sol et s’y transforme en nymphe, puis en adulte. Chez la plupart des espèces du genre Cicindela, le cycle vital est étalé sur deux ans, mais les adultes sont présents tous les ans en une région donnée. Les espèces du genre Cicindela sont prédatrices aux stades larvaire et adulte, se nourrissant d’araignées et de petits insectes.

Période d’activité des adultes

Deux types de cycle vital existent au sein du genre Cicindela. Certaines espèces sont actives à l’âge adulte seulement en été et hivernent à l’état de larve ayant bouclé une partie de son développement (une ou deux années consécutives), tandis que d’autres sont actives à l’âge adulte au printemps et en automne et passent l’hiver sous cette forme (les espèces qui ont un cycle de deux ans passent probablement leur premier hiver à l’état larvaire). La cicindèle des galets appartient au premier groupe (Pearson et al., 2006). Au Nouveau–Brunswick, les adultes sont présents de la fin de juin à la fin d’août (Webster, 2006). Un certain nombre de facteurs variables d’une année à l’autre (conditions météorologiques, fluctuations du niveau d’eau, etc.) déterminent quand survient le pic d’abondance des adultes, mais en général, ce pic est observé entre le 23 juillet et le 21 août.

Biologie et cycle vital

On sait très peu de choses sur le comportement reproducteur du C. marginipennis. D’autres espèces du genre Cicindela actives l’été amorcent leur activité reproductrice peu après l’émergence (Pearson et Vogler, 2001). L’accouplement survient durant la période la plus chaude de la journée (Webster, données inédites). Des accouplements de C. marginipennis ont été observés presque de façon continue de 10 à 18 h par temps chaud et ensoleillé au cours d’une étude de marquage–lâcher–recapture (MLR) menée en 2007 (Webster, 2008). Dunn et Wilson (1979) ont observé des accouplements durant l’après–midi aux États–Unis. On ignore si les femelles de cette espèce s’accouplent plus d’une fois.

Aucune donnée n’a été publiée sur la fécondité et le comportement de ponte du C. marginipennis. Les femelles d’autres espèces du genre Cicindela déposent leurs œufs individuellement jusqu’à 1 cm sous la surface du sol (Pearson et Vogler, 2001). En captivité, des femelles d’espèces du genre Cicindela peuvent pondre de 10 à 20 œufs par jour, mais on dispose de peu de renseignements sur le nombre d’œufs pondus quotidiennement sur le terrain ou sur le nombre total d’œufs pondus par quelle qu’espèce que ce soit. Immédiatement après l’éclosion, la larve entreprend de creuser un terrier vertical à l’endroit même où la femelle avait déposé l’œuf. La larve occupe apparemment le même terrier durant les 3 stades que durent sa vie larvaire, l’élargissant à mesure qu’elle grandit (Pearson et Vogler, 2001).

On ignore actuellement dans quel type de milieu les C. marginipennis femelles déposent leurs œufs au Canada. Aux États–Unis, Pearson et al. (2006) mentionnent que les larves du C. marginipennis creusent leur terrier dans le sable humide, parmi les galets. Au Nouveau–Brunswick, les adultes sont plus abondants à la limite supérieure des plages de galets, sur les îles et les rives du lac. Dans ces secteurs, l’espace entre les galets est recouvert de sable et d’argile secs (à tout le moins en surface). C’est probablement dans ce microhabitat que les femelles déposent leurs œufs et les larves creusent leur tunnel. Au printemps et plus tard en automne, lorsque les niveaux d’eau sont plus hauts, ces sites se trouvent relativement près du bord de la rivière ou du lac.

Les larves des espèces du genre Cicindela sont prédatrices et se nourrissent d’autres insectes et arthropodes (Pearson et Vogler, 2001; Pearson et al., 2006). Elles demeurent dans leur tunnel et attendent les proies qui passent à proximité, bloquant l’ouverture de leur tunnel à l’aide de leur tête et prothorax modifiés en forme de disque aplati. Lorsqu’une proie passe au–dessus ou à proximité de l’ouverture du tunnel, elle est aussitôt saisie et entrainée dans le tunnel pour y être dévorée. On ignore quelles sont les proies des larves du C. marginipennis, mais de nombreuses espèces d’insectes circulent à la surface du sol. Fait intéressant, les autres Carabidés (aussi des prédateurs) atteignent également leur abondance maximale sur l’extrémité amont des îles où le C. marginipennis est le plus abondant (Webster, données inédites).

