Programme de rétablissement de la baleine à bec commune (Hyperoodon ampullatus), population du plateau néo-écossais, dans les eaux canadiennes de l’Atlantique [proposition] 2009

La série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril (LEP)

Qu’est-ce que la Loi sur les espèces en péril (LEP)?

La LEP est une loi fédérale qui contribue à l’effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. La LEP, entrée en vigueur en 2003, vise notamment à « permettre le rétablissement des espèces qui, par suite de l’activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées ».

Qu’est-ce que le rétablissement?

Dans le contexte de la conservation des espèces en péril, le rétablissement est le processus par lequel le déclin d’une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays est freiné ou renversé, et grâce auquel les menaces qui pèsent sur cette espèce sont supprimées ou réduites, ce qui améliore ses chances de persister dans la nature. Une espèce sera considérée comme rétablie lorsque son maintien à long terme dans la nature aura été assuré

Qu’est-ce qu’un programme de rétablissement?

Un programme de rétablissement est un document de planification énonçant ce qui doit être fait pour arrêter ou inverser le déclin d’une espèce. Il définit les buts et objectifs du rétablissement et précise les grands types de mesures à prendre. La planification détaillée se fait à l’étape du plan d’action.

Dans le cadre de l’Accord pour la protection des espèces en péril, les provinces et territoires du Canada ainsi que les trois organismes fédéraux qui doivent appliquer la LEP (Environnement Canada, Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada) se sont engagés à élaborer des programmes de rétablissement. Les articles 37 à 46 de la LEP (www.sararegistry.gc.ca/approach/act/default_f.cfm) énumèrent les éléments que doivent contenir les programmes de rétablissement publiés dans la présente série et définissent le processus d’élaboration de ces programmes.

Le programme de rétablissement doit être élaboré dans un délai de un ou deux ans après l’inscription de l’espèce à la liste des espèces sauvages en péril, selon le statut qui lui est attribué et la date de l’évaluation. Un délai de trois ou quatre ans est autorisé pour les espèces inscrites au moment de l’entrée en vigueur de la LEP.

Et ensuite?

Dans la plupart des cas, on procédera à l’élaboration d’un ou plusieurs plans d’action visant à préciser et orienter la mise en œuvre du programme de rétablissement. Cependant, les orientations fixées dans le programme de rétablissement sont suffisantes pour qu’on puisse commencer à obtenir la participation des collectivités, des conservationnistes ainsi que des utilisateurs des terres et des eaux aux activités de rétablissement. En outre, l’absence de certitude scientifique absolue ne saurait justifier le report de mesures efficientes visant à prévenir la disparition ou le déclin de l’espèce.

La série

La présente série réunit les programmes de rétablissement élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral conformément à la LEP. La série s’accroîtra à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites sur la Liste des espèces en péril et que les programmes seront mis à jour.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage à propos de la LEP et des initiatives de conservation, consultez le Registre public des espèces en péril (www.sararegistry.gc.ca/approach/act/default_f.cfm) et le site Web du Secrétariat du rétablissement (http://www.speciesatrisk.gc.ca/recovery/default_f.cfm).

Citation recommandée

Ministère des Pêches et des Océans. 2009. Programme de rétablissement de la baleine à bec commune (Hyperoodon ampullatus), population du plateau néo-écossais, dans les eaux canadiennes de l’Atlantique [Proposition]. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada. vi + 65 p.

Exemplaires supplémentaires

Vous pouvez télécharger des exemplaires de la présente publication à partir du Registre public de la Loi sur les espèces en périlhttp://www.registrelep.gc.ca/.

Illustration de la couverture : Pêches et Océans Canada, Région des Maritimes

Also available in English under the title :
“Recovery Strategy for the Northern Bottlenose Whale, Scotian Shelf population, in Atlantic Canadian Waters [Proposed]”

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, 2009. Tous droits réservés.
ISBN : 978-1-100-92181-5
No de cat. : En3-4/66-2009F-PDF

Le contenu du présent document (à l’exception de l’illustration de la couverture) peut être utilisé sans permission, pourvu que sa source soit dûment mentionnée.

La baleine à bec commune est un mammifère marin qui relève de la compétence du gouvernement fédéral. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP, article 37), le ministre compétent est tenu d’élaborer un programme de rétablissement pour toute espèce inscrite comme disparue du pays, en voie de disparition ou menacée. La baleine à bec commune (population du plateau néo-écossais) a été inscrite à la liste des espèces en voie de disparition de la LEP en avril 2006. Pêches et Océans Canada – Région des Maritimes a dirigé la préparation du présent programme de rétablissement en collaboration et en consultation avec un grand nombre de personnes, d’organismes et de services gouvernementaux, comme il est indiqué à l’Annexe C. Le programme satisfait aux exigences de la LEP sur le plan du contenu et du processus (articles 39 à 41).

Le succès du rétablissement de cette espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties qui participeront à la mise en œuvre des orientations formulées dans le présent programme de rétablissement et ne pourra reposer sur Pêches et Océans Canada ou sur une autre instance seulement. Le programme renferme des avis à l’intention des entités et des organismes susceptibles ou désireux de participer à des activités visant la conservation de l’espèce. Dans l’esprit de l’Accord national pour la protection des espèces en péril, le ministre des Pêches et des Océans invite les entités responsables ainsi que tous les Canadiens à se joindre à Pêches et Océans Canada pour appuyer le présent programme et le mettre en œuvre au profit de la baleine à bec commune et de l’ensemble de la société canadienne. Pêches et Océans Canada s’appliquera à soutenir, dans la mesure du possible, l’exécution du présent programme avec les ressources disponibles et compte tenu de sa responsabilité générale à l’égard de la conservation des espèces en péril.

Les buts, objectifs et approches de rétablissement présentés dans ce programme sont fondés sur les meilleures connaissances actuelles et peuvent changer à la lumière de nouvelles observations. Le ministre des Pêches et des Océans rendra compte des progrès réalisés d’ici cinq ans.

Un ou plusieurs plans d’action détaillant les mesures de rétablissement particulières à prendre pour appuyer la conservation de la baleine à bec commune viendront s’ajouter au présent programme. Le ministre mettra en œuvre des moyens pour s’assurer, dans la mesure du possible, que les Canadiennes et les Canadiens intéressés ou directement touchés par ces mesures seront consultés. Étant donné qu’il est possible que la population de baleines à bec communes reste toujours relativement petite, ce programme de rétablissement est motivé par la volonté de réduire les menaces qui pèsent sur la population du plateau néo-écossais afin de permettre le maintien de cette population et d’empêcher qu’elle décline davantage.

C’est à Pêches et Océans Canada qu’incombe la responsabilité de la baleine à bec commune. Celle-ci est présente dans les eaux de l’Atlantique et notamment au large des côtes des provinces ou territoires suivants :

Ce document a été rédigé par Pêches et Océans Canada, en coopération avec d’autres ministères fédéraux et les autorités responsables susmentionnées. Tel qu’indiqué à l’annexe C, de très divers intervenants et parties concernées y ont contribué, lors de deux ateliers.

Le MPO a tenu deux ateliers sur le rétablissement de la baleine à bec commune pour obtenir l’avis de gens de divers secteurs sur le programme de rétablissement. Il remercie tous ceux qui ont participé à ces ateliers (voir l’annexe C) d’avoir bien voulu lui faire part des renseignements qu’ils possédaient, de leur expertise et de leurs points de vue au sujet de l’élaboration de ce programme.

Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une évaluation environnementale stratégique (EES) est réalisée lors de l’élaboration de tous les documents de rétablissement établis aux termes de la LEP. L’EES a pour but d’intégrer les facteurs environnementaux à l’élaboration des politiques, plans et programmes proposés afin de faire en sorte que les décisions prises ne nuisent pas à l’environnement. Le processus de planification du rétablissement vise à bénéficier aux espèces en péril et à la biodiversité en général. Toutefois, il est admis qu’au-delà des avantages qu’ils devraient apporter, les programmes peuvent avoir des effets imprévus sur l’environnement. Le processus de planification du rétablissement fondé sur des lignes directrices nationales tient pleinement compte de tous les effets environnementaux, particulièrement de ceux qui pourraient toucher des espèces ou des habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement intégrés au programme lui-même, mais également résumés ci-dessous. Ce programme de rétablissement sera sans aucun doute bénéfique pour l’environnement puisqu’il favorisera le rétablissement de la baleine à bec commune. La possibilité que le programme ait par inadvertance des effets néfastes sur d’autres espèces a été envisagée, mais étant donné que, selon les objectifs de rétablissement, il est recommandé d’effectuer d’autres recherches sur l’espèce et de mettre en œuvre des projets d’éducation et de sensibilisation, l’EES a conclu que le présent programme aura des avantages évidents pour l’environnement, sans avoir d’effets néfastes importants.

La LEP définit comme suit la résidence : « Gîte -- terrier, nid ou autre aire ou lieu semblable -- occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant tout ou partie de leur vie, notamment pendant la reproduction, l’élevage, les haltes migratoires, l’hivernage, l’alimentation ou l’hibernation ». [LEP, paragr. 2(1)].

La description de la résidence d’une espèce donnée ou la raison pour laquelle la notion de résidence ne s’applique pas à cette espèce est indiquée dans le registre public de la LEP (http://www.sararegistry.gc.ca/sar/recovery/residence_f.cfm).

La baleine à bec commune (Hyperoodon ampullatus) est confinée à l’Atlantique Nord, où on la trouve principalement dans les eaux du large ayant plus de 500 mètres de profondeur. D’après les données issues de la chasse de la baleine, il y avait autrefois plusieurs zones d’abondance de l’espèce : l’ouest du Spitzberg, les alentours de l’Islande, les eaux situées au large des côtes nord et ouest de la Norvège, les eaux canadiennes du détroit de Davis et le bord de la partie est du plateau néo-écossais, celui-ci représentant pour l’espèce la zone d’abondance située le plus au sud. Les baleines à bec communes qui vivent dans l’est du plateau néo-écossais et dans le détroit de Davis sont considérées comme formant des populations distinctes, qui ont été évaluées séparément par le COSEPAC à partir de 1996. Seule la population du plateau néo-écossais, qui compte moins de 200 individus, est considérée actuellement comme étant en péril par le COSEPAC, qui l’a désignée en voie de disparition en novembre 2002.

La population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais peut régulièrement être observée au sein de trois canyons sous-marins, soit le Gully, le canyon Shortland et le canyon Haldimand ou dans les eaux qui les séparent. Les baleines à bec communes semblent résider à longueur d’année dans l’est du plateau néo-écossais, puisqu’on y a vu des individus au cours des quatre saisons. Le Gully est généralement considéré comme étant l’habitat principal de cette population de baleines et il a été désigné zone de protection marine (ZPM) en vertu de la Loi sur les océans en 2004. La population du plateau néo-écossais a été inscrite comme étant en voie de disparition sur la liste de l’annexe I de la Loi sur les espèces en péril en avril 2006, ce qui lui a conféré une protection juridique immédiate, assortie de l’obligation d’œuvrer à son rétablissement.

Il n’y a pas actuellement d’estimation de l’abondance de l’ensemble de la population de baleines à bec communes de l’Atlantique Nord. Les estimations de la population totale de ces baleines dans l’Atlantique Nord avant le début de la chasse variaient entre 28 000, 40 000 à 50 000 et 90 000. Plus de 80 000 baleines ont été capturées pendant toute la période durant laquelle elles ont été chassées. La population du plateau néo-écossais ne représente qu’une proportion extrêmement faible de l’abondance et de l’aire de répartition de l’espèce; il s’agit d’une population très petite et isolée, dont les déplacements se limitent aux eaux locales.

En se fondant sur des données d’observations et des catalogues de photos, des scientifiques de l’Université Dalhousie ont estimé en 2004 que l’effectif de la population de baleines à bec communes du Gully (désormais appelée population du plateau néo-écossais) est de 163 individus (IC de 95 % : 119–214); cela diffère de l’estimation de 2000, qui chiffrait l’effectif à 130 individus (IC de 95 % : ~107–163). Le résultat de 2004 était fondé sur une méthode d’estimation plus raffinée, reflétant mieux l’ensemble de la population du plateau néo-écossais, mais on ne pense pas qu’il dénote une augmentation de la population par rapport à l’estimation de 2000. Il faut préciser que le nouveau modèle intègre l’hétérogénéité dans les déplacements, ce dont ne tenaient pas compte les estimations antérieures.

Le présent programme de rétablissement identifie l’ensemble de la zone 1 de la ZPM du Gully ainsi que les eaux de plus de 500 mètres de profondeur se trouvant dans les canyons Haldimand et Shortland comme habitat essentiel de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais. Ces canyons constituent un habitat essentiel pour les raisons suivantes : 1) ils offrent des possibilités exceptionnelles en matière de nourriture, 2) ils sont propices à d’autres processus essentiels du cycle vital comme la socialisation, l’accouplement et la mise bas et 3) ils sont utilisés de façon constante par une proportion importante de la population. Le présent programme contient un calendrier des études programmées décrivant les futurs travaux de recherche et les surveillances acoustique et visuelle qui sont en cours dans les eaux situées entre le Gully et les canyons Shortland et Haldimand ainsi qu’à l’ouest du Gully. Ces travaux permettront de mieux comprendre l’importance de l’habitat essentiel connu et de cerner toute autre zone devant être considérée comme faisant partie de l’habitat essentiel de cette population de baleines.

Étant donné qu’il est possible que la population de baleines à bec communes reste toujours relativement petite en raison de facteurs limitatifs naturels, ce programme de rétablissement est motivé par la volonté de réduire les menaces qui pèsent sur la population du plateau néo-écossais afin de permettre le maintien de cette population et d’empêcher qu’elle décline davantage.

Le but général du programme de rétablissement de la baleine à bec commune consiste donc à :

Faire en sorte que la population reste stable ou augmente et maintenir, à tout le moins, sa répartition actuelle.

Pour atteindre ce but, on s’est fixé quatre objectifs principaux :

Un ensemble de stratégies est proposé pour atteindre chacun des objectifs. Leur mise en œuvre nécessitera une étroite collaboration entre les gouvernements, des experts scientifiques indépendants ainsi que les intervenants et autres parties prenantes, et elle dépendra des ressources disponibles, entre autres facteurs.

Les connaissances au sujet de la baleine à bec commune dans les eaux canadiennes comportent diverses lacunes, notamment en ce qui concerne la biologie de cette baleine, son écologie, son importance sociale et les menaces qui peuvent peser sur elle. Une série d’initiatives sont proposées pour combler ces lacunes.

Une fois le programme de rétablissement approuvé conformément à la Loi sur les espèces en péril et versé dans le registre public, un plan d’action pour le rétablissement de la baleine à bec commune sera élaboré dans les deux ans. Dans l’intervalle, il peut être donné suite immédiatement à un bon nombre des stratégies présentées ici, ce qui fera du rétablissement une activité continue à laquelle il est possible d’œuvrer sans disposer d’un plan d’action officiel.

La baleine à bec commune (Hyperoodon ampullatus) est une baleine de 6 à 9 mètres qui appartient à la famille des ziphiidés. Elle est confinée à l’Atlantique Nord, où on la trouve principalement dans les eaux du large ayant plus de 500 mètres de profondeur. On connaît plusieurs zones d’abondance de cette espèce, dont deux au large du Canada, soit le bord de la partie est du plateau néo-écossais et le détroit de Davis. Les populations de baleines qui occupent chacune de ces deux zones sont considérées comme distinctes l’une de l’autre et elles ont été évaluées séparément par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) à partir de 1996 (COSEPAC, 2003). Seule la population du plateau néo-écossais, qui compte moins de 200 individus, est actuellement considérée par le COSEPAC comme étant en péril. Dans sa plus récente évaluation en novembre 2002, ce dernier l’a désignée en voie de disparition. La population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais peut régulièrement être observée au sein de trois canyons sous-marins, soit le Gully et les canyons Shortland et Haldimand, ou dans les eaux qui les séparent. Le premier de ces canyons, le Gully, est généralement considéré comme étant l’habitat principal de cette population de baleines et il a été désigné zone de protection marine (ZPM) en vertu de la Loi sur les océans en 2004. L’appel d’offres du COSEPAC lancé en 2008 prévoit des réévaluations des populations de baleines à bec communes du plateau néo-écossais et du détroit de Davis.

La baleine à bec commune de la population du plateau néo-écossais a été inscrite comme étant en voie de disparition sur la liste de l’annexe I, partie 2, de la Loi sur les espèces en péril (LEP) en avril 2006, ce qui lui a conféré une protection juridique immédiate, assortie de l’obligation d’œuvrer à son rétablissement. Le ministre des Pêches et des Océans Canada, en tant que ministre ayant compétence sur les espèces aquatiques en vertu de la LEP, est responsable de l’élaboration d’un programme de rétablissement de cette espèce et d’un ou de plusieurs plans d’action connexes.

En regroupant la meilleure information disponible sur la biologie et la situation de la population visée et en établissant des objectifs et des stratégies pour son rétablissement, le présent programme a pour but de servir de cadre au rétablissement de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais. Il sera suivi d’un ou de plusieurs plans d’action (produits séparément), ainsi que l’exige la LEP. Les plans d’action énumèrent les mesures proposées pour mettre en œuvre le programme de rétablissement. L’application du programme et de ses plans d’action subséquents nécessitera une collaboration entre les gouvernements, les experts scientifiques et les intervenants concernés. Le présent programme de rétablissement prend appui sur les efforts importants déployés par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) et d’autres parties pour créer la ZPM du Gully et œuvrer ainsi à la conservation de la baleine à bec commune. Le plan de gestion de la ZPM et le programme de rétablissement seront utilisés de concert pour protéger cette espèce.

La baleine à bec commune a été évaluée par le COSEPAC en 1993 et a alors été considérée comme n’étant pas en péril. En avril 1996, la population canadienne a été subdivisée en deux populations, celle du plateau néo-écossais et celle du détroit de Davis. La population du plateau néo-écossais a été jugée « préoccupante » en avril 1996. Tel qu’indiqué dans l’encadré suivant, sa situation a été réexaminée par le COSEPAC en 2002, et cette population a alors été désignée comme étant « en voie de disparition ». La dernière évaluation du COSEPAC était fondée sur le rapport de situation déjà établi, enrichi d’un addenda. Depuis l’évaluation de 2002, l’Université Dalhousie (Whitehead et Wimmer 2004) a procédé à une nouvelle estimation de la population, chiffrant son effectif à 163 individus. L’appel d’offres lancé par le COSEPAC en 2008 prévoit des réévaluations des populations de baleines à bec communes du plateau néo-écossais et du détroit de Davis.

Sommaire de l’évaluation du COSEPAC

Nom commun : Baleine à bec commune (population du plateau néo-écossais)

Nom scientifique : Hyperoodon ampullatus

Derniers examen et changement : 2002

Situation : En voie de disparition

Répartition au Canada : Océan Atlantique

Justification de la désignation : Cette population compte environ 1301 individus et semble stable à l’heure actuelle. Les exploitations pétrolières et gazières à l’intérieur et autour de l’habitat principal de cette population représentent les plus grandes menaces et réduiront probablement la qualité de l’habitat. Cependant, il existe peu de renseignements sur la façon dont l’espèce est touchée ou non par les activités de l’exploitation pétrolière et gazière.

Historique de la désignation : La baleine à bec commune a été considérée comme n’étant pas en péril en avril 1993. En 1996, sa population a été subdivisée en deux, afin qu’on puisse attribuer une désignation distincte à la baleine à bec commune de la population du plateau néo-écossais. Celle-ci a été désignée « préoccupante » en avril 1996. Sa désignation a été réexaminée et surclassée à « en voie de disparition » en novembre 2002. La dernière évaluation était fondée sur le rapport de situation déjà établi, enrichi d’un addenda.

La International Whaling Commission a désigné le stock de baleines à bec communes comme stock protégé en 1977 et fixé à zéro le quota de prises dans ce stock (IWC 1978). En 1976, l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (appelée maintenant Union internationale pour la conservation de la nature ou UICN) a officiellement classé la baleine à bec commune parmi les espèces « vulnérables » (Mitchell 1976). Elle l’a maintenue dans cette catégorie jusqu’en 1996, année où l’espèce a fait l’objet d’une réévaluation et a été classée dans la sous-catégorie « dépendant de la conservation » parmi les espèces suscitant une « préoccupation mineure ». L’UICN a depuis reclassé la baleine commune dans la catégorie « données insuffisantes » (décision rendue publique le 12 août 2008). Cette décision s’applique à l’espèce dans son ensemble. Aucune de ses sous-populations ne fait actuellement l’objet d’une désignation quelconque par l’UICN.

La baleine à bec commune est confinée à l’Atlantique Nord (figure 1). D’après les données issues de la chasse de la baleine, il y avait autrefois plusieurs zones d’abondance de l’espèce : l’ouest du Spitzberg, les alentours de l’Islande, les eaux situées au large des côtes nord et ouest de la Norvège, le détroit de Davis et le bord de la partie est du plateau néo-écossais (Benjaminsen 1972, Benjaminsen et Christensen 1979, Reeves et coll. 1993, Wimmer et Whitehead 2004). L’identité du stock n’est pas bien connue en général.

L’est du plateau néo-écossais est la plus méridionale des zones d’abondance de la baleine à bec commune (Wimmer et Whitehead 2004), bien que des baleines se soient échouées ou aient été observées plus au sud (Mitchell et Kozicki 1975). Parmi les cas signalés de baleines à bec échouées dans l’Atlantique Nord-Ouest, il s’en est produit à Newport (Rhode Island), en deux endroits du Massachusetts, en plusieurs endroits du golfe du Saint-Laurent (quatre ou cinq cas) – y compris dans le fleuve Saint-Laurent à 50 km à l’est de Québec (Fontaine 1995) – dans le bras Dildo (Terre-Neuve), à l’île de Sable, dans la baie Cobequid (baie de Fundy) et à Sydney (Cap-Breton) (Sergeant et Fisher 1957, Mitchell et Kozicki 1975, Hooker 1999; voir la figure 1 dans Wimmer et Whitehead 2004).

La baleine à bec commune se trouve habituellement dans les eaux très profondes, situées en général au grand large (Mead 1989). Dans l’Atlantique Nord-Ouest, elle est surtout présente près de l’isobathe de 1 000 m et, en général, elle ne fréquente pas les mers partiellement fermées, comme la baie d’Hudson ou le golfe du Saint-Laurent (Reeves et coll. 1993). Outre l’île de Sable où un cas de baleine à bec commune échouée a été signalé, les lieux d’échouage de l’animal connus dans l’Atlantique Nord-Ouest ne sont pas des lieux qu’il fréquente régulièrement. Beaucoup d’entre eux sont du même type que les lieux d’échouage de l’animal dans l’Atlantique Nord-Est, soit des baies, des fjords, des mers largement fermées et des estuaires, autant d’endroits où on voit rarement ces baleines en dehors des cas où elles viennent s’y échouer (Kastelein et Gerrits 1991, Lick et Piatkowski 1998). Selon Mitchell et Kozicki (1975), il se peut que les baleines pénètrent accidentellement dans ces lieux relativement fermés et deviennent désorientées.

Figure 1. Aire de répartition mondiale de la baleine à bec commune. Source : Reeves et Mitchell, 1993.

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, des baleines à bec communes n’ont été vues régulièrement qu’en deux endroits : le long du bord de la partie est du plateau néo-écossais et dans le détroit de Davis (Wimmer et Whitehead 2004, Reeves et coll. 1993). La population du plateau néo-écossais est considérée comme étant distincte sur le plan génétique de celle du détroit de Davis, tel qu’indiqué à la section 1.4.5. On ne connaît pas l’étendue totale de l’aire de répartition de la population du plateau néo-écossais (MPO 2007a). Les baleines vivent en agrégation et elles ont été observées surtout dans le Gully et les canyons Shortland et Haldimand ou à proximité de ces endroits. On en a signalé moins fréquemment sur l’accore du plateau néo-écossais et des individus ont été vus à l’occasion sur le plateau lui-même, mais la confiance et la qualité attribuées à ces données de signalement sont faibles dans certains cas (voir la figure 2). Selon certaines indications, des baleines à bec communes sont aussi présentes, du moins occasionnellement, sur le bord des Grands Bancs et près du Bonnet Flamand (Mitchell 1974, Lens 1997), mais on ne sait pas si ces individus appartiennent à la population du plateau néo-écossais ou à celle du détroit de Davis (MPO 2007a). Tel qu’indiqué précédemment, on a observé à l’occasion des baleines à bec communes au large de la côte nord-est des États-Unis; il est probable qu’elles faisaient partie de la population du plateau néo-écossais.

Il a été estimé qu’une proportion allant du tiers à la moitié de la population du plateau néo-écossais se trouve dans le Gully à tout moment (Gowans et coll. 2000b). Au cours de relevés récents, on a trouvé une proportion plus petite mais néanmoins importante de la population dans les canyons Shortland et Haldimand, à environ 50 et 100 km au nord-est du Gully, respectivement (Wimmer et Whitehead 2004). C’est pourquoi dans le tout dernier rapport de situation du COSEPAC il est question de la population du « plateau néo-écossais » plutôt que du « Gully ». Les habitats des canyons semblent très attirants pour cette espèce, et il n’est donc pas déraisonnable de penser que des baleines pourraient fréquenter aussi les plus petits canyons Verrill, Dawson et Logan, au sud-ouest du Gully. Mais jusqu’ici les cas d’observation de baleines à bec communes dans ces régions ont été rares (MPO 2007a).

Au sein du Gully, les baleines sont concentrées dans des zones principales d’environ 200 km2 de superficie (Hooker et coll. 2002a) et dont les profondeurs s’échelonnent entre 500 et 1 500 m (Hooker et coll. 2002b), la profondeur moyenne à laquelle on les rencontre étant de 1 200 m. Selon Wimmer et Whitehead (2004), des baleines à bec communes ont régulièrement été vues à des profondeurs d’eau moyennes de 1 052 m et 1 126 m dans les canyons Shortland et Haldimand, respectivement.

On ne sait pas quelle était autrefois l’étendue de la zone de répartition de la baleine à bec commune sur le plateau néo-écossais, mais rien dans l’information provenant de la chasse ou dans les données d’observation n’indique qu’elle aurait diminué (MPO 2007a).

Figure 2. Cas d’observation de baleines à bec communes le long du plateau néo-écossais. L’encart reflète les baleines observées à l’entrée du Gully (d’après des données d’observation incomplètes; les signalements de baleines à bec communes dans les eaux peu profondes sur le plateau néo-écossais sont probablement faux).

Les baleines à bec communes sont inscrites comme étant en voie de disparition sur la liste de l’annexe 1, partie 2, de la LEP; par conséquent, les mesures de protection prévues à l’article 32 de la LEP s’appliquent à cette espèce (interdiction de tuer un individu de l’espèce, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre, et interdiction de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu de l’espèce). La LEP protège aussi l’habitat essentiel des espèces menacées ou en voie de disparition. L’habitat essentiel est défini à l’article 2 de la Loi comme étant l’« habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce » (Voir la section 1.9 ci-après).

Outre la LEP, d’autres lois fédérales peuvent être invoquées pour protéger les baleines à bec communes et leur habitat au Canada. C’est le cas de la Loi sur les pêches (Règlement sur les mammifères marins, règlements régissant la pêcheet dispositions sur la protection de l’habitat) ainsi que de la Loi sur les océans, deux lois exécutées par le ministre des Pêches et des Océans Canada. Le Règlement sur les mammifères marins interdit les perturbations et l’abattage délibéré de toutes les baleines. Ce règlement pourrait être actualisé à l’avenir dans le but de mieux protéger toutes les baleines contre les activités humaines; on y ajouterait des dispositions sur des activités comme les excursions d’observation des mammifères marins. Cette protection supplémentaire profiterait à la baleine à bec commune si ce genre d’activité venait à être problématique pour cette baleine. Par ailleurs, les dispositions de la Loi sur les pêches relatives à la protection de l’habitat interdisent les travaux ou les ouvrages qui pourraient entraîner la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson, y compris l’habitat des mammifères marins, sauf dans les cas où ils sont autorisés par le ministre. D’autres dispositions de la Loi sur les pêches pourraient permettre de limiter ou d’interdire les activités de pêche, si nécessaire. Quant à la Loi sur les océans, elle confère au MPO le pouvoir de créer des zones de protection marine (ZPM) pour protéger les espèces menacées ou en voie de disparition. En mai 2004, la création de la ZPM du Gully est venue apporter une protection juridique supplémentaire à un habitat clé de la baleine à bec commune (voir la section 2.5).

Les processus d’évaluation environnementale contribuent aussi à la protection des espèces en péril. Dans les cas où une évaluation environnementale doit être effectuée en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE), la LEP exige de cerner les effets néfastes que le projet envisagé risque d’avoir sur toutes les espèces figurant sur la liste des espèces en péril et sur leur habitat essentiel. Si au terme du processus d’évaluation environnementale en vertu de la LCEE le projet considéré est entrepris, ses effets néfastes sur une espèce en péril ou sur son habitat essentiel doivent, selon la LEP (article 79), être atténués et faire l’objet d’une surveillance, cela de manière conforme à tout programme de rétablissement et à tout plan d’action applicables.

Ordre : Cétacés
Sous-ordre : Odontocètes
Famille : Ziphiidés
Genre : Hyperoodon
Espèce : Hyperoodon ampullatus

Noms communs de l’espèce
Anglais : northern bottlenose whale
Français : baleine à bec commune

Il y a deux espèces de baleines à bec connues dans le genre Hyperoodon. La baleine à bec commune, H. ampullatus, est confinée à l’Atlantique Nord, tandis que sa congénère, l’hyperoodon antarctique, H. planifrons, est présente dans l’ensemble de l’océan Austral. Les principales différences entre les deux espèces résident dans leur isolement géographique et dans la forme de leurs crêtes maxillaires, celles-ci étant en général plus plates chez H. planifrons que chez H. ampullatus (Fraser 1945, Mead 1989). Bien que les deux espèces soient apparentées, elles sont distinctes sur le plan génétique (Dalebout et coll. 2004).

La description suivante est tirée en bonne part de Christensen (1973), de Mead (1989) et de Gowans (2002). La baleine à bec commune mesure de 6 à 9 m de longueur. La couleur de son corps va du brun foncé au jaune, les flancs et l’abdomen étant plus clairs. Elle se caractérise par un grand front bulbeux (melon) et une bouche (bec) proéminente. Les mâles adultes acquièrent un front plat et carré, qui devient plus proéminent avec l’âge. Les femelles et les individus immatures ont un front plus lisse et arrondi. Les femelles sont légèrement plus petites que les mâles. Les baleines à bec communes présentes dans le Gully sont, en moyenne, plus petites (d’environ 0,7 m) que celles qui étaient autrefois capturées par les chasseurs de baleine au large du Labrador (Whitehead et coll. 1997b).

Comme les autres baleines à bec, la baleine à bec commune a peu de dents fonctionnelles. Les femelles et les individus immatures ne présentent pas de dents à éruption complète et les mâles adultes n’en ont habituellement que deux, sur la mâchoire inférieure (Mead 1989).

On ne connaît l’âge exact d’aucun des individus de la population du plateau néo-écossais. Toutefois, d’après les profils des melons et l’échantillonnage génétique, on a classé ces baleines dans trois catégories générales d’âge et de sexe : mâles immatures/femelles, mâles préreproducteurs et mâles adultes (Gowans et coll. 2000). En se fondant sur un marquage fiable de certains individus, Wimmer et Whitehead (2004) ont constaté des similitudes dans les proportions des trois catégories d’âge et de sexe chez les populations évoluant dans le Gully, le canyon Haldimand et le canyon Shortland. Des mâles, des femelles et des baleineaux ont été observés dans ces trois canyons, et aussi bien des mâles que des femelles ont été capturés dans le Gully pendant la période de chasse (Wimmer, observ. pers.; Reeves et coll. 1993). Toutefois, l’analyse de Whitehead et Wimmer (2005) révèle qu’il n’y a pas de mélange total des baleines entre les trois canyons. Autrement dit, ce ne sont pas toutes les baleines qui fréquentent les mêmes endroits. Des individus ont des préférences pour un canyon ou un autre, bien qu’on ait vu certains de ceux qui ont été identifiés, généralement des mâles, se déplacer d’un canyon à un autre pour de courtes périodes. Cela révèle une variabilité dans l’utilisation de l’habitat par les baleines de cette population, notamment dans l’utilisation de l’habitat essentiel.

Figure 3. Schéma et principales caractéristiques physiques d’une baleine à bec commune adulte. Source : Parcs Canada – Dorothea Kappler.

Il ressort de travaux de recherche réalisés par l’Université Dalhousie que les baleines du plateau néo-écossais représentent une population distincte de celle qu’on trouve dans le détroit de Davis, par leurs caractéristiques tant physiques que génétiques (Whitehead et coll. 1997b, Dalebout et coll. 2006). On trouve un petit effectif occasionnel de baleines à bec communes sur le Bonnet Flamand et dans le sud des Grands Bancs au large de Terre-Neuve, mais on ne sait pas à quelle population appartiennent ces baleines.

Selon Dalebout et coll. (2006), l’analyse génétique révèle que la population du plateau néo-écossais est distincte des autres groupes de baleines à bec du détroit de Davis et de l’Islande. Les études réalisées par ces auteurs indiquent que des migrations à grande échelle entre ces populations sont peu probables (il y a vraisemblablement moins de deux individus par génération qui migrent entre ces régions). Ces résultats réfutent les hypothèses des chasseurs de baleine qui prétendaient que les populations étaient liées par des migrations saisonnières.