Les C. marginipennis adultes sont des prédateurs diurnes qui pourchassent activement leurs proies. L’identité des espèces qui leur servent de proies demeure indéterminée, mais il est probable qu’il s’agit des mêmes espèces que celles consommées par les larves.

Facteurs de mortalité naturelle

On sait peu de choses sur les facteurs de mortalité naturelle chez le C. marginipennis. Les Asilidés et les oiseaux sont des prédateurs importants des autres espèces du genre Cicindela (Pearson et Vogler, 2001, Pearson et al., 2006). Les guêpes et mouches parasitoïdes, en particulier les Tiphiidés chez les guêpes et les Bombyliidés chez les mouches, sont les principaux ennemis des larves (Pearson et Vogler, 2001; Pearson et al., 2006).

Le fait que cette espèce vive exclusivement sur les rives d’îles boisées et de lacs comportant des zones de hautes plages inondées de façon peu fréquente donne à croire que les inondations constituent peut–être une grave menace naturelle à sa survie. Les secteurs boisés des îles occupées par cette espèce semblent peu touchés par les inondations (Webster, données inédites). Les adultes (et probablement les larves) se rencontrent dans des zones de hautes plages de galets rarement inondées. Ces zones servent probablement de refuges aux adultes durant les inondations estivales et, plus important encore, réduisent le temps durant lequel les tunnels occupés par les larves sont submergés. On ignore comment les larves parviennent à survivre aux inondations qui surviennent fréquemment durant la période de crues printanières.

Dynamique des populations

Comme la cicindèle des galets n’a été découverte que tout récemment au Canada, on sait très peu de choses sur la dynamique de ses populations au pays.

Déplacements et dispersion

Même s’ils volent bien et s’envolent rapidement lorsqu’elles sont approchées, les adultes ont rarement été observés hors de leur habitat préféré (Webster, 2006), ce qui donne à croire que leur propension à se disperser est très limitée. Toutefois, en présence de certaines circonstances, il est possible que des adultes puissent se disperser vers d’autres sites. Par exemple, aucun adulte n’a été observé au cours des 2 années (Webster 2006) qui ont suivi la découverte de l’espèce en 2003 à un site du lac Grand (Sabine, 2004). Une population beaucoup plus importante a cependant été trouvée à environ 1,0 km de ce site en 2004. Le niveau de l’eau est demeuré très élevé au cours de l’été 2003, et il est possible que les adultes observés au site découvert cette année–là aient atteint ce dernier à la faveur de la montée du niveau de l’eau en volant depuis le site abritant la population importante découverte en 2004.

Au cours de l’étude de marquage–lâcher–recapture (MLR) menée en 2007, les adultes ont été observés en nombre beaucoup plus élevé dans les zones de galets situées près du bord de la rivière Saint–Jean et de l’eau entre la fin de la matinée et le milieu de l’après–midi au cours des journées chaudes (32 oC) et ensoleillées (observations à 2 sites). Plus tard durant la journée (après 17 h), seulement quelques adultes s’attardaient encore près de l’eau (Webster, données inédites). Durant cette étude de MLR, ce comportement n’a pas été observé aux 2 autres sites qui, il est vrai, ont été visités par temps plus frais. On ignore si ce comportement s’observe uniquement par temps chaud ou s’il s’inscrit dans le cadre d’une séquence comportementale diurne normale. Ces déplacements limités sont intéressants, mais ils ne semblent pas dictés par un danger quelconque.

Relations interspécifiques

On sait peu de choses sur les interactions du C. marginipennis avec les espèces qui partagent son habitat. D’autres espèces de cicindèles, tels le Cicindela repanda Dejean et le C. ancocisconensis T.W. Harris, sont souvent présentes aux sites occupés par le C. marginipennis, mais ces deux espèces ne fréquentent pas le même microhabitat que le C. marginipennis (Webster, données inédites). Aucune interaction avec ces deux cicindèles n’a été observée à ce jour dans aucun des sites du Nouveau–Brunswick.

Adaptabilité

Le C. marginipennis a besoin d’un habitat très spécialisé (grandes îles boisées de grands cours d’eau comportant de grandes étendues de plages de galets et milieux présentant des caractéristiques structurales sur le bord d’un lac) pour survivre. De ce fait, il est extrêmement vulnérable à la perte ou à la modification de son habitat. Cette vulnérabilité est en outre amplifiée par la propension apparemment faible de l’espèce à se disperser vers d’autres sites.

Taille et tendances des populations

Abondance

La taille des populations a été estimée d’après les résultats de l’étude de MLR menée en 2007 dans la plupart des sites connus occupés par l’espèce, par temps chaud et ensoleillé, durant la période d’activité maximale (Webster, 2008). Un des relevés n’a pu être effectué au complet à un des sites, mais l’écart à cet endroit entre les effectifs adultes totaux estimés et les effectifs réels ne devraient pas être supérieurs à 20 individus, car seulement quelques individus étaient présents à ce site au moment de la première visite. La population canadienne totale est estimée à 4 975 individus, soit 488 individus (14 + 473) à 2 des 3 sites du lac Grand et 4 487 individus (400 + 2 740 + 851 + 496) aux 4 sites de la rivière Saint–Jean. Ces estimations sont fondées sur des travaux de MLR de 2 ou 3 jours (marquage d’individus lors d’une première visite et recapture le lendemain) menés à l’aide de l’indice de Lincoln (voir ci–dessous). Cette méthode consiste à capturer et à marquer une fraction de la population totale et à utiliser cette fraction pour estimer la taille réelle de la population. La plupart des hypothèses de base semblaient satisfaites (populations fermées et sites isolés les uns des autres). Comme l’espèce n’a été découverte que tout récemment au Canada, on ignore les tendances à long terme des populations. La population à un des sites du lac Grand semble toutefois avoir décliné depuis 2005, alors que l’espèce y était commune (environ 30 adultes observés le long d’un transect de 100 m). En 2008, la taille de cette population a été estimée à 14 individus le 24 juillet, et seulement 3 individus ont été observés le 7 août durant une recherche de 30 minutes couvrant tout l’habitat occupé par l’espèce. En 2008, seulement 4 adultes ont été observés durant une recherche de 30 minutes le 30 juillet.

Indice de Lincoln utilisé aux fins de l’estimation de la population  : (N) = n1 x n2/m2


n1 = nombre d’individus marqués au cours de la première visite,
n2 = nombre d’individus capturés au cours de la deuxième visite,
M2 = nombre d’individus marqués au cours de la deuxième visite.

Cette méthode est fréquemment appelée méthode de Petersen, car elle a été élaborée par le spécialiste de la biologie des pêches C.G.J. Petersen en 1896, et non par Lincoln en 1930 (Krebs, 1999). Les intervalles de confiance à 95 % fondés sur la loi binomiale pour le ratio m2/n2, celui–ci étant > 0,10 dans certains cas (Seber, 1982), sont les suivants  : de 3 à 200 et de 191 à1 466 pour les 2 sites du lac Grand, et de 83 à 191, de 461 à 2 075, de 2 078 à 4 157, de 176 à 1 250 et de 396 à 1 516 pour les 5 sites de la rivière Saint–Jean. Ce qui donne, après addition des limites inférieures et supérieures des intervalles de confiance établis d’après les données de MLR, une population estimée de 3 388 à 10 855 individus. Deux sites ont toutefois été exclus de l’étude de MLR. À un de ces sites, 14 individus ont été observés en 2005, et à l’autre, seulement 2 Individus ont été observés en 2007. D’après ces valeurs et les caractéristiques des sites, on estime à entre 100 et 400 individus les populations de chacun de ces sites. La taille de la population totale se situe approximativement entre 3 588 à 11 655 individus.

Le terme « approximativement » est approprié dans le cas présent, malgré l’utilisation d’intervalles de confiance, car l’hypothèse de base de la méthode de Petersen selon laquelle la taille de la population devrait être constante n’était pas vraiment respectée. En outre, comme il est indiqué dans le rapport (Webster, 2008), les conditions météorologiques ont influé sur les taux de recapture. Enfin, les populations d’insectes fluctuent naturellement, et l’on ne connait pas vraiment l’incidence de ces fluctuations sur l’estimation.

Fluctuations et tendances

Même si les données disponibles sont insuffisantes pour révéler des fluctuations ou dégager des tendances, certains indices font craindre un déclin des effectifs à un des sites du lac Grand (voir les commentaires sur les effets de la circulation de véhicules récréatifs à la section Menaces). L’espèce y était commune en 2005 (30 adultes observés le long d’un transect de 100 m). En 2007, la population a été estimée à 14 individus le 24 juillet, et seulement 3 individus ont été observés le 7 août durant une recherche de 30 minutes couvrant tout l’habitat occupé par l’espèce.