Chez les cétacés, les petites populations isolées sur le plan génétique ne sont pas rares (Dalebout et coll. 2006); toutefois, il s’agit en général de populations qui vivent dans des eaux géographiquement coupées dans une certaine mesure de la haute mer. Le fait que la population du plateau néo-écossais ne rencontre pas d’obstacle apparent à ses déplacements et qu’elle reste pourtant centrée sur les canyons sous-marins et leurs alentours porte à croire à une forte dépendance sur cet habitat particulier.

La diversité génétique était similaire, quoique faible, chez les populations du plateau néo-écossais, du détroit de Davis et de l’Islande; rien toutefois ne dénote l’existence antérieure d’un goulot d’étranglement. Selon Dalebout et coll. (2006), les aires de répartition actuelles ne seraient pas les restes fragmentés d’une ancienne population répandue à l’échelle de l’océan et cette diversité génétique est la preuve du caractère unique de la population du plateau néo-écossais. Leur analyse révèle aussi que les populations du détroit de Davis et de l’Islande présentent plus de similitudes et qu’il y a des indices de dispersion régulière alentour du cap Farwell, à l’extrémité sud du Groenland.

Dalebout et coll. (2006) ont déterminé que bien que la diversité microsatellitaire chez les baleines à bec communes soit comparable à celle d’autres cétacés marins, elle était supérieure à celle de populations menacées ou très isolées connues, comme la population de baleines noires de l’Atlantique Nord. Dans les petites populations, la perte de diversité due à la dérive génétique peut aboutir à une réduction de la valeur sélective ou compromettre le potentiel d’évolution (Frankham 1995). De faibles échanges de migrants entre les régions peuvent contrer ce phénomène et servir de moyen de « sauvetage génétique » chez de telles populations en péril (Tallmon et coll. 2004). C’est peut-être ce qui s’est produit sur le plateau néo-écossais, l’hétérozygotie observée dans la population étant à peu près égale à celle des populations plus grandes du détroit de Davis et de l’Islande (Dalebout et coll. 2006). La nature et la portée exacte de l’échange entre la population du plateau néo-écossais et celle du détroit de Davis restent incertaines.

La baleine à bec commune est un animal social vu le plus fréquemment en petits groupes de deux à quatre individus (Mead 1989), bien qu’on ait déjà observé des groupes comptant jusqu’à vingt de ces baleines (Gowans 2002). Plusieurs groupes différents peuvent être visibles en même temps (Benjaminsen et Christensen 1979). Les mâles semblent former des associations durables avec d’autres mâles adultes, tandis que les femelles semblent s’associer de manière plus souple à de nombreux individus différents (Gowans et coll. 2001).

Les chasseurs ont fait état de la curiosité de cette espèce, une caractéristique qui facilitait sa capture (Ohlin 1893). Les baleines à bec communes viendront s’intéresser de près aux navires, en particulier ceux qui sont stationnaires. Mitchell (1977) a constaté qu’il pouvait attirer ces baleines vers un navire stationnaire en tapant sur le flanc de celui-ci. Dans la chasse, quand une baleine à bec commune était harponnée, ses compagnons ne l’abandonnaient pas avant qu’elle soit morte, ce qui permettait souvent aux chasseurs de capturer plusieurs baleines à la fois (Gray 1882 et plusieurs autres personnes citées dans Benjaminsen et Christensen 1979). Mitchell (1977) a estimé qu’en raison de ce comportement « épimélétique » (consistant à venir en aide à ses congénères), les baleines à bec communes ont été plus rapidement décimées que ne l’indiquaient les estimations standards de prises et d’effort.

On pense que chez les baleines à bec du Gully la reproduction culmine en juillet et en août (Whitehead et coll. 1997a). Chaque femelle enceinte donne naissance à un unique baleineau environ 12 mois plus tard (Benjaminsen 1972). La période de reproduction et de mise bas diffère de celle de la population du détroit de Davis, chez qui on pense que la reproduction et la naissance des baleineaux ont lieu entre avril et juin, et sont à leur paroxysme en avril (Benjaminsen 1972). Selon Benjaminsen et Christensen (1979), le cycle de reproduction serait de deux ans; toutefois, il y a relativement peu de données pour étayer ou réfuter cette conclusion. Le cycle de reproduction de la population du Gully n’a pas été étudié en détail.

Benjaminsen (1972) a conclu que la baleine à bec commune mâle au large de l’Islande atteignait la maturité sexuelle entre 7 et 9 ans; chez les mâles examinés au large du Labrador, la maturité sexuelle semblait survenir entre 8 et 12 ans (Benjaminsen et Christensen 1979). Christensen (1973) a examiné des baleines au large du Labrador et conclu que les femelles atteignaient la maturité sexuelle entre 8 et 12 ans. Les baleines vivent habituellement de 30 à 40 ans (Mead 1989).

La baleine à bec commune est un plongeur extraordinaire qui va chercher sa nourriture dans les profondeurs de l’océan. Selon les premiers biologistes à les avoir observées et les chasseurs, les baleines restaient sous l’eau pendant un laps de temps allant jusqu’à deux heures et revenaient à la surface très près de l’endroit où elles avaient plongé (Gray 1882, Ohlin 1893). Ohlin (1893) a observé une baleine harponnée qui a plongé en tirant derrière elle 500 brasses (914 m) de cordage, en « moins de deux minutes ». Quelques baleines à bec communes du Gully ont été munies d’enregistreurs chronologiques de profondeurs à ventouses. Les données provenant des enregistreurs de deux de ces animaux ont été récupérées et analysées (Hooker et Baird 1999). Elles ont révélé que les baleines avaient plongé à une profondeur maximale de 1 453 m et étaient restées sous l’eau pendant des périodes allant jusqu’à 70 minutes (Hooker et Baird 1999). Des enregistrements au sonar réalisés au-dessus de baleines non marquées qui plongeaient portent à croire que les baleines effectuent régulièrement des plongeons profonds (Hooker et Baird 1999). Benjaminsen et Christensen (1979) ont chronométré les plongeons de plusieurs baleines à bec communes au large de l’Islande et au large du Labrador. Ils ont constaté qu’il s’écoulait de 14 à 70 minutes entre le moment où les baleines s’immergeaient et celui où elles refaisaient surface. On croit que ces plongeons sont motivés par la quête de nourriture parmi les espèces d’eau profonde, en particulier parmi les encornets qui se tiennent sur le fond ou à proximité de celui-ci (voir la section 1.4.9).

Les plongeons des baleines reflètent la répartition verticale de leurs proies principales, les encornets du genre Gonatus, qui sont des encornets mésopélagiques à faibles migrations nycthémérales (Moiseev 1991, Hanlon et Messenger 1996). Leur principale fourchette de profondeurs nocturnes (300–500 m) chevauche celle de leurs profondeurs diurnes (400–800 m) (Hanlon et Messenger 1996). Selon Moiseev (1991), Gonatus fabricii se trouve surtout à des profondeurs de 550 à 1000 m, certains individus remontant à 350 m, voire au-delà, durant la nuit. Des opérations d’échantillonnage ont révélé la présence de Gonatus fabricii à une profondeur de 2 700 m dans la mer de Norvège (Kristensen 1983). Certains individus ont été observés au stade juvénile sur de grands hauts-fonds au large du Groenland et du Labrador (Nesis 1965, Kristensen 1983). Toutefois, à l’état adulte ces encornets ne semblent plus fréquenter les hauts-fonds (Bjørke 2001). Quand les jeunes grandissent et que leur manteau mesure environ 60 mm, ils quittent les 60 mètres supérieurs de la colonne d’eau pour descendre sous 200 m (Kristensen 1983, Bjørke 2001).

Les adaptations physiologiques connues et possibles grâce auxquelles les mammifères marins peuvent plonger bien au-delà des limites des plongeurs humains sont traitées dans Boyd (1997), Kooyman et Ponganis (1997), Kooyman et Ponganis (1998), et Williams (2000).

La baleine à bec commune se nourrit principalement d’encornets, essentiellement d’encornets du genre Gonatus (Benjaminsen et Christensen 1979, Clarke et Kristensen 1980, Hooker et coll. 2001b). Dans l’Atlantique Nord-Est, sa principale espèce-proie est vraisemblablement Gonatus fabricii. Hooker et coll. (2001b) ont examiné les contenus stomacaux de baleines échouées dans l’Atlantique Nord-Ouest et procédé à des analyses des lipides et des isotopes stables dans le cadre de biopsies sur des baleines du Gully. Ces analyses étayent l’hypothèse selon laquelle les baleines se nourrissent essentiellement d’encornets du genre Gonatus. Hooker et coll. (2001b) ont indiqué que la principale proie de la baleine du plateau néo-écossais serait Gonatus steenstrupi, d’après la répartition connue de celui-ci et en raison de la présence de becs de Gonatus steenstrupi dans les estomacs de deux baleines à bec communes de l’est du Canada qui s’étaient échouées. Ni Gonatus fabricii ni G. streenstupi n’ont été étudiés en détail au large de la Nouvelle-Écosse. On a aussi trouvé des restes d’autres proies dans les estomacs de baleines à bec, notamment d’autres espèces d’encornet, de sébaste (Sebastes sp.), de brosme (Brosme brosme), de flétan noir (Reinhardtius hippoglossoides) et de plusieurs autres poissons, de crevettes et d’étoiles de mer (Banjaminsen et Christensen 1979, Clarke et Kristensen 1980, Lick et Piatkowski 1998). L’analyse des contenus stomacaux donne à penser que Gonatus est de loin la principale composante de l’alimentation de la baleine à bec commune.

Dans d’autres familles d’odontocètes, les dents servent en général à percer et à retenir les proies. Or, chez pratiquement toutes les espèces de baleines à bec, les mâles ont peu de dents à éruption complète et les femelles et les animaux immatures n’en ont aucune (Mead 2002). Selon les indications données par Heyning et Mead (1996), les baleines à bec captureraient leurs proies par succion. Il n’y a pas eu d’études des mécanismes d’alimentation propres à la baleine à bec commune.

Les mammifères marins utilisent le son pour communiquer, naviguer dans le milieu marin et trouver leurs proies. Le son se propage beaucoup mieux que la lumière dans l’eau salée; de plus, la vue est peu utile sous la zone photique et en eaux troubles. C’est pourquoi les baleines et d’autres mammifères marins ont des facultés auditives extrêmement développées (Richardson et coll. 1995). Certains sont d’avis que le melon des baleines à bec est un trait d’adaptation destiné à améliorer l’écholocalisation (Mitchell et Kozicki 1975, Boran et coll. 2001).

Jusqu’à tout récemment, il y avait eu peu d’études de l’utilisation du son chez les baleines à bec communes (Hooker et Whitehead 2002). Les progrès techniques, en particulier le développement des étiquettes acoustiques numériques, ont permis aux chercheurs d’approfondir le sujet (p. ex. Jones et coll. 2005, Tyack et coll. 2004, Madsen et coll. 2005, Johnson et coll. 2005). Il est très probable que les baleines à bec, comme d’autres cétacés, utilisent le son pour naviguer, communiquer et repérer leurs proies (Hooker et Whitehead 2002). Les baleines à bec produisent des clics directionnels dont les pics de fréquence sont de l’ordre de 25 à 40 kHz (Tyack et coll. 2004). Selon Johnson et coll. (2004), les baleines à bec recourent à l’écholocalisation pour repérer leurs proies quand elles plongent en quête de nourriture, c’est-à-dire qu’elles émettent des clics ultrasoniques pour « insonifier » leurs proies. Ces auteurs ont constaté que les quêtes de nourriture se terminaient par une série de clics rapides, souvent suivis de bruits d’impact lorsque la baleine en quête de nourriture capturait ses proies au cours d’une accélération dynamique prononcée. Selon Johnson et coll. (2005), des clics fréquents chez des baleines non marquées sont signe que plusieurs baleines recherchent ensemble leur nourriture au cours de leurs plongeons profonds et cette cohésion collective pourrait être un facteur dans les cas où ces animaux s’échouent par suite de l’utilisation de sonars.

Les baleines à bec communes émettent des clics (Winn et coll. 1970, Hooker et Whitehead 2002). Hooker et Whitehead (2002) ont signalé deux principaux types de séries de clics, l’une émise depuis les profondeurs et l’autre depuis la surface. Ils ont constaté que les baleines à bec communes en quête de nourriture dans les eaux profondes émettent des clics à une fréquence qui convient à la localisation d’objets de plus de six centimètres. Ils en ont conclu qu’il était probable que les baleines recouraient à une série de clics pour localiser leurs proies, très probablement des encornets.

Hooker et Whitehead (2002) ont pour leur part découvert que les pics de fréquence des séries de clics produites à la surface variaient entre 4 et 21 kHz, tandis que dans le cas des clics émis dans les profondeurs ces pics se situaient entre 21 et 25 kHz2. La durée des clics de surface était plus variable que celle des clics émis dans les profondeurs, qui tendait à être très régulière.

Quoique Hooker et Whitehead (2002) aient déterminé quelles étaient les fréquences auxquelles les baleines tendaient à émettre leurs sons, on en sait beaucoup moins sur toute la gamme vocale ou l’acuité auditive de ces animaux. Lawson et coll. (2000) ont évalué les questions de bruit associées au Gully et n’on trouvé aucune donnée publiée au sujet de la capacité auditive de la baleine à bec commune. Il y a certaines données sur l’acuité auditive de quelques petits et moyens odontocètes (comme le grand dauphin, le globicéphale et l’épaulard) et une seule étude sur le grand cachalot (voir les examens présentés dans Richardson et coll. 1995, Evans 2002 et Lawson et coll. 2000).

Des baleines à bec communes ont été observées dans l’est du plateau néo-écossais au cours de chacune des saisons; elles semblent donc y résider à longueur d’année (Whitehead 1997b; MPO 2007a). Leur répartition sur le plateau néo-écossais paraît étroitement liée à la présence de canyons sous-marins, en particulier du Gully, dans lequel la très grande majorité des observations ont eu lieu. Wimmer et Whitehead (2004) ont déterminé que certains individus occupent aussi régulièrement les canyons Shortland et Haldimand, à l’est. Tel qu’indiqué ci-après, la petite échelle des déplacements effectués par les individus de cette population et l’observation d’animaux de toutes les catégories d’âge et de sexe dans les trois canyons à diverses périodes de l’année (Wimmer et Whitehead 2004, MPO 2007a) portent à croire que les canyons sont à longueur d’année l’habitat principal de cette baleine à tous ses stades biologiques. Il est probable qu’il y a des migrations entre les canyons par les corridors qui bordent le plateau néo-écossais. Au total, le domaine vital de la baleine à bec commune du plateau néo-écossais est de l’ordre de quelques centaines de kilomètres au maximum (Wimmer et Whitehead 2004).

La portée limitée des déplacements des baleines à bec communes du plateau néo-écossais (de 3 à 5 km par jour environ) qui résident dans le Gully et les canyons Shortland et Haldimand, par comparaison aux déplacements caractéristiques des autres espèces océaniques (qui dépassent souvent les 50 km par jour), dénote la présence d’une source alimentaire riche et profitable (Hooker et coll. 2002a). La fréquentation de ces canyons est vraisemblablement due à l’abondance de proies que la baleine y trouve, en l’occurrence les encornets du genre Gonatus. On sait peu de choses au sujet des encornets de ce genre présents dans le Gully et les canyons voisins et on ne comprend pas bien pourquoi ils peuvent se concentrer à ces endroits. Hooker et coll. (2002a) estiment que cela pourrait être dû à un afflux de nutriments, à une plus grande abondance des sources benthiques de nourriture, à l’existence de reliefs benthiques qui offrent un refuge aux animaux ou à la formation de concentrations de reproducteurs. Ils pensent que l’écosystème du Gully doit recevoir un important apport d’énergie pour soutenir la consommation énergétique des baleines qui y évoluent, étant donné que la production primaire dans ce canyon ne semble pas anormalement élevée.

Hooker et coll. (2002b) ont établi que les observations de baleines à bec communes étaient liées essentiellement à la profondeur et (dans une moindre mesure) à la pente. Ils suggèrent que l’abondance, la répartition et les changements dans les observations d’une année à l’autre sont vraisemblablement attribuables à une variation de l’abondance et de la répartition de leurs proies. Cela vient étayer la conclusion selon laquelle les baleines à bec communes peuvent avoir des préférences pour des caractéristiques topographiques particulières de l’océan, comme les canyons sous-marins, en raison de l’influence de ces caractéristiques sur l’abondance et la répartition des proies. Si leur nourriture était répartie sur une étendue limitée, les baleines ne seraient peut-être pas capables d’échapper aux phénomènes négatifs survenant dans leur habitat principal (p. ex. l’acquisition de données sismiques, la pêche et la navigation).

La répartition des baleines à bec communes dans le détroit de Davis n’est pas manifestement centrée sur les canyons (Benjaminsen et Christensen 1979). Selon Wimmer et Whitehead (2004), cette différence peut être due à la grandeur des canyons de l’est du plateau néo-écossais. Dans cette région en effet, les canyons, en particulier le Gully, sont bien plus grands que ceux qu’on trouve au nord-est des États-Unis ou au nord du Labrador. Les grands canyons semblent avoir un effet disproportionné sur les phénomènes océaniques (Hickey 1997, Allen et coll. 2001).

Compton (2004) a récemment eu recours au modèle d’analyse factorielle de la niche écologique pour cerner les composantes de l’habitat clé de la baleine à bec commune de l’Atlantique Nord-Ouest et pour déterminer si un corridor faisant partie de cet habitat relie les populations du détroit de Davis et du plateau néo-écossais. Il ressort du modèle que les bords du plateau, les canyons sous-marins et les monts sous-marins sont un habitat possible de l’espèce. On sait que tous ces reliefs influent sur les phénomènes océaniques et peuvent attirer une concentration de proies. Il s’est avéré que la baleine à bec commune n’était présente que de façon très marginale sur les pentes du plancher océanique, préférant le talus du plateau continental.

L’analyse effectuée par Compton (2004) révèle aussi que la baleine à bec commune présente une tolérance relativement grande, c’est-à-dire qu’elle pourra tolérer des conditions qui lui sont moins propices lorsqu’elle se déplace d’un endroit propice à un autre. Bien des parties du plateau continental de l’Atlantique Nord-Ouest sont parcourues de chenaux aux flancs abrupts. Ces chenaux peuvent servir de corridors permettant aux baleines de franchir des zones qui leur sont relativement peu favorables pour se rendre dans des eaux plus hospitalières. Plusieurs des zones marginales ou principales de l’habitat cernées dans l’analyse de Compton sont reliées par ces chenaux. Malgré ce constat de tolérance assez grande, on ne sait pas quelle distance les baleines sont capables de franchir dans des zones qui leur conviennent peu pour atteindre une autre partie de leur habitat principal. Étant donné l’étendue limitée des déplacements qui a été observée chez les individus du plateau néo-écossais, on ne sait pas si la distance qui sépare les alentours des Grands Bancs du nord-est du plateau continental est trop grande pour que les individus la franchissent (voir la partie sur la théorie relative à la quête optimale de nourriture et à la répartition libre idéale dans Wimmer et Whitehead 2004).

Certains considèrent que les baleines à bec communes d’autres régions du monde effectuent une migration annuelle; les éléments qui étaieraient leur théorie sont toutefois quelque peu contradictoires. D’après les chasseurs de baleine, la baleine à bec commune migrait au nord au printemps et au sud au milieu de l’été ou en automne (voir Gray 1882, plusieurs déclarations citées dans Benjaminsen 1972, Mitchell et Kozicki 1975). Hooker (1999) et Gowans (2002) ont trouvé peu de signes de migration et noté que les indications des chasseurs reflétaient peut-être davantage les déplacements des navires de chasse que ceux des baleines. Toutefois, les contenus stomacaux d’animaux échoués dans l’Atlantique Nord-Est semblent indiquer que les baleines de cette région parcourent de longues distances. Un des becs d’encornet trouvés dans une baleine échouée aux Îles Féroé appartenait à une espèce d’encornet rare au nord du 40o N, ce qui permet de penser que cette baleine avait été chercher sa nourriture peu de temps avant à 1000 km au sud (Clarke et Kristensen 1980). Comme cette baleine s’était échouée en août, la présence du bec d’encornet signalerait une migration vers le nord plutôt que vers le sud au milieu de l’été (Hooker 1999). Les cas d’échouage et d’observation sur les côtes sud-ouest de l’Europe et dans les îles du Cap-Vert (Hooker 1999) étayent la théorie d’une présence occasionnelle des baleines loin au sud de leurs centres d’abondance.

Mitchell et Kozicki (1975) se sont fondés sur l’échouage de baleines à bec communes au Rhode Island et au Massachusetts pour prouver l’existence d’une migration vers le sud dans l’Atlantique Nord-Ouest en automne et en hiver. Toutefois, ils ont aussi fait état de cas d’échouage en hiver à l’île de Sable pour attester du fait que les baleines demeuraient dans le Gully à longueur d’année. Selon certaines indications, les baleines observées au large du Labrador sont présentes dans cette région à longueur d’année également (voir Reeves et Mitchell 1993).

Depuis l’étude de Mitchell et Kozicki (1975), peu d’éléments sont venus étayer l’hypothèse d’une migration vers le sud et on a été de plus en plus convaincu du fait que les baleines avaient leur résidence à longueur d’année dans la région du plateau néo-écossais. Les baleines à bec communes sont rares au sud du plateau néo-écossais à toutes les saisons et peu ont été observées dans le cadre du Cetacean and Turtle Assessment Program (CETAP), un programme américain de relevés d’observation exhaustifs au large de la côte nord-est des États-Unis (Reeves et Mitchell 1993). Wimmer et Whitehead (2004) ont réuni des données, publiées et non publiées, sur les observations signalées et les cas d’échouage dans les eaux situées entre le New Jersey et les Grands Bancs (excluant les données recueillies par le laboratoire de Whitehead). La majorité des baleines observées l’avaient été le long du bord du plateau néo-écossais, quoique certaines aient été vues en eaux plus profondes. Dans le cadre de son programme d’évaluation des stocks, la NOAA considère cette espèce comme étant « rare ou extrêmement inhabituelle » dans les eaux des États-Unis (Waring et coll. 1998). Cela permet de penser qu’une migration saisonnière vers des eaux situées encore plus au sud est peu probable (se reporter à la section sur la génétique pour d’autres arguments appuyant cette conclusion).

De l’avis général, les baleines présentes dans le Gully y demeurent à longueur d’année (voir p. ex. Whitehead et Wimmer 2002). Cette conclusion est fondée sur le fait qu’on observe ces baleines dans cette région à n’importe quelle saison (Reeves et coll. 1993). Il y a eu peu de tentatives d’observation hors des mois d’été, mais lors des quelques relevés effectués en hiver dans le Gully, des baleines étaient constamment présentes. Il ressort des observations réalisées en été que chaque baleine entre dans le Gully et en ressort régulièrement. Elle y passe en moyenne 20 jours avant d’en sortir (Gowans et coll. 2000b). Les périodes où chacune y réside varient considérablement. Hooker et coll. (2002b) ont étudié les déplacements et l’utilisation du milieu au sein de la zone principale par divers individus. À tout moment, il n’y a qu’une proportion de 34 à 44 % environ de la population qui est présente dans le Gully et, jusqu’en 2001, les scientifiques ne savaient pas avec certitude où allaient ces animaux quand ils quittaient le Gully.

Wimmer et Whitehead (2004) ont examiné les déplacements de certaines baleines à bec communes sur le plateau néo-écossais et déterminé que divers individus connus comme résidant dans le Gully fréquentaient régulièrement les canyons Shortland et Haldimand. Il est probable que les baleines migrent entre ces trois canyons le long du talus du plateau néo-écossais, probablement dans la zone située entre les isobathes de 500 et 1 500 mètres (selon leurs profondeurs de prédilection). Si tel est le cas, ce corridor de circulation relie peut-être deux parties de leur habitat principal, mais il n’a pas été bien étudié. Selon Wimmer et Whitehead (2004), le nombre d’observations de baleines à bec communes dans les canyons Shortland et Haldimand correspondait à environ la moitié de celui du Gully, ce qui laisse croire que la densité des baleines dans ces canyons n’était, elle aussi, que d’environ la moitié de celle du Gully.

Wimmer et Whitehead (2004) ont établi que la population n’était pas entièrement homogène et qu’il y avait une certaine disparité dans les déplacements de ses individus, au moins quelques-uns d’entre eux préférant tel ou tel canyon. Il semble aussi que les mâles se déplacent plus fréquemment que les femelles et que leurs déplacements soient liés à la répartition des femelles réceptives, tandis que ceux des femelles sont probablement associés davantage à la disponibilité de la nourriture. Les déplacements entre les canyons et les eaux avoisinantes chez certains individus pourraient aussi s’expliquer par le fait que ceux-ci cherchent à connaître l’habitat environnant (p. ex. en vue d’y trouver peut-être d’autres concentrations de proies; voir le passage à ce sujet dans Wimmer et Whitehead, 2004).

Whitehead et coll. (2003) ont examiné les liens qu’il pouvait y avoir entre les différentes étendues des niches écologiques de plusieurs espèces mésopélagiques teutophages et leurs régimes de migration. Ils pensent que les espèces qui se déplacent le plus, comme le grand cachalot, se trouvent en présence de plus de proies et donc que leur niche écologique est plus vaste, tandis que la baleine à bec commune, dont les déplacements et la répartition sont plus localisés, se concentre surtout sur une seule espèce-proie, Gonatus, et a donc une niche écologique très étroite. On ne sait pas si c’est le fait que l’alimentation de l’animal soit axée sur une espèce-proie qui est à l’origine des déplacements localisés ou l’inverse. Ces travaux permettent de croire que la baleine à bec commune est associée à un habitat très particulier. Les distances parcourues quotidiennement par la baleine à bec commune du plateau néo-écossais sont de l’ordre de quelques kilomètres tout au plus, et leur domaine vital ne s’étend que sur un maximum de quelques centaines de kilomètres. Comparativement à ceux d’autres grandes espèces pélagiques, cela représente des déplacements relativement petits, qui sont vraisemblablement liés aux espèces-proies limitées qu’exploite cette baleine.

À l’époque où la baleine était chassée (jusque dans les années 1970), la baleine à bec commune faisait l’objet d’une chasse commerciale sur le plateau néo-écossais. Quatre-vingt-sept baleines appartenant à la population du plateau néo-écossais ont été capturées par les chasseurs entre 1962 et 1967 (Reeves et coll. 1993, voir les statistiques et remarques dans Committee for Whaling Statistics 1964, Mitchell 1974 et Sutcliffe et Brodie 1977). Toutefois, cela fait maintenant plusieurs décennies que la chasse de cette espèce a cessé et on n’entrevoit pas sa reprise dans les eaux canadiennes dans un avenir prévisible. Comme elles se trouvent au grand large, les baleines à bec communes ne sont pas touchées par les excursions commerciales d’observation des baleines. La baleine à bec commune, à l’instar de nombreux autres mammifères marins, peut avoir des valeurs dites de « non-utilisation » pour la société (soit une « valeur d’existence » que les gens tirent du seul fait qu’ils savent que l’espèce existe, indépendamment de toute intention éventuelle d’« utiliser » cette espèce dans l’avenir, et une « valeur de transmission », c’est-à-dire l’importance qu’accordent les gens au fait que l’espèce sera préservée pour les générations futures). Ces valeurs ne peuvent être quantifiées pour le moment. Il peut aussi y avoir une valeur économique dans l’information (valeur de quasi-option) obtenue grâce à la recherche scientifique, qui peut être utile à la gestion des baleines au Canada et sur la scène internationale. De façon générale, la baleine à bec commune est une espèce qui retient beaucoup l’attention au Canada atlantique, en raison des initiatives concernant la ZPM du Gully et des campagnes de sensibilisation du public menées par des organisations non-gouvernementales qui œuvrent dans le domaine de l’environnement. Elle fait aussi l’objet d’études exhaustives. Elle peut donc avoir une importante valeur de non-utilisation pour l’ensemble de la population canadienne.

Il est reconnu que les baleines revêtent une grande importance pour les peuples autochtones, notamment les Mi’kmaq, et la valeur économique et culturelle de la baleine à bec commune dépasse de loin le cadre de son utilisation à des fins alimentaires, sociales ou rituelles. Cela dit, on ne sait pas si les communautés autochtones de la côte du Canada atlantique ont pratiqué autrefois la chasse de cette baleine, ni dans quelle mesure. Rien n’indique que des activités de chasse de la baleine à bec commune aient eu lieu par le passé ou plus récemment à des fins alimentaires, sociales ou rituelles. Comme la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais vit dans des eaux profondes, éloignées des côtes, et donc difficilement accessibles, il se peut que les Autochtones n’aient utilisé ces baleines que dans de rares cas où elles se seraient échouées sur les côtes. On ne dispose pas de données historiques sur des cas individuels ou multiples d’échouage de baleines à bec communes au Canada atlantique qui permettraient de déterminer si ces baleines étaient utilisées par les Autochtones. Il y aurait lieu d’étudier plus avant l’importance qu’a pu avoir la baleine à bec commune pour les Autochtones, et d’aborder cette question avec les parties prenantes autochtones.

Il n’y a pas actuellement d’estimation de l’abondance de l’ensemble de la population de baleines à bec communes de l’Atlantique Nord (Gowans 2002). Les estimations de la population totale de ces baleines dans l’Atlantique Nord avant le début de la chasse variaient entre 28 376 (estimation minimale de Mitchell 1977), 40 000 à 50 000 (Gowans 2002) et 90 000 (Christensen 1984); plus de 80 000 baleines ont été capturées pendant toute la période durant laquelle elles ont été chassées (Gowans, 2002). La population du plateau néo-écossais ne représente sans doute qu’une proportion extrêmement faible de l’abondance et de l’aire de répartition de l’espèce; il s’agit d’une population très petite et isolée, dont les déplacements se limitent aux eaux locales.

En se fondant sur des données d’observation et des catalogues de photos, des scientifiques de l’Université Dalhousie ont pu estimer l’effectif de la population de baleines à bec communes du Gully (appelée maintenant population du plateau néo-écossais). Whitehead et Wimmer (2004) l’ont chiffré à 163 individus (IC de 95 % : 119–214); cela diffère de l’estimation de 2000, qui chiffrait l’effectif à 130 individus (IC de 95 % : ~107–163; Gowans et coll. 2000b). Le résultat de 2004 était fondé sur des méthodes d’estimation plus raffinées, reflétant mieux l’ensemble de la population du plateau néo-écossais, mais on ne pense pas qu’il dénote une augmentation de la population par rapport à l’estimation de 2000. Il faut préciser que le nouveau modèle intègre l’hétérogénéité dans les déplacements, ce dont ne tenaient pas compte les estimations antérieures.

La population de baleines à bec communes a été évaluée à l’aide de techniques de marquage-recapture. Cette façon de procéder comporte deux volets fondamentaux : l’obtention de photos individuelles de baleines et l’analyse statistique pour déterminer quel modèle mathématique de population correspond mieux aux données recueillies. Les photos de divers individus appartenant à la population ont été prises en mer dans les canyons Gully, Shortland et Haldimand de 1988 à 2003; y étaient associés la date, l’heure et le lieu (coordonnées de position) de prise de vue. Ces données étaient ensuite saisies dans le programme d’analyse sociale SOCPROG élaboré par Hal Whitehead (Whitehead et Wimmer 2005; annexe A). L’estimation de l’effectif total a été établie ensuite d’après des calculs fondés sur les animaux bien marqués et sur des extrapolations.

Gowans et coll. (2001) et Whitehead et Wimmer (2005) ont indiqué que l’effectif de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais a été relativement stable entre 1988 et 2003. Whitehead et Wimmer (2005) n’ont pas découvert de tendance temporelle significative sur le plan statistique dans l’effectif de cette population. C’est aussi ce que concluait le MPO dans l’Évaluation du potentiel de rétablissement : « On ne dénote pas de tendance statistiquement significative dans les modèles ».

Bien que les prélèvements de la chasse dans le Gully et sur le bord des Grands Bancs aient été assez élevés (87 individus) par rapport à l’effectif actuel de la population du plateau néo-écossais, on ne sait pas combien d’individus comptait la population avant la chasse et il est impossible de déterminer avec certitude si cette population s’est rétablie de ces prélèvements (MPO 2007a).

Comme on sait peu de choses de l’effectif passé de la population, on ignore s’il a déjà été très supérieur à son niveau actuel. Par conséquent, il est difficile de fixer des objectifs de rétablissement ou d’évaluer le succès de celui-ci. On ne sait pas non plus quelle est la taille minimale que doit avoir l’effectif pour permettre le maintien de la population du plateau néo-écossais et on connaît mal les incidences du prélèvement d’individus dans la population. Dans l’Évaluation du potentiel de rétablissement (MPO 2007a), le MPO concluait que le « prélèvement biologique potentiel (PBP) » dans cette population est de 0,3 individu par an. Le PBP représente le nombre maximal d’animaux, excluant les mortalités naturelles, qui peuvent être prélevés dans un stock de mammifères marins sans que cela empêche ce stock d’atteindre ou de maintenir son effectif de population optimal. Il constitue ici une estimation prudente, entourée d’incertitude, compte tenu du manque de connaissances au sujet de la dynamique et de la structure de la population suite au prélèvement de 25 à 87 animaux il y a plus de 40 ans.