Immigration de source externe

Comme l’espèce semble assez fortement confinée à un habitat très limité et la population la plus rapprochée aux États–Unis se trouve à environ 500 km, sur les rives de la rivière Connecticut, au New Hampshire, la possibilité d’une immigration de source externe semble extrêmement faible.

Facteurs limitatifs et menaces

Facteurs limitatifs

Au Canada, le C. marginipennis se rencontre uniquement sur de grandes îles boisées de la rivière Saint–Jean comportant de grandes plages de galets et quelques milieux présentant des caractéristiques structurales semblables sur les rives du lac Grand. Tous les sites occupés présentent de hautes plages de galets à végétation clairsemée qui sont probablement inondées seulement durant les crues printanières et rarement à la suite de fortes pluies en été (Webster, 2006). La dépendance de l’espèce à l’égard de cet habitat extrêmement particulier est probablement un facteur limitatif important, mais la disponibilité des proies, la prédation et le microclimat jouent probablement aussi un rôle important.

Les plages de galets des îles de la rivière Saint–Jean sont façonnées en partie par les effets des inondations qui surviennent durant les crues printanières et le régime d’écoulement de l’eau (débit et vitesse du courant) déterminé par la structure des îles ou des plages elles–mêmes. Sur les rives du lac Grand, l’action des vagues durant les crues printanière a probablement façonné ces milieux et en a fait un habitat favorable pour l’espèce. Les facteurs associés au niveau de l’eau qui ont une incidence sur le régime d’écoulement de l’eau durant les crues printanières et le reste de la saison ont une répercussion sur la structure de l’habitat. Les polluants comme les déchets agricoles ainsi que le limon peuvent modifier la communauté végétale et rendre l’habitat non propice pour cette cicindèle en stimulant la croissance de la végétation. La pollution peut prendre la forme d’incidents ponctuels localisés ou agir de façon continue.

À l’échelle mondiale, le C. marginipennis n’est connu que de quelques localités et présente une répartition très fragmentée (figure 4). Au Canada, cette cicindèle rare n’est représentée que par deux petits centres de population occupant un habitat fragile et très spécialisé. Le risque de disparition de l’espèce à ces sites est, par conséquent, élevé. Cette répartition restreinte est l’un des principaux facteurs qui influent sur la situation de l’espèce et sur sa persistance à long terme dans les sites actuellement occupés. En raison de la faible taille de la population, toute réduction de l’aire de l’espèce causée par la perte d’habitat ou la disparition d’une population occasionnée par d’autres facteurs pourrait avoir de graves répercussions pour l’ensemble de la population en réduisant la variabilité génétique de la population canadienne considérée dans son ensemble et en limitant la capacité de l’espèce de s’adapter aux futurs changements environnementaux comme les changements climatiques planétaires.

Menaces

Aménagement des rives

L’aménagement des rives du lac Grand s’intensifie rapidement. Bien qu’aucun projet d’aménagement ne soit autorisé sous le niveau des hautes eaux, les zones de hautes plages sont souvent nivelées et débarrassées de la végétation qui s’y trouve, ce qui crée des conditions inhospitalières pour le C. marginipennis et entraîne l’élimination du couvert adjacent servant de refuge aux espèces qui lui servent de proies. Heureusement, la plupart des sites occupés par l’espèce comportent des zones d’affleurements rocheux, et il est par conséquent plus difficile de les modifier. L’aménagement des rives n’est pas considéré comme une menace dans le cas des sites de la rivière Saint–Jean, car tous ces sites se trouvent sur des îles qui ne se prêtent pas au développement.

Rejet d’effluents agricoles

Tous les sites connus occupés par le C. marginipennis le long de la rivière Saint–Jean se trouvent à proximité de zones agricoles et sont susceptibles d’être pollués par des déchets agricoles et des charges de limon de lavage entraînés par de fortes pluies à partir de champs fraîchement labourés. La contamination de ces sites par des polluants représente une grave menace pour la cicindèle, car les insectes qui partagent son habitat et qui lui servent de proies sont fort probablement très sensibles à la pollution. L’augmentation des charges d’éléments nutritifs et de limon entraînées par les effluents peut également stimuler la croissance de la végétation et ainsi réduire la superficie de l’habitat dégagé convenant à l’espèce. Le 23 août 2005, des signes évidents de rejet important de polluants ont été décelés à un site, près de Hartland (Webster, 2006). Toute la zone de galets bordant le littoral de l’île et la rive adjacente de même que la zone submergée de galets et de gravier étaient recouvertes d’une couche de matière organique d’environ 0,5 cm. Une forte odeur de fumier de volaille flottait dans l’air. De nombreuses moules mortes gisaient au fond de la rivière. Il était difficile d’établir s’il s’agissait d’un important rejet ponctuel ou d’un problème chronique. Les rejets de déchets agricoles de cette nature ont certainement une incidence sur l’écologie globale des plages de galets. Les signes de pollution observés en 2006 et 2007 à ce site semblaient cependant moins graves que ceux détectés en 2005.

Fragmentation de l’habitat et barrages

Le C. marginipennis présente une répartition fragmentée au Canada et n’y est représenté que par 2 petits centres de population isolés l’un de l’autre. Cette fragmentation, en partie due au caractère naturellement isolé des 2 habitats occupés par l’espèce, a vraisemblablement été aggravée par la perte d’habitat occasionnée par la construction du barrage de Mactaquac en 1967. Ces travaux ont entraîné la submersion de 23 habitats insulaires susceptibles d’avoir abrité des populations de la cicindèle. La construction d’autres barrages sur la rivière Saint–Jean est improbable, et cette menace ne semble donc pas imminente. Par ailleurs, certains des sites insulaires de la rivière Saint–Jean actuellement occupés par l’espèce sont également isolés les uns des autres, ce qui pourrait limiter le flux génétique entre les populations qui s’y trouvent.

On ignore dans quelle mesure le C. marginipennis peut se disperser sur de longues distances. Il y a cependant lieu de douter qu’un flux génétique puisse exister entre les populations du lac Grand et celles de la rivière Saint–Jean, car presque tous les milieux favorables à l’espèce entre ces populations ont été éliminés. La possibilité qu’un flux génétique puisse survenir entre les populations du Nouveau–Brunswick et les populations les plus rapprochées du Vermont et du New Hampshire (situées à plusieurs centaines de milles au sud–ouest) est considérée comme nulle. La perte des populations du Nouveau–Brunswick consacrerait la disparition permanente de l’espèce au Canada.

Collecte de spécimens

Les cicindèles constituent un groupe très prisé des collectionneurs de coléoptères. Bien que la vaste majorité des collectionneurs soient très respectueux des règles de conservation, une poignée de collectionneurs de cicindèles moins scrupuleux en Amérique du Nord récoltent régulièrement de longues séries de spécimens (Huber, comm. pers., 2006). La plupart des populations connues de l’espèce au Canada sont petites (moins de 200 individus). La récolte d’une longue série d’adultes pourrait avoir une incidence considérable sur la viabilité de ces populations en réduisant leur taille et leur variabilité génétique.

Circulation des véhicules récréatifs

Les véhicules récréatifs (VTT) peuvent modifier considérablement l’habitat occupé par le C. marginipennis en compactant le sol et en écrasant la végétation. Les sites occupés sur les îles de la rivière Saint–Jean ne sont pas accessibles aux amateurs de VTT, mais ceux du lac Grand le sont. Les larves du C. marginipennis vivent dans un tunnel, probablement parmi les galets. La circulation de VTT peut causer la mort de larves si leurs tunnels s’effondrent sous l’effet de la compaction du sol et la mort d’adultes si ces derniers ne parviennent pas à s’esquiver à temps (les adultes s’envolent souvent seulement lorsqu’ils sont approchés de très près). Les promeneurs et amateurs de randonnée pédestre peuvent également endommager les tunnels des larves. L’aménagement des rives du lac Grand s’intensifie rapidement. Bien qu’aucun projet d’aménagement ne soit autorisé sous le niveau des hautes eaux, la poursuite des projets d’expansion (construction de chalets) sur les propriétés bordant le lac Grand se traduira vraisemblablement par une augmentation de la fréquentation des plages par les amateurs de VTT et de randonnée pédestre, et cet habitat deviendra inhospitalier pour la cicindèle. Tous les sites connus au lac Grand sont petits et n’abritent dans le meilleur des cas que quelques centaines d’individus. Toute perturbation, même d’une ampleur modérée, pourrait entraîner la disparition d’une population.