La population du détroit de Davis est la concentration de baleines à bec communes la plus proche de celle du plateau néo-écossais. D’après les données historiques sur la chasse, des observations inopinées signalées au MPO et un relevé aérien réalisé en mars 1978, cette population a été jugée plus vaste et plus largement répartie que celle du plateau néo-écossais (Whitehead et coll. 2004); toutefois, aucune étude n’a été effectuée récemment pour déterminer si c’est toujours le cas. Wimmer et Whitehead (2004) ont effectué un relevé le long de l’isobathe des 1000 m ainsi que dans les anciennes zones principales de chasse au large du Labrador en 2002. En 22 jours, ils n’ont fait que 7 rencontres de 18 individus (comparativement aux 24 rencontres de 41 individus qui ont été faites lors de deux relevés subséquents de deux jours dans le Gully). Ils ont déterminé que la répartition de la baleine à bec commune du détroit de Davis n’augmentait pas avec la latitude comme on pouvait le penser (p. ex., Benjaminsen et Christensen 1979); en fait, les baleines aperçues l’étaient plutôt dans la partie de la zone de relevé située au sud. Une bonne partie de l’information récente au sujet de la répartition de la baleine à bec commune dans le détroit de Davis vient d’observations inopinées émanant de pêcheurs de flétan noir (Compton 2004). Le petit nombre d’observations porte à croire que l’effectif de la population est inférieur à ce qu’on pensait auparavant.

Plusieurs aspects de la biologie et de l’écologie des baleines à bec communes du plateau néo-écossais pourraient avoir un effet limitatif sur leur rétablissement.

Les baleines à bec communes du plateau néo-écossais présentent un ADN mitochondrial peu variable et de faibles taux d’échange avec la population la plus proche, qui est celle du détroit de Davis (voir la section 1.4.5). Bien que des zones de connectivité de l’habitat aient été cernées (Compton 2004), on ne sait pas jusqu’où les baleines à bec communes du plateau néo-écossais se rendent et si donc il y a des possibilités d’échange génétique entre les deux populations.

La baleine à bec commune est une espèce à grande longévité (vivant plus de 40 ans; Christensen 1973) dont la reproduction se situe dans la moyenne établie pour les cétacés, mais est lente relativement à celle d’autres ordres d’animaux (intervalle de ~2 ans entre les mises bas; Benjaminsen et Christensen 1979). Il est donc probable que le processus de rétablissement faisant suite aux incidences qu’a pu et que peut encore subir cette baleine sera lent.

Tel qu’indiqué ci-dessus, la disponibilité de l’habitat peut être un facteur limitatif pour cette population. Sa répartition centrée sur les canyons et ses déplacements limités sur le plateau néo-écossais dénotent des sources de proies riches et concentrées localement. Sa dépendance sur une espèce-proie principale peut peut-être restreindre sa capacité de rétablissement, car elle limite le type et la quantité d’habitat que l’espèce peut occuper. Il se peut que la population ait atteint la capacité biotique des habitats du plateau néo-écossais, mais on ne le sait pas avec certitude (MPO 2007a). Comme cette population occupe le sud de l’aire de répartition de l’espèce, il est peu probable que les baleines qui la composent aient accès à un autre habitat plus au sud.

L’Évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais cite l’emmêlement dans les engins de pêche ou la capture accessoire par ces engins, les activités pétrolières et gazières ainsi que les perturbations sonores au titre des menaces importantes (MPO, 2007a). Tel qu’indiqué plus haut, on sait aussi que la population du plateau néo-écossais a par le passé fait l’objet de prélèvements dans le cadre de la chasse, ce dont elle ne s’est peut-être pas remise. Parmi les autres menaces éventuelles cernées dans l’EPR ou dans le rapport du COSEPAC, il faut mentionner les contaminants, la navigation maritime et les changements dans les sources alimentaires. Chacune de ces menaces est décrite ci-après. De plus, le tableau 3 de l’annexe B présente un sommaire et une classification des menaces. Les activités humaines ayant lieu dans l’habitat de la baleine à bec commune ont été illustrées visuellement dans une publication du MPO intitulée « La plate-forme néo-écossaise : atlas des activités humaines » que l’on peut consulter dans le site Web http://www.mar.dfo-mpo.gc.ca/oceans/f/essim/atlas/ss_toc-f.html.

Les chasseurs de baleine, principalement ceux de la Norvège, ont chassé la baleine à bec commune pendant deux périodes, soit des années 1880 aux années 1920, puis du milieu des années 1930 au début des années 1970 (Benjaminsen et Christensen 1979). Les captures ont atteint leur maximum de 1890 à 1905 et de 1960 à 1970 (Hooker 1999). Dans cette dernière période, une station baleinière a été établie à Blandford (Nouvelle-Écosse) et les chasseurs capturaient les baleines présentes dans le Gully et les eaux avoisinantes. Quatre-vingt-sept baleines à bec communes ont été capturées parmi la population du plateau néo-écossais et amenées à Blandford entre 1962 et 1967 (Reeves et coll. 1993, voir les statistiques et remarques dans Committee for Whaling Statistics 1964, Mitchell 1974 et Sutcliffe et Brodie 1977). Les données de la station baleinière de 1964 à 1967 confirment que d’après les coordonnées des lieux de capture, vingt-cinq baleines provenaient du Gully (Reeves et coll. 1993), les autres captures (n = 62) ayant été effectuées en des lieux aussi éloignés que le bord des Grands Bancs.

La plupart des baleines à bec communes ont été capturées en 1962 et 1963, quand les chasseurs utilisaient un petit bateau qui ne leur permettait pas de capturer les plus grands rorquals communs, qu’ils allaient chasser plus tard (Gillespie 1962, Committee for Whaling Statistics 1964, Jenkins 1990). Malheureusement, on ne peut trouver de données propres à la station de Blandford pour 1962 et 1963, mais les chasseurs étaient bien conscients de l’affinité des baleines avec la région du Gully. Le propriétaire de la station baleinière a fait allusion aux « bancs de baleines à bec communes » rencontrés et capturés dans les eaux profondes proches de l’île de Sable (Karlsen cité dans Gillespie 1962 : 8).

Au milieu des années 1970, on s’entendait en général pour dire que la population de baleines à bec de l’Atlantique Nord dans son ensemble avait été réduite par la chasse; toutefois, les experts norvégiens ne pensaient pas que le déclin était important (Christensen et coll. 1977, Jonsgård 1977) tandis que d’autres estimaient qu’il l’était (Holt 1977, Mitchell 1977). La International Whaling Commission a désigné le stock de baleines à bec communes comme stock protégé en 1977 et a fixé à zéro le quota de prises parmi ce stock (IWC 1978). Le Canada avait alors déjà mis fin à la chasse et la station de Blandford avait cessé ses activités (Jenkins 1990). Tel qu’indiqué ci-dessus, on ne connaît pas la taille de la population du plateau néo-écossais avant la chasse; il est donc impossible de déterminer si elle s’est rétablie des prélèvements dont elle a fait l’objet.

Les interactions entre les activités de pêche et les baleines à bec communes ne sont pas bien comprises et le Rapport de situation du COSEPAC ne les traite que de façon générale. Les observations signalées dénotent un petit nombre de baleines à bec communes emmêlées dans des engins de pêche ou touchées par ces derniers. Depuis le début des années 1980, huit cas de baleines emmêlées au Canada atlantique (dont trois dans la Région de Terre-Neuve) ont été documentés dans le cadre du Programme des observateurs en mer et un emmêlement dans des lignes a été observé dans le Gully par des chercheurs de l’Université Dalhousie. Plusieurs des cas d’emmêlement susmentionnés sont survenus lors de la pêche du merlu argenté et de la pêche de l’encornet, deux espèces qui ne sont plus très exploitées dans les environs de l’habitat principal des baleines. Trois cas concernaient des baleines qui s’étaient emmêlées dans des palangres utilisées soit dans la pêche de fond, soit dans la pêche pélagique. Dans un de ces trois cas, la baleine s’était emmêlée dans une palangre pélagique sur les Grands Bancs et elle a pu en être libérée vivante. Deux baleines se sont aussi empêtrées dans les chaluts à panneaux de chalutiers à pêche arrière qui pratiquaient la pêche du flétan noir au Groenland au large du Labrador. Il se peut que d’autres baleines se soient emmêlées dans des engins de pêche sans que cela ait été vu ou signalé.

Le rapport du COSEPAC (2002) fait état d’observations sur le bec et le dos des baleines à bec communes de cicatrices et marques qui ressemblent aux traces d’emmêlement reconnues chez d’autres espèces de baleine. Ces marques semblent indiquer que les contacts avec les engins de pêche, en particulier les lignes déployées, sont plus fréquents que ce qu’on a observé. Le petit nombre d’incidents observés s’explique peut-être par le faible niveau de présence (< 10 %) d’observateurs en mer au sein de certaines flottilles durant la période considérée. Toutefois, plusieurs représentants de l’industrie indiquent que jusqu’ici le nombre de rencontres avec cette espèce est bas.

Un contingent relativement modeste de pêcheurs pratiquent leurs activités de pêche normales dans des lieux qui chevauchent un habitat notoire de la baleine à bec commune. Il s’agit principalement d’activités de pêche du poisson de fond (axée surtout sur le flétan) aux engins fixes (palangre) et de pêche à la palangre pélagique (axée surtout sur l’espadon). La pêche à la palangre pélagique s’étend sur une vaste zone située le long du bord et du talus du plateau néo-écossais qui franchit l’embouchure des canyons, mais exclut les eaux profondes de la ZPM du Gully, tel qu’indiqué ci-après.

Les autres pêches qui ont lieu dans ces eaux, comme celles du crabe des neiges ou d’autres crabes des eaux profondes, sont pratiquées aux alentours de l’habitat de la baleine à bec commune, mais actuellement elles se déroulent dans les eaux peu profondes situées hors des principales zones de concentration des baleines. Elles sont appelées à s’intensifier si on en croit leur expansion générale vers le large ces dernières années et il se peut qu’elles viennent à chevaucher l’habitat principal de la baleine à bec commune dans l’avenir. Par le passé, la pêche du poisson de fond aux engins mobiles était plus couramment pratiquée dans cette partie de l’est du plateau néo-écossais et elle pourrait s’y étendre de nouveau dans l’avenir, selon la situation des espèces ciblées et d’autres facteurs.

Toute activité halieutique est actuellement interdite dans les eaux profondes de la ZPM du Gully (zone 1). Une portion importante de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais et de son habitat principal se trouve dans cette zone. Les navires de pêche du poisson de fond (flétan) à la palangre et ceux qui pratiquent la pêche à la palangre pélagique (espadon, thon et requin) ont un accès limité au reste de la ZPM (zones 2 et 3). Les mesures au sujet de la pêche contenues dans le règlement sur la ZPM ont été intégrées aux conditions de permis et aux ordonnances de modification de toutes les pêches visées.

Des activités de production de pétrole à partir des réserves extracôtières du plateau néo-écossais sont en cours depuis 1992, année où a débuté l’exploitation de puits proches de l’île de Sable dans le cadre du projet Cohasset Panuke. Il a été mis fin à l’exploitation de ces champs en 1999, mais c’est la même année qu’a été mis en œuvre le Projet énergétique extracôtier de l’île de Sable, qui est toujours en cours. Il porte sur l’exploitation de cinq champs de gaz naturel sur le banc de l’île de Sable. La plateforme pétrolière la plus proche du Gully se trouve à environ 35 km, dans des eaux relativement peu profondes. Une autre initiative, le projet Deep Panuke, vise l’extraction du gaz naturel du champ Panuke, à proximité du lieu du projet Cohasset Panuke. Ce champ se trouve à plus de 100 km de l’habitat essentiel de la baleine à bec commune.

Les zones visées par les licences d’exploration de pétrole actuelles dans l’est du plateau néo-écossais ne chevauchent pas directement les habitats essentiels de la baleine à bec commune; toutefois, certaines sont adjacentes au Gully (à l’ouest et au nord-ouest du canyon). Il y a aussi des zones d’exploration qui chevauchent l’aire de répartition connue de cette espèce sur le plateau néo-écossais ou qui en sont proches.

Le talus continental est considéré comme un territoire relativement nouveau en matière d’activités pétrolières et gazières dans la région; une seule analyse préliminaire de tout son potentiel d’hydrocarbures et de ressources récupérables a été effectuée jusqu’ici. En 2002, l’Office Canada - Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers (OCNEHE) a produit le rapport intitulé « Hydrocarbon Potential for the Deep-water Scotian Slope », qui présente une évaluation préliminaire des ressources de toutes les eaux profondes au large de la Nouvelle-Écosse. Le rapport conclut que les réserves du fond marin dans ces eaux accroissent notablement le potentiel d’hydrocarbures extracôtiers de la Nouvelle-Écosse. Le moment venu, les résultats des derniers programmes de prospection sismique et de forage réalisés dans la partie est du talus donneront une meilleure appréciation de ce potentiel, qui pourrait déterminer l’ampleur des activités futures de prospection et de mise en valeur dans la région.

Selon le COSEPAC, « l’exploitation pétrolière et gazière risque de nuire directement à la baleine à bec commune par le bruit des activités de forage et autres, par les déversements et par les rejets de matériel, mais aussi, indirectement, par la hausse du trafic maritime ». Toutefois, les menaces éventuelles que constituent les perturbations sonores, les rejets de matériel et les collisions avec des navires ne se limitent pas aux activités pétrolières et gazières. On ne s’étendra pas ici sur les perturbations sonores, contaminants et risques de collision associés à l’exploitation des hydrocarbures et à d’autres activités, qui sont analysés séparément dans les paragraphes suivants.

Trois Licences de découverte importante sont exploitées à proximité de la zone qu’il est proposé de définir comme habitat essentiel de la baleine à bec commune sur le plateau néo-écossais.

Ces licences de découverte sont des licences perpétuelles octroyées par le gouvernement du Canada. On ne s’attend pas à ce qu’elles donnent lieu à des activités d’exploration ou de mise en valeur dans les secteurs considérés dans un proche avenir.

Les vocalisations de la baleine à bec commune prennent la forme de clics de large bande, dont la fréquence va de quelques kilohertz jusqu’à au moins 30 kHz. Bien que de plus amples travaux soient nécessaires à ce sujet, il est probable que l’espèce a une ouïe sensible dans cette gamme de fréquences. Tel qu’indiqué par Hooker et Whitehead (2002), la baleine à bec commune utilise le son pour naviguer, communiquer et trouver ses proies. En raison de l’ouïe sensible de cette baleine et de sa dépendance sur le son, les bruits anthropiques produits dans le milieu marin risquent d’être une menace pour elle (COSEPAC 2002c, Harris et coll. 2007). Les effets de l’insonification anthropique pourraient comprendre l’accoutumance, des perturbations du comportement (y compris le changement de lieu et l’interférence avec les communications, l’alimentation, la socialisation et les réactions à d’autres menaces), des déficiences auditives temporaires ou permanentes, le masquage acoustique et même des blessures, l’échouage et la mort (Richardson et coll. 1995, MPO 2004). Toutefois, il subsiste une nette incertitude au sujet de l’ampleur et de la probabilité de ces effets, ainsi que du degré d’exposition sonore qui les produirait (MPO 2004).

Diverses activités anthropiques survenant dans les eaux de mer du Canada atlantique produisent des sons sous-marins dans une gamme de fréquences perceptibles par les baleines à bec communes. Au nombre des sources possibles de perturbations sonores figurent les exercices militaires (utilisation de sonars, détonations sous-marines), les travaux de recherche scientifique qui font appel au son, les activités de prospection et d’extraction du pétrole et du gaz, le trafic maritime, le trafic aérien à basse altitude dans la ZPM du Gully (à < 150 mètres de hauteur) et la construction (Harris et coll. 2007). Les sonars militaires ont été mis en cause dans des cas fatals d’échouage d’autres espèces de baleine à bec (MPO 2007a). Dans l’habitat très fréquenté par les baleines à bec communes, les sources de bruit les plus préoccupantes jusqu’ici ont été celles qu’on associe à la prospection pétrolière et gazière qui a lieu ou pourrait avoir lieu à proximité (COSEPAC 2002).

Il n’y a aucun cas documenté de mortalité de mammifère marin due à l’exposition à des relevés sismiques dans le cadre des activités de prospection du pétrole et du gaz (MPO 2004). Toutefois, il y a lieu de formuler une réserve à ce sujet, car il est possible que cette exposition ait eu des effets sublétaux ou à long terme qui n’ont pas été décelés par les programmes de surveillance habituels (MPO 2004). Bien qu’on en comprenne mal l’incidence, l’exposition à des bruits sismiques pourrait aussi avoir, en plus des répercussions décrites ci-dessus (p. ex., déficiences auditives temporaires ou permanentes, perturbations du comportement), divers effets sublétaux sur la baleine à bec commune. L’énergie acoustique maximale provenant des nappes de sismographes est de l’ordre de 20 à 160 Hz, ce qui est bien inférieur au maximum des fréquences audibles par la baleine à bec commune. Les nappes de sismographes peuvent aussi produire une importante énergie acoustique, de 1 à 20 kHz (Evans 2002), qui chevauche la gamme des fréquences audibles sensibles des baleines à bec; toutefois, selon Lawson et coll. (2000), on ne dispose pas de données qui permettent de tracer un audiogramme estimatif de la baleine à bec commune.