Des signes de modification de l’habitat et de réduction des effectifs de l’espèce potentiellement causés par la circulation de VTT ont été observés à un des sites du lac Grand en 2007 (Webster, données inédites). Lors de relevés effectués au lac Grand en 2004 et en 2005 (Webster, 2006), 26 et 31 individus ont été observés à un site le long d’un transect de 100 m traversant la pointe contenant l’habitat le plus propice à l’espèce. Aucun signe d’utilisation de VTT n’a été observé à ce site au cours de ces 2 années. En 2007, ce site a été revisité le 24 juillet dans le cadre d’une étude de MLR visant à y estimer la taille de la population. Seulement 9 individus ont alors été observés au cours d’une recherche intensive menée à l’échelle du site. Des empreintes de pneus de VTT étaient visibles sur une bonne partie de la haute plage de galets constituant l’habitat de prédilection du C. marginipennis. Le site a été visité de nouveau le 7 août. Une recherche effectuée à l’échelle de toute la haute plage de galets a révélé la présence de seulement 3 individus. Durant cette visite, des empreintes de pneus de VTT, des ornières, des signes de compaction du sol (sable et galets) et des plantes endommagées ont été observés à l’échelle de presque toute la haute plage de galets. Même si aucun lien direct n’a pu être établi entre la circulation des VTT et la mort de larves et d’adultes, le fait que le déclin marqué des effectifs de l’espèce observé à ce site ait coïncidé avec les graves perturbations environnementales susmentionnées laisse fortement croire à l’existence d’un lien de cause à effet. En comparaison, les effectifs aux 2 autres sites du lac Grand étaient comparables à ce qu’ils étaient en 2004 et en 2005. Il semble donc que le déclin des effectifs ait été limité à ce site.

Importance de l’espèce

Les populations canadiennes sont séparées par plusieurs centaines de kilomètres des populations les plus rapprochées aux États–Unis, où l’espèce est également rare et répartie en populations isolées. Les populations canadiennes sont également les seules populations connues qui comportent des individus verts et bleu cobalt. Leur disparition pourrait entraîner une perte importante de diversité génétique chez cette espèce rare à l’échelle mondiale.

Les cicindèles sont aujourd’hui considérées comme un groupe important d’indicateurs environnementaux, et elles représentent le seul groupe de coléoptères auquel un guide d’excursion a été consacré en Amérique du Nord. Bien qu’aucune autre espèce rare n’ait été recensée dans l’habitat de haute plage de galets privilégié par cette espèce, un certain nombre d’espèces de plantes rares ont été observées dans les milieux adjacents, notamment dans les forêts et boisés inondés en saison bordant le cours inférieur de la rivière Saint–Jean. De nombreuses espèces de coléoptères, tels d’autres Carabidés (carabes) et des Staphylinidés (staphylins), vivent sur les bords de la rivière et dans les forêts et terres humides adjacentes inondées de façon saisonnière. Certaines de ces espèces sont probablement rares ou peut–être même encore inconnues de la science. Les facteurs susceptibles d’entraîner la disparition du C. marginipennis pourraient également causer l’élimination de populations d’autres espèces.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

La cicindèle des galets ne bénéficie actuellement d’aucune protection légale au Canada, ni à l’échelle nationale, ni à l’échelle provinciale. Aux États–Unis, sa désignation à titre d’espèce menacée est envisagée en vertu de la Endangered Species Act des États–Unis. À l’échelle mondiale, elle a été désignée en péril (imperiled, G2) par NatureServe. Elle est cotée N2 aux États–Unis et N1 au Canada et, dans les 13 États où elle se rencontre, S1, S2, SNR ou SX. Elle est menacée (threatened) au Vermont.

Résumé technique

Cicindela marginipennis

Cicindèle des galets
Cobblestone Tiger Beetle

Répartition au Canada : Nouveau-Brunswick

Données démographiques

Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population) Probablement deux ans
Pourcentage [observé, estimé, déduit ou présumé] [réduction ou augmentation] du nombre total d’individus matures au cours des dernières [10 ou 5 années ou 3 ou 2 générations] Inconnu
Pourcentage [projeté ou présumé] [réduction ou augmentation] du nombre total d’individus matures au cours des [5 ou 10 prochaines années ou 2 ou 3 générations] Inconnu
Pourcentage [observé, estimé, déduit ou présumé] [réduction ou augmentation] du nombre total d’individus matures au cours de toute période [5 ou 10 ans ou 2 ou 3 générations] couvrant une période antérieure et ultérieure Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont clairement réversibles? Sans objet
Est–ce que les causes du déclin sont clairement comprises? Sans objet
Est–ce que les causes du déclin ont effectivement cessé? Sans objet
Tendance [observée, déduite ou projetée] du nombre de populations Probablement stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Inconnu
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Inconnu