De plus, les espèces qui plongent dans les profondeurs pourraient être particulièrement sensibles aux bruits sismiques, le son pouvant se concentrer dans les couches d’eau profondes et donc se propager plus loin (Evans 2002). Parmi ces espèces, la baleine à bec commune serait tout particulièrement sensible aux bruits sismiques (Evans 2002).

De mai à juin 2003, la société Encana a effectué une étude associée à un programme d’acquisition de données sismiques dans l’est du plateau néo-écossais pour déterminer la réaction des cétacés aux sismographes (Potter et coll. 2007). Les scientifiques participants ont comparé le nombre de rencontres pendant les périodes où les sismographes étaient en activité et celles où ils ne l’étaient pas, afin d’évaluer la réaction des animaux. Au cours de l’étude, qui couvrait le talus continental à l’est du canyon Haldimand, un certain nombre de baleines à bec communes ont été rencontrées, mais l’analyse effectuée ne ciblait pas cette espèce en particulier (les résultats englobaient plusieurs espèces de baleines à fanon et d’odontocètes). Les scientifiques ont conclu que le nombre de baleines observées dans leur champ de vision n’était que légèrement inférieur pendant les périodes où les sismographes fonctionnaient par rapport aux périodes où ils n’étaient pas utilisés (1 dans le premier cas et 1,16 dans le second, ce qui n’est pas statistiquement significatif). Toutefois, quand la nappe de sismographes était en marche, les baleines avaient tendance à se rassembler en plus grand nombre et étaient moins vocales; de plus, elles étaient alors moins portées à s’approcher à une distance inférieure à 100 m du navire (Potter et coll. 2007). Il est difficile, cependant, de tirer de ces résultats des conclusions concrètes au sujet des incidences des bruits sismiques sur les baleines à bec communes.

Il y a beaucoup d’incertitude au sujet du niveau d’exposition sonore qui engendre des effets néfastes sur les mammifères marins. Ailleurs, aux États-Unis par exemple, on a tenté d’établir des critères quantitatifs plus précis au sujet des niveaux de bruit acceptables dans le milieu marin. Toutefois, compte tenu de la réaction variable des mammifères marins au son et de l’incertitude scientifique importante qui existe à ce sujet, le Canada n’a pas emboîté le pas. Une étude du MPO (Lee et coll. 2005) réalisée en juillet 2003 a révélé que les sons de 145 dB re 1 μPa produits par un relevé sismique à plus de 20 km au sud-ouest qui étaient reçus par des baleines à bec dans le Gully n’occasionnaient pas chez elles de déplacements. Hormis ces observations, on sait peu de choses des niveaux sonores que peuvent tolérer ces baleines sans être perturbées ou blessées.

Depuis le milieu des années 1990, le MPO, l’OCNEHE et l’industrie du pétrole ont pris les devants et appliqué plusieurs mesures d’atténuation (décrites plus loin) des incidences du bruit sur les baleines à bec communes. Plusieurs entreprises qui détiennent des licences pour des zones avoisinantes ont effectué des évaluations environnementales exhaustives, amélioré les mesures d’atténuation, adopté des codes opérationnels de conduite, entrepris des programmes de surveillance des effets environnementaux de leurs activités et appliqué l’Énoncé des pratiques canadiennes sur l’atténuation des incidences des levés sismiques dans le milieu marin (MPO 2007b). Ces mesures de précaution reflètent certaines des incertitudes et préoccupations au sujet des effets possibles de l’industrie du pétrole sur des espèces vulnérables comme la baleine à bec commune.

Le plus récent Rapport de situation du COSEPAC sur la baleine à bec commune indique que la pollution par les débris flottants dans la région du Gully pourrait être une menace pour les baleines, le plus grand risque à cet égard étant celui que posent les engins de pêche abandonnés ou d’autres matériels dans lesquels les baleines pourraient s’emmêler (Whitehead et coll. 1996). Dufault et Whitehead (1994) ont constaté que les débris flottants dans la zone du Gully étaient plus nombreux que dans d’autres zones du plateau néo-écossais qu’ils ont étudiées. Reste qu’il y a eu relativement peu d’études à ce sujet et que celles qui ont été réalisées ne portaient que sur quelques zones.

Certains estiment que les niveaux croissants de pollution due à l’exploration et à la mise en valeur des hydrocarbures dans la région représentent une menace possible pour la santé des baleines (voir p. ex., Faucher et Whitehead 1995, Whitehead et Wimmer 2002b). Les déblais de forage alentour des plateformes pétrolières, l’eau extraite, les déversements accidentels d’hydrocarbures et la hausse du trafic maritime sont des sources possibles d’accroissement des polluants; toutefois, rien n’indique clairement qu’il y ait eu une pollution nuisible dans l’habitat des baleines ces dernières années. Plusieurs champs gaziers visés par le Projet énergétique extracôtier de l’île de Sable sont actuellement en phase de production. Le champ le plus proche, Venture, est à environ 35 km de la limite de la ZPM du Gully. La surveillance des activités entreprises dans le cadre de ce projet le long de la limite de la ZPM du Gully et au sein de la ZPM n’a pas révélé de présence significative de contaminants dans l’habitat principal de la baleine à bec commune.

Les scientifiques universitaires continuent d’analyser des échantillons de polluants. Une étude publiée récemment (Hooker et coll. 2008) laisse croire que les concentrations de DDT chez les baleines du plateau néo-écossais ont augmenté entre 1996 et 2003, mais on ne connaît pas la cause de cette augmentation. Les baleines du plateau néo-écossais seraient plus contaminées que celles du détroit de Davis selon cette étude, qui relevait également des niveaux plus élevés des mesures d’expression de la protéine CYP1A1 en 2003 par rapport aux autres années, ce qui pouvait signifier que les baleines avaient été exposées à de la pollution cette année-là. Dans l’ensemble, toutefois, les teneurs en contaminants parmi la population du plateau néo-écossais sont comparables à celles qu’on trouve chez d’autres cétacés de haute mer et on ne croit pas qu’elles soient suffisamment hautes pour causer des problèmes de santé.

Selon des relevés sur les débris persistants du littoral effectués par Lucas (1992) sur l’île de Sable dans les années 1980 et au début des années 1990, 92 p. 100 des débris étaient des matières plastiques provenant de divers secteurs d’activité dans le milieu marin, en particulier de l’industrie de la pêche. D’après les cas d’emmêlement de deux espèces de phoque et de trois espèces d’oiseau de mer ainsi que d’ingestion de plastique et de latex par des tortues luths observés par Mme Lucas, les débris dans les eaux du plateau néo-écossais constituent un danger pour tous les animaux marins.

Les aires de dépôt de munitions peuvent être considérées comme des sources possibles de contaminants. D’après la Section de la sécurité et de l’environnement de la Formation du MDN, l’aire de dépôt la plus proche est un site d’immersion de gaz moutarde de 1945 situé au large du plateau continental par 42,8333 degrés de latitude nord et 60,1833 degrés de longitude ouest, à une profondeur supérieure à 2 000 m. Elle se trouve à environ 120 km au sud-ouest de la limite de la ZPM du Gully.

Les déversements en mer dus aux navires sont aussi une source possible de contaminants dangereux pour les mammifères marins.

L’accès à de bonnes sources de nourriture semble être un élément déterminant dans la répartition de la baleine à bec commune sur le plateau néo-écossais. Il apparaît, en particulier, que les baleines dépendent beaucoup de l’encornet du genre Gonatus. Selon certaines indications indirectes, il y a une abondance extraordinaire de proies dans le Gully et les canyons adjacents, qui incite les baleines à bec communes à se concentrer à cet endroit. Toute perturbation dans les sources alimentaires au sein de l’habitat principal des baleines pourrait les amener à abandonner les lieux. Comme peu d’autres endroits semblent leur offrir pareilles possibilités de trouver à bien se nourrir, cela pourrait avoir une incidence phénoménale sur la population. Toute pêche commerciale future de l’encornet, cette importante proie des baleines à bec communes, constituerait aussi une nouvelle menace pour ces baleines.

Les cétacés entrent en collision avec des navires quand les navires ne peuvent détecter ou éviter l’animal lorsqu’ils s’en approchent. Ces collisions peuvent aboutir à des modifications du comportement, des blessures graves ou la mort. L’ampleur de leurs effets varie selon l’espèce ainsi que selon la taille, le type et la vitesse du navire. Les collisions avec des navires constituent un risque particulièrement grand pour les populations dont les animaux se concentrent dans des zones à forte densité de circulation maritime. On ne comprend pas bien les mécanismes qui entrent en jeu lorsqu’un cétacé est incapable de détecter un navire et d’éviter d’être frappé par lui, mais on pense qu’ils peuvent être liés à la capacité auditive de l’animal exposé à la fréquence du bruit produit par les moteurs du navire (voir Terhune et Verboom 1999).

Le COSEPAC a établi que les collisions avec les navires constituaient une menace pour la baleine à bec commune (Whitehead et coll. 1996). Il n’y a pas de cas avéré de collision entre des baleines à bec communes et des navires; les individus de cette espèce sont vraisemblablement capables d’éviter la plupart des navires. Toutefois, comme ces animaux évoluent loin au large, il est peu probable qu’on découvrirait les restes des baleines à bec mortellement blessées dans des collisions graves avec des navires; il y a donc là une menace possible qui ne peut être écartée. Gowans (1999) a observé sur des baleines des cicatrices qui auraient pu être causées par de telles collisions. Lucas et Hooker (2000) ont trouvé à l’île de Sable une baleine à bec de Sowerby (Mesoplodon bidens) morte dont les blessures auraient pu provenir d’une collision avec un navire.

Bien que le Gully soit situé à proximité de grands couloirs de navigation, on pense que les navires qui transitent par le Gully sont relativement peu nombreux (Herbert, comm. pers.). Des mesures volontaires pour réduire le risque de contact entre les navires et les mammifères marins sont en place pour ce qui concerne le Gully. Quelques navires commerciaux, bâtiments de la Marine, navires de pêche et navires scientifiques occasionnels franchissent le canyon; leur nombre a été estimé à environ un par jour (Herbert, comm. pers.).

Dans le cadre d’une récente analyse des cicatrices et marques présentes sur le melon de certaines baleines, Mitchell (2008) a observé des traces de collisions avec des navires.

Selon l’article 2 de la LEP, l’habitat essentiel est «l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ».

L’Évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) de la baleine à bec commune réalisée par le PO (MPO 2007a) définit ainsi l’habitat essentiel de la population du plateau néo-écossais : « L’habitat essentiel de cette population est caractérisé par des eaux atteignant plus de 500 mètres de profondeur dans les canyons longeant le plateau néo-écossais. Il fournit aux baleines à bec communes un accès à une concentration suffisante de proies (calmars de type Gonatus) leur permettant non seulement de combler leurs besoins énergétiques, mais aussi de socialiser, de se reproduire et d’élever leur progéniture ». L’EPR identifie trois canyons sur le bord du plateau néo-écossais qui semblent contenir de l’habitat essentiel des baleines à bec communes : le Gully et les canyons Haldimand et Shortland.

Tout comme l’EPR, le présent programme de rétablissement identifie l’ensemble de la zone 1 de la zone de protection marine (ZPM) du Gully ainsi que les eaux de plus de 500 mètres de profondeur se trouvant dans les canyons Haldimand et Shortland – spécifiquement ces endroits illustrés en figure 4 – comme l’habitat essentiel de la population du plateau néo-écossais. Comme la baleine à bec commune évolue dans toute la gamme des profondeurs de ces canyons, venant respirer et socialiser à la surface puis plongeant pour se nourrir sur le fond ou près de celui-ci, ces canyons devraient être considérés dans leur totalité, depuis le fond marin jusqu’à la surface, comme l’habitat essentiel de cette espèce.

Les facteurs jugés importants dans la sélection de l’habitat essentiel de la baleine à bec commune étaient : a) la connectivité entre la zone 1 de la ZPM du Gully et les canyons Shortland et Haldimand, et b) l’inclusion d’une gamme de profondeurs et de latitudes. Les coordonnées utilisées pour délimiter l’habitat dans les canyons Shortland et Haldimand suivaient les isobathes de la gamme de profondeurs (500–2 200 m) dont on sait qu’elle englobe les endroits où des baleines à bec communes ont été observées ainsi qu’autant d’éléments bathymétriques possibles caractéristiques du canyon (figure 4). La carte bathymétrique de base qui a été utilisée était la carte 4045 du Service hydrographique du Canada (SHC). Toutes les coordonnées géographiques (latitude et longitude) renvoient au Système de référence géodésique nord-américain de 1983 (NAD83). Les trois polygones d’habitat essentiel de la zone 1 du Gully et des canyons Shortland et Haldimand englobent plus de 95 % des lieux connus où des baleines à bec communes ont été observées sur le plateau néo-écossais.

Pour simplifier l’indication des coordonnées sur les cartes, en papier ou électroniques, ainsi que leur inclusion et leur interprétation dans les règlements, on a retenu des paires de coordonnées dont les secondes ne comportent pas de décimales, ayant été arrondies au cinquième de seconde. L’utilisation de coordonnées claires et concises facilite leur interprétation et leur utilisation. Chaque paire de coordonnées de la limite est-ouest et de la limite nord-sud tombe sur le même méridien de latitude et le même parallèle de longitude, de sorte que les limites selon des axes loxodromiques sont, autant que possible, orthogonales, sauf dans les cas de celles qui suivent une ligne azimutale pour englober toute la gamme des profondeurs auxquelles évolue la baleine à bec commune.

Figure 4. Délimitation de l’habitat essentiel de la baleine à bec commune. (Les coordonnées de la zone 1 de la ZPM du Gully figurent dans le site : http://gazette.gc.ca/archives/p2/2004/2004-05-19/html/sor-dors112-fra.html

Les trois canyons susmentionnés constituent un habitat essentiel pour les principales raisons suivantes : 1) ils offrent des sources d’alimentation exceptionnelles, 2) ils sont propices à d’autres processus essentiels du cycle vital comme la socialisation, l’accouplement et la mise bas et 3) ils sont utilisés de façon constante par une proportion importante de la population (voir les points 1.4.3 et 1.4.4). Dans les relevés réalisés, la quasi-totalité des baleines observées se trouvaient dans la zone 1 des eaux du Gully ou à plus de 500 m de profondeur dans celles des canyons Shortland et Haldimand. Il paraît probable que les canyons se distinguent du reste du plateau néo-écossais par leur capacité de soutenir les concentrations de baleines à bec communes et de ce fait il est raisonnable de conclure qu’ils sont essentiels à la survie de l’espèce. D’autres analyses relatives à l’habitat essentiel de la baleine à bec commune et une explication plus détaillée sur la sélection de ces trois canyons sont présentées dans le document MPO 2007a.

Il y a à l’ouest trois canyons plus petits, les canyons Verrill, Dawson et Logan, mais on y a rarement observé des baleines à bec communes (MPO 2007a). Quoi qu’il en soit, compte tenu de l’affinité apparente de la population du plateau néo-écossais avec les canyons sous-marins, ils pourraient être un habitat important si la population venait à augmenter. La zone située entre le Gully et les canyons Haldimand et Shortland, par laquelle les baleines doivent transiter régulièrement pour aller d’une aire d’alimentation à une autre, peut aussi être importante pour la survie de la population. Toutefois, il n’y a eu pratiquement aucune étude des trajets suivis par les baleines entre les canyons. Le tableau 1 présente un calendrier des études qui devraient être entreprises pour déterminer si d’autres zones font partie de l’habitat essentiel de cette population.

La capacité biotique du plateau néo-écossais pour la baleine à bec commune n’est pas connue. La densité des baleines est plus élevée dans le Gully que dans les canyons Shortland et Haldimand. Cela pourrait indiquer qu’une expansion de l’aire de répartition est possible vers ces deux derniers canyons. Toutefois, un canyon de l’envergure du Gully pourrait avoir une productivité proportionnellement plus élevée, en raison de ses caractéristiques océaniques et bathymétriques qui lui permettent de soutenir une densité de baleines supérieure à celle des plus petits canyons. L’absence de croissance de la population et le faible taux de natalité apparent pourraient signifier que la baleine à bec commune a atteint la capacité biotique du canyon ou s’en approche, quoique le faible taux de natalité est peut-être sans rapport avec la capacité biotique.