Information sur la répartition

Superficie estimée de la zone d’occurrence 2 036 km2
Tendance inférée dans la zone d’occurrence Déclin possible au lac Grand. Aucun déclin récent, mais déclin passé probable à cause de la construction d’un barrage en 1967
Y a–t–il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence? Non
Superficie de la zone d’occupation Grille de 2X2 km2 = 44 km2
Grille de 1X1 km2 = 12 km2
Tendance inférée dans la zone d’occupation Déclin probable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation? Inconnu
La population totale est–elle très fragmentée? Oui
Nombre d’emplacements actuels 9 emplacements répartis dans 2 centres de population (rivière Saint–Jean et lac Grand) au N.-B.
Tendance du nombre d’emplacements Probablement relativement stable depuis 1970
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements? Probablement relativement stable depuis 1970
Tendance de la superficie et de la qualité de l’habitat Déclin à un des sites du lac Grand. Déclin possible à cause de la construction d’un barrage sur la rivière Saint–Jean en 1967.


Nombre d’individus matures dans chaque population

Population (d’après les données de marquage-recapture) Nbre d’individus matures
Lac Grand 1 3 – 200
Lac Grand 2 191 – 1 466
Rivière Saint–Jean 1 83 – 191
Rivière Saint–Jean 2 461 – 2 075
Rivière Saint–Jean 3 2 078 – 4 157
Rivière Saint–Jean 4 176 – 1 250
Rivière Saint–Jean 5 396 – 1 516
Rivière Saint–Jean 6 – estimation subjective 100 – 400
Rivière Saint–Jean 7 – estimation subjective 100 – 400
Total 3 588 – 10 555
Nombre de populations (emplacements) 11


Analyse quantitative

Aucune disponible


Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)

Compaction du sol et modification de la communauté végétale par les véhicules récréatifs. Pollution de la rivière et dépôt de matière organique sur le littoral occasionnés par le rejet d’effluents agricoles. Fragmentation de l’habitat causée par l’aménagement du littoral. La récolte de spécimens par des collectionneurs de coléoptères pourrait avoir des effets néfastes, car la plupart des populations sont petites.


Immigration de source externe

L’espèce existe–t–elle ailleurs (au Canada ou à l’extérieur)? États–Unis : en péril
Une immigration a–t–elle été constatée ou est–elle possible? Non
Des individus immigrants seraient–ils adaptés pour survivre au Canada? Inconnu
Y–a–t’il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Oui
La possibilité d’une immigration de populations externes existe–elle? Peu probable


Statut existant

COSEPAC : En voie de disparition, novembre 2008


Statut et justification de la désignation

Statut :
En voie de disparition
Code alphanumérique :
B1ab(iii,v)+2ab(iii,v)
Justification de la désignation :
Cette espèce particulière de cicindèle est répartie de façon fragmentée dans une zone d’occurrence et d’occupation de très petite superficie et ne se trouve actuellement que dans deux petites régions du réseau hydrographique de la rivière Saint–Jean. Des données démontrent qu’il y a un déclin de l’habitat et de la population dans une région, et les pressions sur l’habitat causées par le développement et les activités récréatives semblent se poursuivre.


Applicabilité des critères

Critère A (Déclin du nombre total d’individus matures) :
Sans objet. Les données disponibles sur les populations et le déclin sont insuffisantes.
Critère B (Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) :
Correspond au critère de la catégorie « espèce en voie de disparition », B1ab (iii,v) + 2ab (iii,v), car la superficie de la zone d’occurrence connue (2 036 km2) est inférieure à 20 000 km2 et celle de la zone d’occupation (12 km2) est inférieure à 2 000 km2, et des déclins de l’habitat et d’une population ont été observés dans 1 des 2 petites régions d’occurrence.
Critère C (Petite population et nombre d’individus matures) :
Les données disponibles sur le déclin sont insuffisantes (le déclin ne peut être évalué à plus de 10 % sur 3 générations). Il est impossible de prévoir si le déclin va se poursuivre, les fluctuations ne sont pas documentées, et certaines populations comptent plus de 1 000 individus.
Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) :
Correspond au critère de la catégorie « espèce menacée », D2, car la superficie de la zone d’occupation (12 km2) est inférieure à 20 km2 et les habitats dans 1 des 2 régions d’occurrence sont vulnérables à court terme aux effets des activités humaines
Critère E (Analyse quantitative) :
Sans objet.