Le présent programme de rétablissement recense toutes les parties connues de l’habitat essentiel, étant entendu cependant qu’il est possible que celui-ci comprenne aussi d’autres zones. Les travaux de recherche qui seront entrepris pour déterminer si l’habitat essentiel est plus étendu devraient être axés, du moins dans un premier temps, sur les corridors entre le Gully et les canyons Shortland et Haldimand, que les baleines empruntent vraisemblablement de façon régulière. Les études présentées dans le calendrier suivant (tableau 1) ont pour but de déterminer si ces zones s’ajoutent à l’habitat essentiel de cette population.

Nature de l’étude Objectif Délai d’exécution
Surveillance acoustique et visuelle de l’accore du plateau néo-écossais entre le Gully et les canyons Shortland et Haldimand. Déterminer les trajets suivis par les baleines entre les canyons et évaluer l’importance de certains corridors. Étude commencée. Achèvement prévu en 2011.

Plusieurs partenaires pourraient prendre part aux travaux, dont l’Université Dalhousie, des chercheurs affiliés à d’autres universités et les industries des pêches et du pétrole.

Le Gully et les canyons Shortland et Haldimand représentent les habitats essentiels à la baleine à bec commune principalement pour les sources de nourriture qu’ils lui offrent. Toute influence humaine sur l’habitat de ces canyons qui en supprimerait les caractéristiques fonctionnelles et les empêcherait de jouer leur rôle essentiel de sources alimentaires de la baleine à bec commune pourrait être considérée comme une destruction d’un habitat essentiel. Cela pourrait être le cas d’interventions qui modifieraient les caractéristiques ou les processus attirant des concentrations d’encornets du genre Gonatus dans les canyons ou qui empêcheraient les baleines d’avoir accès à ces concentrations. On ne croit pas qu’il y ait actuellement dans ces canyons des activités humaines susceptibles de détruire l’habitat essentiel.

Bien que la population du plateau néo-écossais compte moins de 200 individus, il apparaît que c’est une population dont l’effectif est naturellement bas et qui n’a peut-être jamais dépassé quelques centaines d’animaux (MPO 2007a). Tel qu’indiqué précédemment, les prélèvements de la chasse parmi cette population dans les années 1960 se sont chiffrés à 87 baleines et on ne sait pas dans quelle mesure la population s’est rétablie de ces prélèvements. Des analyses récentes ne révèlent pas de tendance perceptible dans l’effectif de la population depuis la fin des années 1980, ce qui pourrait laisser croire que la population a atteint sa capacité biotique (Whitehead et Wimmer 2005, MPO 2007a). Il se peut aussi que des facteurs limitatifs d’origine anthropique empêchent la population de croître. Quoiqu’il en soit, comme, d’une part, il ne semble pas que la population diminue sensiblement à l’heure actuelle et que, d’autre part, elle paraît, selon certains indices, stable depuis au moins plusieurs décennies (malgré sa faible abondance), il est raisonnable de penser que le maintien d’une population stable ou l’augmentation de cette population sont faisables.

La faisabilité du rétablissement dépend en partie de la capacité de bien gérer les menaces pesant sur la population. Des mesures d’atténuation et de gestion des menaces qui pèsent sur cette population peuvent être prises, certaines étant d’ailleurs déjà en cours d’application. Tel qu’indiqué à la section 2.7.2 et ailleurs dans le présent document, l’habitat principal de la baleine à bec commune dans le Gully est protégé depuis 2004 grâce à la création d’une zone de protection marine (ZPM). Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer si l’existence de la ZPM du Gully se traduit par des avantages importants pour la baleine à bec commune, il est probable qu’elle contribuera largement à atténuer les menaces qui pèsent sur celle-ci. Hors de la ZPM, des mesures d’atténuation des menaces sont aussi en train d’être élaborées, tel qu’indiqué à la section 2.7.2. Dans l’ensemble, il semble raisonnable de conclure que les menaces peuvent être atténuées et qu’elles le sont dans une certaine mesure. Cela permet aussi de conclure à la faisabilité du rétablissement de la population.

Le but général du programme de rétablissement de la baleine à bec commune consiste donc à :

Il est difficile d’établir des objectifs quantitatifs de rétablissement dans le cas de la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais, parce qu’aucun seuil qui permettrait d’assurer sa survie à long terme n’a été établi et parce qu’on ne sait pas quel était son effectif historique. Néanmoins, il importe de définir la tendance souhaitée dans l’évolution de l’effectif de cette population afin d’établir le cadre dans lequel les mesures de rétablissement seront élaborées et appliquées. Compte tenu du peu d’information disponible sur ce qui constituerait un effectif sûr, il est raisonnable de viser comme but du rétablissement une population stable ou en croissance. La répartition de la baleine à bec commune sur le plateau néo-écossais ne semble pas avoir changé au fil du temps, quoiqu’il y ait quelques incertitudes à ce sujet. Il faudrait, à tout le moins, maintenir sa répartition actuelle.

S’ils sont atteints, les objectifs suivants pourraient contribuer à stabiliser ou à accroître la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais et à maintenir, à tout le moins, sa répartition actuelle :

Un ensemble de stratégies est proposé pour atteindre chacun des objectifs. La mise en œuvre de ces stratégies nécessitera une étroite collaboration entre les gouvernements, des experts scientifiques indépendants, les intervenants concernés et d’autres parties prenantes; elle dépendra aussi des ressources disponibles.

Objectif 1 : Avoir une meilleure connaissance de l’écologie de la baleine à bec commune, y compris les besoins en matière d’habitat essentiel, la capacité biotique, la reproduction, les interactions trophiques et les sources de mortalité touchant les baleines de cette population, ainsi que leurs liens avec d’autres populations (p. ex., celle du détroit de Davis).

Stratégies correspondantes

Les besoins en matière de recherche et les lacunes dans les connaissances sont analysés plus en détail à la partie 2.5.

Objectif 2 : Avoir une meilleure connaissance de l’effectif, de la tendance et de la répartition de la population.

Stratégies correspondantes

Objectif 3 : Avoir une meilleure connaissance des menaces anthropiques pesant sur l’espèce, comme les risques de contact avec les engins de pêche, les activités de mise en valeur du pétrole, le bruit et les contaminants, surveiller ces menaces et élaborer des mesures de gestion pour les réduire si nécessaire.

Stratégies correspondantes pour ce qui est des risques que représentent les engins de pêche

Stratégies correspondantes pour ce qui est de la mise en valeur des hydrocarbures

Stratégies correspondantes pour ce qui est du bruit d’origine anthropique

Stratégies correspondantes pour ce qui est des contaminants

Stratégies correspondantes pour ce qui est des autres activités et menaces

Objectif 4 : Amener les intervenants concernés et le public à s’investir dans le rétablissement par l’éducation et la gouvernance.
Stratégies correspondantes

Il est essentiel que le plan d’action qui sera élaboré en vue du rétablissement de la baleine à bec commune comporte des indicateurs de rendement mesurables, qui permettront d’évaluer le succès des activités de rétablissement de l’espèce par rapport au but fixé. Un ensemble d’indicateurs mesurables devrait être élaboré et appliqué aux stratégies associées à chacun des quatre objectifs de rétablissement définis dans le présent programme de rétablissement. Inévitablement, un bon nombre de ces indicateurs reflèteront les lacunes actuelles dans les connaissances sur la baleine à bec commune et seront donc liés aux travaux de recherche. À l’occasion des examens du programme de rétablissement et du plan d’action connexe qui auront lieu à intervalles réguliers, il conviendrait de revoir les indicateurs de progrès pour faire en sorte qu’ils reflètent les nouvelles connaissances. Le tableau 2 expose les mesures qualitatives préliminaires des progrès accomplis dans le rétablissement pour lesquelles des indicateurs quantitatifs devront être définis lors de l’élaboration du plan d’action.

Objectif de rétablissement Mesure du progrès
Objectif 1 : Avoir une meilleure connaissance de l’écologie de la baleine à bec commune, y compris les besoins en matière d’habitat essentiel, la capacité biotique, la reproduction, les interactions trophiques et les sources de mortalité touchant les baleines de cette population, ainsi que leurs liens avec d’autres populations (p. ex., celle du détroit de Davis).
  • Les sources de mortalité ont été cernées et quantifiées.
  • La capacité biotique de l’habitat de la baleine à bec commune a été quantifiée.
  • Les études indiquées au tableau 1 ont été effectuées.
  • La composition et la disponibilité des proies ont été évaluées.
  • Du personnel formé et qualifié est intervenu en temps voulu dans tous les cas d’échouage.
Objectif 2 : Avoir une meilleure connaissance de l’effectif, de la tendance et de la répartition de la population.
  • L’effectif de la population a été évalué régulièrement (à < 5 ans d’intervalle environ).
  • Les estimations de la tendance de la population sont considérées exactes à 5 % près.
  • L’abondance a été régulièrement surveillée dans le Gully, les canyons Haldimand et Shortland et les zones adjacentes.
  • La tendance de la population a été régulièrement établie d’après les données disponibles les plus récentes.
Objectif 3 : Avoir une meilleure connaissance des menaces anthropiques pesant sur l’espèce, comme les risques de contact avec les engins de pêche, les activités de mise en valeur du pétrole, le bruit et les contaminants, surveiller ces menaces et élaborer des mesures de gestion pour les réduire, si nécessaire.
  • La contribution des menaces anthropiques à la mortalité a été quantifiée, cela pour chacune de ces menaces connues.
  • La portée et la gravité des menaces ont été régulièrement surveillées.
  • La mortalité d’origine anthropique se situe dans les limites du prélèvement biologique potentiel (PBP) recommandé; les cas individuels de mortalité et les tendances de la mortalité dans cette population sont surveillés.
  • Des mesures de gestion supplémentaires ont été mises en place si le PBP est dépassé.
Objectif 4 : Amener les intervenants concernés et le public à s’investir dans le rétablissement par l’éducation et la gouvernance.
  • Des programmes de formation et de sensibilisation ont été mis en place à l’intention de certains groupes d’utilisateurs, de fonctionnaires et du grand public.
  • De la documentation éducative a été élaborée et diffusée.
  • Les intervenants concernés et le public participent à des activités de gérance.

Il y a des lacunes dans les connaissances au sujet des baleines à bec communes présentes dans les eaux canadiennes, notamment en ce qui concerne la biologie, l’écologie, les besoins en habitat de ces baleines ainsi que les menaces qui pèsent contre elles. Voici une liste des éléments à étudier pour combler ces lacunes.

Taille, structure et tendances de la population

Bien qu’à l’époque de la chasse un grand nombre – par rapport à l’effectif actuel – de baleines (87) aient été capturées dans le Gully et sur les bords des Grands Bancs, on ne sait pas quel était l’effectif de la population avant que la chasse ne commence. On ne connaît pas pleinement non plus la répartition de l’espèce. Des baleines à bec communes ont été vues à l’est et à l’ouest des Grands Bancs, mais on ne sait pas à quelle population elles appartiennent. Pour bien comprendre la population du plateau néo-écossais et ses interactions avec les populations voisines, on a besoin de plus d’information, notamment sur les éléments suivants :

Répartition, habitat, déplacements et proies

La question de la répartition des baleines à bec communes sur le plateau néo-écossais et dans les autres zones de population a été abordée en détail ci-dessus. Selon Dalebout et coll. (2006) moins de deux individus par génération se déplaceraient entre les deux zones considérées. Compton (2004) a démontré que l’habitat pouvait comprendre des corridors entre ces zones. Toutefois, on ne sait pas si, étant donné la portée limitée de leurs déplacements, les baleines à bec communes du plateau néo-écossais utilisent ces corridors pour atteindre le détroit de Davis, au large de Terre-Neuve et du Labrador. On a tenu pour acquis que la répartition des baleines à bec communes du plateau néo-écossais était centrée alentour des canyons sous-marins, en raison des concentrations de proies qu’on y trouve, mais il y a peu d’éléments pour confirmer cette hypothèse. De plus, les quelques études sur les proies qui ont été réalisées révèlent que les encornets du genre Gonatus sont la principale proie de l’espèce, mais il n’y a pas d’information sur la répartition ou les espèces de Gonatus dans la région. Il est probable que les baleines à bec communes du plateau néo-écossais dépendent d’un type de proie donné. Si cette proie a une répartition restreinte, il se peut que les baleines ne soient pas en mesure d’échapper à divers facteurs nuisibles (comme l’acquisition de données sismiques, la pêche et la navigation).

Les encornets du genre Gonatus sont les principales proies des baleines à bec communes dans le Gully (Hooker et coll. 2001). On ne sait pas si les proies des baleines à bec communes du détroit de Davis diffèrent de celles des baleines à bec communes du plateau néo-écossais. Les habitudes alimentaires de ces deux populations canadiennes, et donc leurs besoins en matière d’habitat, pourraient ne pas être les mêmes.

Bien qu’on dispose d’une information fondamentale, courante ou historique, il y a encore de grandes lacunes dans les connaissances, en particulier en ce qui concerne les éléments suivants :

Toutes les activités humaines connues ayant lieu sur ou près du plateau néo-écossais, en particulier ceux dans l’habitat de la baleine à bec commune, ont été illustrées visuellement dans une publication du MPO intitulée « La plate-forme néo-écossaise : atlas des activités humaines ». On peut consulter ce document, qui sera mis à jour à mesure que d’autres renseignements deviennent disponibles, dans le site Web http://www.mar.dfo-mpo.gc.ca/oceans/f/essim/atlas/ss_toc-f.html. Voici une courte liste des menaces pour lesquelles subsistent des lacunes dans les connaissances :

Un plan d’action est un document qui décrit les activités nécessaires pour atteindre les buts et objectifs du programme de rétablissement. Il comprend des renseignements sur l’habitat et la protection de l’espèce considérée, ainsi qu’une évaluation des coûts et avantages socioéconomiques de son rétablissement. Il représente le deuxième volet du processus de planification du rétablissement et sert à mettre en œuvre les activités destinées à améliorer la situation de l’espèce.

Une fois le programme de rétablissement approuvé conformément à la Loi sur les espèces en péril et versé dans le registre public, un plan d’action pour le rétablissement de la baleine à bec commune sera élaboré dans les deux ans (juin 2011). Dans l’intervalle, il peut être donné suite à un bon nombre des stratégies présentées ici, ce qui fera du rétablissement une activité continue à laquelle il est possible d’œuvrer sans disposer d’un plan d’action officiel.

Au cours des 20 dernières années, des organisations, gouvernementales et non gouvernementales, ont pris de nombreuses initiatives axées sur l’étude scientifique et le rétablissement de la baleine à bec commune. Les paragraphes qui suivent n’en font pas un compte rendu exhaustif, mais ils donnent un aperçu des principales activités entreprises qui devraient contribuer au rétablissement de la population de baleines à bec communes.

En 1988, des scientifiques de l’Université Dalhousie ont entrepris une étude à long terme des baleines à bec communes du Gully (Whitehead et Wimmer 2002a). Il s’agissait du premier programme d’étude scientifique de longue haleine sur le terrain portant sur des baleines à bec vivantes (Gowans 2002). Il comprenait des relevés visuels réguliers depuis des navires, des études des plongeons, des déplacements, de la vocalisation des baleines, une analyse de leur alimentation, une évaluation des habitats auxquels elles sont associées, une surveillance acoustique et d’autres activités.

Le MPO a réalisé des relevés sur l’abondance et la répartition de la baleine à bec commune au sein de son habitat, y compris un relevé systématique par navire en 2003 (Gosselin et Lawson, 2004). À l’heure actuelle, le Ministère met en œuvre, en collaboration avec l’Université Dalhousie, un programme de surveillance acoustique dans le Gully et les canyons adjacents faisant appel à des enregistreurs acoustiques autonomes. Ces dispositifs enregistrent les vocalisations des baleines à bec communes et d’autres baleines, ainsi que le bruit ambiant et le bruit d’origine anthropique. L’analyse des enregistrements donne une indication de la répartition et de l’abondance des baleines et contribue à l’évaluation de la perturbation sonore.

Dans le cadre du programme de recherche sismique sur le Gully, diverses études ont été effectuées ces dernières années sur les mammifères marins de la partie extérieure du plateau néo-écossais et sur les effets possibles de la prospection d’hydrocarbures sur ces espèces. Plusieurs de ces études comprenaient des travaux sur la baleine à bec commune. Les résultats du programme de recherche sismique sur le Gully sont résumés dans le rapport 151 du Fonds pour l’étude de l’environnement (Lee et coll. 2005).