Remerciements

Le rédacteur du rapport remercie de son aide inestimable Dwayne Sabine, de la Direction du poisson et de la faune du ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick. M. Sabine a élaboré les cartes de répartition, fourni de précieux renseignements sur les sites et les habitats insulaires submergés par le barrage de Mactaquac et autorisé l’utilisation de ses photographies. Le rédacteur est également reconnaissant envers Pascal Giasson de l’avoir autorisé à utiliser sa photographie de l’habitat de la cicindèle des galets sur la rivière Saint–Jean. Il remercie également Ron Huber de lui avoir fourni des renseignements sur la cicindèle des galets aux États–Unis. L’élaboration de ce rapport n’aurait pas été possible sans l’aide que lui ont fournie sur le terrain Rob Capozi, Dwayne et Mary Sabine, Mark McGarrigle, Pascal Giasson, Scott Makepeace et Kevin Craig, du ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick. Le rédacteur du rapport remercie tout particulièrement de leurs commentaires judicieux les coprésidents du Sous–comité de spécialistes des arthropodes du COSEPAC, Paul Catling et Laurence Packer, ainsi qu’un certain nombre de réviseurs anonymes. Enfin, il remercie le Secrétariat du COSEPAC et le Service canadien de la faune de leur soutien financier à l’élaboration du présent rapport.

Ce rapport a été révisé par Paul Catling à la lumière des commentaires formulés par Maureen Toner, Patrick Nantel et Elsa Gagnon.

Sources d’information

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Stamatov, J. 1970. Collecting one–a–year tigers, Cicindela 2(2) : 11–12.

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Webster, R.P. 2008. Population estimates of the Cobblestone Tiger Beetle, Cicindela marginipennis in New Brunswick during 2007, A report to the New Brunswick Wildlife Trust, 7 pages.

Wickham, H. 1899. Habits of American Cicindelidae, Proceedings Davenport Academy of Natural Sciences 7 : 206–228.

Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Reginald P. Webster œuvre actuellement dans le secteur privé à titre d’expert–conseil. Détenteur d’un doctorat en entomologie de l’Université Michigan State, il est auteur ou coauteur de plus de 25 publications scientifiques, dont des articles récents sur le cycle vital du satyre fauve des Maritimes, espèce en voie de disparition, et des descriptions d’une nouvelle espèce de papillon nocturne et de coléoptère. Il a également rédigé de nombreux rapports sur la biologie, l’écologie et la structure des populations du satyre fauve des Maritimes. Il a enseigné la biologie des populations et l’éthologie à l’Université du Nouveau–Brunswick. Depuis 1999, M. Webster a réalisé des inventaires d’espèces de papillons diurnes rares et en voie de disparition à la demande du Department of Inland Fisheries & Wildlife du Maine, ainsi que des inventaires de papillons diurnes et nocturnes et de coléoptères au Nouveau–Brunswick. Il est un ancien membre du Sous–comité de spécialistes des arthropodes du COSEPAC.

Collections consultées

Collection nationale canadienne d’insectes, Ottawa (Ont.), novembre 2007. Tous les spécimens canadiens connus ont été capturés par Dwayne Sabine et Reginald Webster, et la plupart d’entre d’eux ont été déposés dans la Collection nationale canadienne d’insectes, à Ottawa (Ont.), et dans la collection du Musée du Nouveau–Brunswick, à Saint–Jean (N.-B.).

Experts contactés

Bousquet, Yves. Agriculture et agroalimentaire Canada, Centre de recherches de l’Est sur les céréales et oléagineux, édifice K.W. Neatby, 960 avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1A 0C6

Giasson, Pascal, Programme des espèces en péril, Direction de la pêche sportive et de la chasse, ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, C. P. 6 000, Fredericton (Nouveau–Brunswick) E3B 5H1

Huber, Ronald L. Décembre 2006, éditeur, Cicindela, 2521 Jones Place West, Bloomington, Minnesota 55431, ÉTATS–UNIS

Sabine, Dwayne. Mai 2007, biologiste de la faune, Programme de gestion des gros gibiers et des animaux à fourrure, Direction de la pêche sportive et de la chasse, ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, C.P. 6 000, Fredericton (Nouveau–Brunswick) E3B 5H1

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