Face aux inquiétudes croissantes au sujet des incidences des activités humaines sur la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais, le MPO a désigné « sanctuaire de baleines » une partie du Gully en 1994 et communiqué des lignes directrices connexes aux navires qui fréquentent la zone. Au milieu des années 1990, le MPO a classé le Gully comme zone d’intérêt en vue de la création d’une zone de protection marine (ZPM) conformément à la Loi sur les océans. Dans le cadre de cette initiative, des mesures de protection provisoires ont été mises en place, qui comprenaient des restrictions sur les activités halieutiques et pétrolières dans la zone. Après plusieurs années de planification, d’étude et de consultations, un règlement pris en mai 2004 a créé la ZPM du Gully. Cette ZPM s’étend sur 2 364 km2 et englobe l’habitat de coraux d’eau profonde et d’une grande variété de baleines, dont la baleine à bec commune. Le règlement interdit de façon générale de perturber, d’endommager, de détruire ou d’enlever tout organisme marin vivant ou toute partie de son habitat. Il interdit aussi les activités qui occasionnent le dépôt, le rejet ou la décharge de substances au sein ou au voisinage de la ZPM et qui contreviennent aux interdictions générales susmentionnées. Cette partie du règlement reconnaît que les activités humaines qui ont cours à l’extérieur de la ZPM sont susceptibles d’avoir des effets nuisibles au sein de la ZPM. Les « Lignes directrices générales concernant les zones de protection marines » publiées dans « l’Édition annuelle des Avis aux navigateurs » contiennent des dispositions réglementaires et des directives opérationnelles à l’intention des navires pour la protection des mammifères marins et la prévention de la pollution dans la ZPM du Gully.

C’est dans la partie centrale du canyon du Gully (appelée zone 1) que la ZPM offre le plus grand degré de protection. Cet endroit est important pour la baleine à bec commune. Le plan de gestion de la ZPM du Gully (MPO 2008) établit des objectifs et des stratégies de gestion pour protéger l’écosystème du canyon. « Protéger les cétacés contre les impacts des activités humaines » est un enjeu prioritaire en matière de conservation dans ce plan. Il y est indiqué que des mesures doivent être prises pour « minimiser et gérer les effets néfastes et le stress que subissent les cétacés et leur habitat en raison des activités humaines » dans le Gully. Pour ce qui est plus spécifiquement de la baleine à bec commune, ce cétacé fait l’objet d’une attention particulière dans le plan « étant donné qu’on le trouve en grand nombre dans la partie la plus profonde du canyon et qu’il y est présent à longueur d’année ». Le plan de gestion de la ZPM du Gully propose les mesures suivantes pour protéger les cétacés présents dans la ZPM :

Ces mesures proposées sont compatibles avec les objectifs et stratégies de rétablissement de la baleine à bec commune indiqués aux sections 2.2 et 2.3, et elles devraient y contribuer.

L’Office Canada - Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers (OCNEHE) a adopté en 1997 une politique sur le Gully, dans laquelle il était indiqué qu’aucune activité pétrolière ou gazière ne serait permise dans le Gully pendant que le MPO tenait des consultations et constituait le dossier sur la ZPM. De plus, les exploitants de l’industrie pétrolière et gazière qui détiennent des licences pour des zones avoisinantes ont élaboré des modalités exhaustives d’évaluation environnementale (aux termes de la LCEE et de l’ancien processus d’évaluation environnementale de l’OCNEHE), de meilleures mesures d’atténuation ainsi que des codes de conduite opérationnels, et ont entrepris de surveiller les effets environnementaux de leurs activités. Les programmes de prospection sismique et programmes d’exploration, exclusifs ou non, réalisés près du Gully à partir de 1999, ont remis à l’ordre du jour les préoccupations suscitées de longue date par les effets éventuels du bruit d’origine anthropique sur le comportement des baleines et d’autres organismes.

Des initiatives de conservation du même genre ont été prises ces dernières années au sujet des baleines à bec des canyons Shortland et Haldimand. En 2002, l’OCNEHE a procédé à une évaluation environnementale stratégique qui a mis en évidence plusieurs facteurs de fragilité environnementale dans cette zone et des efforts ont été déployés pour tenir compte des préoccupations en matière de conservation dans les évaluations environnementales (effectuées en vertu tant de la LCEE que du processus établi par l’OCNEHE) associées à telle ou telle activité d’exploration.

Pêches et Océans Canada a produit un document intitulé « Énoncé des pratiques canadiennes d’atténuation des ondes sismiques en milieu marin » (MPO 2007b). On y décrit les éléments de planification, les protocoles d’évaluation et les mesures d’atténuation associés aux relevés sismiques. Le document est axé sur les procédures à suivre afin de réduire les nuisances que représentent les ondes sismiques pour les mammifères marins, en particulier ceux qui appartiennent à une espèce menacée ou en voie de disparition. Un bon nombre des mesures d’atténuation y figurant sont actuellement mises en œuvre par les exploitants et par les offices qui régissent les hydrocarbures extracôtiers.

La Division de la gestion côtière et des océans du MPO a pris diverses initiatives dans la Région des Maritimes pour établir un cadre de gestion écosystémique intégrée et concertée de l’océan, notamment l’initiative de Gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais (GIEPNE). Ces initiatives font appel à la contribution de divers intervenants et organes de réglementation, et elles prévoient un forum de planification pour élaborer et mettre en œuvre des objectifs et indicateurs écosystémiques destinés à guider la gestion de diverses activités, y compris celles qui touchent la baleine à bec commune.

La Nova Scotia Swordfishermen’s Association a conçu pour sa part un code de conduite sur la manipulation responsable des tortues marines et sur les mesures d’atténuation connexes, qui propose des mesures concernant les prises accessoires de mammifères marins.

En vertu du paragraphe 83(4) de la LEP, les stratégies de rétablissement et plans d’action connexes peuvent exempter les personnes qui entreprennent certaines activités des interdictions générales prévues dans la LEP. Pour que cette disposition puisse s’appliquer, il faut que les activités en question soient aussi autorisées en vertu d’une autre loi fédérale.

Dans l’Évaluation du potentiel de rétablissement de la baleine à bec commune, le prélèvement biologique potentiel (PBP) calculé pour la population considérée représente une mesure du dommage admissible. Le PBP correspond au nombre maximal d’animaux, excluant les mortalités naturelles, qui peuvent être prélevés dans un stock de mammifères marins sans que cela empêche ce stock d’atteindre ou de maintenir son effectif de population optimal. L’évaluation concluait que le PBP applicable à la population du plateau néo-écossais est de 0,3 individu par an.

Comme cette population ne peut tolérer qu’un faible degré de dommages admissibles et que la mortalité associée aux activités humaines n’a pas été quantifiée, le présent programme de rétablissement ne recourt pas au paragraphe 83(4) pour soustraire des activités aux interdictions. Les personnes qui désirent entreprendre une activité susceptible de contrevenir aux interdictions de la LEP applicables aux baleines à bec commune peuvent solliciter du ministre des Pêches et des Océans Canada un accord ou un permis en vertu de l’article 73 de la LEP. Ces accords ou permis ne seront octroyés que dans les conditions établies dans la loi.

Anthropique : Qui se rapporte à l’influence des humains sur la nature ou sur l’environnement.

ADN : Acide désoxyribonucléique contenant les instructions génétiques servant au développement et au fonctionnement de tous les organismes vivants connus.

ADN mitochondrial : ADN (acide désoxyribonucléique) présent dans les mitochondries, c.-à-d. les organelles, qui est distinct de l’ADN présent dans le noyau des cellules.

Azimut : Relèvement au compas en degrés par rapport au nord vrai.

Benthique : Qui se rapporte aux sédiments du fond marin et aux couches de subsurface.

Cétacés : Mammifères aquatiques, essentiellement marins, de l’ordre des Cétacés, comprenant les baleines, les dauphins et les marsouins.

Comportement épimélétique : comportement maternel de la mère qui prend soin de ses petits aux premiers stades de leur vie.

Congénère : Membre, p. ex. une autre plante ou un autre animal, du même genre taxinomique.

COSEPAC : Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Organisme, composé d’experts du gouvernement du Canada ainsi que des milieux universitaires et non universitaires, qui évalue les espèces risquant la disparition à l’échelle nationale.

DDT : Dichlorodiphényltrichloroéthane, un des pesticides synthétiques les plus connus.

En voie de disparition :Espèce sauvage exposée à une disparition imminente du pays ou de la planète.

Hétérozygotie : Fraction des individus d’une population qui sont hétérozygotes pour un gène ou un locus, c’est-à-dire qui possèdent deux allèles différents pour un même trait.

Crête maxillaire : Surface dorsale du cerveau commençant au-dessus de la mâchoire supérieure.

Mésopélagique : Qui se rapporte aux profondeurs de l’océan comprises entre environ 200 et 1 000 mètres.

Microsatellite : N’importe laquelle des nombreuses courtes séquences d’ADN (acide désoxyribonucléique) réparties dans le génome qui consistent en une répétition de deux à cinq nucléotides en général et qui tendent à varier d’une personne à une autre.

Mortalité : Taux de décès.

Niche écologique : Habitat réunissant les conditions nécessaires à l’existence d’un organisme ou d’une espèce.

Pélagique : Qui se rapporte à la pleine mer ou au milieu océanique à distance du fond de l’océan.

Plan d’action : Second volet du processus de planification du rétablissement à deux volets. Le
premier volet, qui est le programme de rétablissement, décrit les données scientifiques de base concernant l’espèce, l’habitat essentiel et les menaces et établit les objectifs qui faciliteront la survie et le rétablissement de l’espèce. Les programmes de rétablissement sont mis en œuvre par l’intermédiaire des plans d’action, qui énoncent les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs établis dans les programmes de rétablissement et indiquent l’entrée en vigueur des mesures.

Prélèvement biologique potentiel : Nombre maximal d’animaux, excluant les mortalités naturelles, qui peuvent être prélevés dans un stock de mammifères marins sans que cela empêche ce stock d’atteindre ou de maintenir son effectif de population optimal.

Sismique : Qui se rapporte aux ondes sonores créées en mer par des batteries de canons à air remorquées par des navires dans le but de délimiter les réserves pétrolières et gazières.

SOCPROG : Série de programmes MATLAB conçue par Hal Whitehead pour analyser les données sur la structure sociale, la structure de population et les déplacements de certains individus.

Teutophages : Se dit d’animaux qui consomment des céphalopodes (encornets ou calmars).

Zone photique : Profondeur de la colonne d’eau depuis la surface à laquelle l’intensité lumineuse est inférieure à 1 p. 100 de ce qu’elle est à la surface; cette profondeur varie selon l’atténuation de la lumière dans la colonne d’eau.

Le tableau 3 résume les menaces, connues et hypothétiques, qui pèsent sur la baleine à bec commune. Chaque menace est classée en fonction des facteurs énumérés ci-après.

Catégorie de menace – Catégorie générale indiquant le type de la menace.

Menace générale – Activité générale à l’origine d’une menace particulière.

Menace particulière – Facteur ou stimulus spécifique occasionnant du stress dans la population.

Stress – Dégradation d’un attribut démographique, physiologique ou comportemental d’une population en réaction à une menace, identifiée ou non, et qui se traduit par une réduction de sa viabilité.

Étendue – Indique si la menace est répandue, locale ou de portée inconnue dans l’aire de distribution de l’espèce.

Existence – Indique si la menace est passée (a contribué au déclin de l’espèce, mais ne touche plus celle-ci), actuelle (touche l’espèce dans le présent) ou hypothétique (pourrait toucher l’espèce dans l’avenir).

Fréquence – Indique si la menace est ponctuelle, continue (en cours), récurrente (se présente de nouveau régulièrement, mais non de manière annuelle ou saisonnière) ou de fréquence inconnue.

Certitude causale – Est élevée (si les meilleures connaissances disponibles au sujet de la menace et de son incidence sur les populations permettent d’établir un lien de cause à effet entre la menace et le stress qu’elle engendre pour la viabilité de la population) moyenne (s’il y a une certaine corrélation entre la menace et la viabilité de la population d’après l’opinion d’experts, etc.) ou faible (si la menace est seulement tenue pour plausible ou hypothétique).

Gravité – Indique si le caractère dangereux de la menace est élevé (important à l’échelle de la population), moyen, faible ou inconnu.

Degré de préoccupation – Indique si la gestion de la menace représente une préoccupation générale élevée, moyenne ou faible pour le rétablissement de l’espèce, compte tenu des facteurs susmentionnés. Les termes « élevé », « moyen » et « faible » sont des termes qualitatifs qui ne sont pas définis plus précisément.

Localement ou locale – Indique que l’information présentée au sujet de la menace s’applique à un endroit particulier ou à une petite partie de l’aire de répartition de l’espèce. Dans le présent programme de répartition, « localement » ou « locale » signifie à un endroit particulier ou dans une petite partie de l’aire de répartition de la population du plateau néo-écossais.

Toute l’aire de répartition – Indique que l’information présentée au sujet de la menace s’applique à l’ensemble de l’aire de répartition ou à une très vaste partie de celle-ci. Dans le présent programme de répartition « toute l’aire de répartition » signifie l’ensemble de l’aire de répartition de la population du plateau néo-écossais.

1. Chasse de la baleine pratiquée par le passé Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Exploitation Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Dans toute l’aire de répartition
Menace générale Chasse Existence par le passé
Fréquence s.o.
Menace particulière Mortalité directe Certitude causale élevée
Gravité élevée
Stress Réduction de la population Degré de préoccupation Faible
2. Emmêlement dans les engins de pêche Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Mortalité accidentelle Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Dans toute l’aire de répartition
Menace générale Pêche Existence actuelle
Fréquence récurrente (peu fréquente)
Menace particulière Emmêlement dans les engins Certitude causale moyenne
Gravité inconnue
Stress Mortalité individuelle Degré de préoccupation moyen
3. Exploitation du pétrole et du gaz Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Perturbations ou pollution Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Dans toute l’aire de répartition
Menace générale Exploration et mise en valeur du pétrole Survenance actuelle
Fréquence continue/récurrente
Menace particulière Perturbations sonores, déversement de contaminants Certitude causale faible
Gravité inconnue
Stress Changements physiologiques ou comportementaux, baisse de la productivité, baisse du succès de reproduction, dégradation de l’habitat Degré de préoccupation de faible à moyen
4. Perturbations sonores Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Perturbations Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Dans toute l’aire de répartition
Menace générale Bruit d’origine anthropique Existence actuelle
Fréquence récurrente
Menace particulière Perturbations sonores Certitude causale moyenne
Gravité inconnue
Stress Masquage, déplacement temporaire de seuil, déplacement permanent de seuil, changements physiologiques ou comportementaux, baisse de la productivité ou du succès de reproduction Degré de préoccupation moyen
5. Contaminants Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Pollution Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Dans toute l’aire de répartition
Menace générale Mise en valeur du pétrole, navigation maritime, pêche, activités à terre Existence actuelle
Fréquence récurrente
Menace particulière Consommation de proies contaminées, exposition directe, dégradation de l’habitat Certitude causale faible
Gravité inconnue
Stress Baisse du succès de reproduction, baisse de productivité, changements physiologiques Degré de préoccupation de faible à moyen
6. Changements dans les sources alimentaires Renseignements sur la menace
Catégorie de menace Changements dans la dynamique écologique Étendue Locale
Localement Toute l’aire de répartition
Menace générale Changements dans les sources alimentaires Existence hypothétique
Fréquence s.o.
Menace particulière Baisse du succès dans la quête de nourriture Certitude causale faible
Gravité inconnue
Stress Baisse du succès de reproduction ou de productivité Degré de préoccupation faible
7. Collisions avec des navires Information au sujet de la menace
Catégorie de menace Mortalité accidentelle Étendue Toute l’aire de répartition
Localement Toute l’aire de répartition
Menace générale Navigation maritime Existence hypothétique
Fréquence récurrente
Menace particulière Collisions avec des navires Certitude causale faible
Gravité faible
Stress Blessures ou mortalités individuelles Degré de préoccupation faible

Le MPO a tenu deux ateliers pour entendre les opinions de multiples intervenants au sujet du contenu du programme de rétablissement. En général, ces ateliers ont réuni des représentants des Régions des Maritimes et de Terre-Neuve du ministère des Pêches et des Océans, de Transports Canada, du ministère de la Défense nationale, de divers ministères du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, d’universités, de groupes autochtones, d’organisations non gouvernementales, de l’industrie de la pêche ainsi que de l’industrie du pétrole et du gaz et des organes qui la réglementent. Le lecteur trouvera une liste détaillée des participants dans les documents indiqués ci-dessous.

Millar, D. 2007. Report on the Northern Bottlenose Whale Recovery Workshop, June 5, 2007. Oceans and Habitat Report 2007-04.

Atelier d’examen de l’ébauche du Programme de rétablissement de la baleine à bec commune, le 25 juin 2008, Institut océanographique de Bedford, Dartmouth. (Version finale du procès-verbal de la réunion du MPO rédigé par la Division de la gestion côtière et des océans et diffusé aux participants le 18 septembre 2008).


1 Une évaluation entreprise en 2004 par l’Université Dalhousie estime plutôt que la population tourne autour de 163 individus.

2 Les êtres humains peuvent généralement percevoir les fréquences se situant entre 20 Hz et 15-20 kHz (la capacité de percevoir les hautes fréquences diminue avec l’âge) (Würsig et Evans 2001); ils ne seraient donc pas en mesure d’entendre une bonne partie des clics des baleines.

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