Examen de la LEP Étude de cas de la Loutre de mer

La Loutre de mer illustre bien l’efficacité des mesures de rétablissement prises pour améliorer la situation démographique d’une espèce. Elle constitue également un exemple de la complexité des travaux de rétablissement lorsque les besoins d’une espèce entrent en conflit avec ceux d’autres espèces en péril.

La Loutre de mer, qui est le plus petit mammifère marin, était autrefois abondante dans les eaux côtières du Pacifique Nord s’étalant depuis le nord du Japon jusqu’au centre de la basse Californie. À la suite d’une chasse intensive pour la fourrure, qui a débuté dans les années 1700, la Loutre de mer est disparue de la majeure partie de son aire de répartition, y compris de la côte pacifique du Canada.

La Loutre de mer a été inscrite en tant qu’espèce « menacée » à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) d’après une évaluation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) faite en 2000. Le COSEPAC a réévalué la Loutre de mer pour lui accorder le statut d’ « espèce préoccupante » en 2007, et, en mars 2009, l’espèce a été inscrite en tant qu’ « espèce préoccupante » à l’annexe 1 de la LEP. Un programme de rétablissement a été complété pour la Loutre de mer au Canada en 2007.

Les efforts de rétablissement consentis pour la Loutre de mer ont débuté bien avant la promulgation de la LEP et se sont poursuivis avec l’inscription de la Loutre de mer à la liste de la LEP. En tout, 89 Loutres de mer provenant de l’Alaska ont été réintroduites à un site de la côte ouest de l’île de Vancouver entre 1969 et 1972. Depuis cette réintroduction survenue il y a plus de 35 ans, la population est passée à plus de 3 000 individus répartis sur approximativement 25 à 33 % de l’aire de répartition géographique de l’espèce en C.-B. Le taux de croissance annuel de la population s’est maintenu à 18-19 % pendant les deux premières décennies, puis a ralenti pour s’établir à 8 % par la suite. L’aire de répartition de la Loutre de mer a pris de l’expansion – à partir du site original de réintroduction – et compte maintenant la majeure partie de la côte ouest de l’île de Vancouver. Les Loutres de mer se sont également établies à un site de la côte centrale de la C.-B., à une certaine distance des sites de l’île de Vancouver.

L’amélioration de la situation de cette espèce est évidente lorsqu’on consulte les évaluations successives du COSEPAC : l’espèce était considérée comme étant en « voie de disparition » en 1978 et en 1986, « menacée » en 1996 et en 2000, puis « préoccupante » en 2007. La désignation en tant qu’espèce préoccupante est fondée sur le fait que l’on ne peut encore démontrer que la population est stable, malgré l’augmentation observée depuis le début des années 1970, et qu’elle demeure vulnérable aux déversements de pétrole.

La Loutre de mer illustre bien comment une population peut se rétablir lorsque les mesures prises contribuent à la création de conditions qui lui sont favorables. Même si les Loutres de mer sont la proie d’autres animaux (épaulards, pygargues) et sont vulnérables à la contamination par les hydrocarbures et à l’emprisonnement dans les engins de pêche, la principale menace à laquelle cette espèce a dû faire face dans le passé est la chasse. Or, en l’absence de cette menace, et avec la présence d’un habitat approprié et la mise en œuvre de mesures de protection et de rétablissement, la population de Loutres de mer réintroduite au Canada a démontré qu’elle pouvait se reconstituer rapidement à partir d’un très faible effectif.

Le rétablissement de la Loutre de mer sur la côte de la C.-B. pourrait avoir des répercussions importantes sur l’écosystème, y compris la prédation exercée sur les populations d’invertébrés, comme l’Haliotide pie, une espèce menacée. La Loutre de mer s’alimente d’oursins, de mollusques, de crabes et d’autres invertébrés côtiers et consomme environ 20 % de son poids corporel par jour pour maintenir son métabolisme élevé. Ces invertébrés ont vraisemblablement vu leur population s’accroître pendant la période au cours de laquelle la Loutre de mer a été absente, ce qui a rendu leur exploitation intéressante.

L’impact de la prédation de la Loutre de mer sur l’Haliotide pie, une espèce inscrite à la liste de la LEP en tant qu’espèce menacée, revêt un intérêt particulier en ce qui concerne la protection et le rétablissement des espèces en péril. La prédation peut contribuer à maintenir de faibles effectifs d’haliotides dans les secteurs où la loutre est présente, même si l’on peut s’attendre à ce que, jusqu’à un certain point, un équilibre se rétablisse entre les populations des deux espèces. Étant donné que les populations des deux espèces sont toujours vulnérables, on dispose de peu de marge pour examiner la prédation de la Loutre de mer sur l’haliotide à l’heure actuelle. On estime cependant que, en assurant une surveillance continue, on pourra mieux comprendre l’impact de la prédation sur la population et la relation complexe entre les espèces.

L’augmentation de la population de Loutres de mer depuis sa réintroduction au début des années 1970 démontre que le rétablissement est possible lorsque les conditions sont favorables. Même si le taux d’augmentation démographique a baissé au cours des dernières années, la population et la répartition des Loutres de mer sur la côte de la C.-B. continuent de prendre de l’expansion. Pour favoriser le rétablissement, il faut surtout s’assurer que les menaces potentielles, particulièrement les déversements d’hydrocarbures, sont limitées.

Comme la prédation peut faire en sorte que les populations d’haliotides demeureront peu abondantes dans les zones d’occurrence de la Loutre de mer, il faudra tenir compte des conséquences du rétablissement simultané de la Loutre de mer au moment d’établir des cibles de rétablissement pour l’Haliotide pie. En pareille situation, à savoir lorsque plus d’une espèce en péril est présente dans le même habitat et lorsqu’il y a des interactions entre ces espèces, il pourrait être intéressant d’utiliser des approches de planification du rétablissement fondées sur les bassins hydrographiques ou les écosystèmes et visant plusieurs espèces. Cependant, l’élaboration de programmes de rétablissement fondés sur de telles approches peut être complexe, c’est pourquoi il est peut-être souhaitable d’attendre que des plans d’actions pour le rétablissement soient élaborés et que l’on en sache davantage sur les espèces et leurs interactions.

Équipe de rétablissement de la Loutre de mer. 2007. Programme de rétablissement de la Loutre de mer (Enhydra lutris) au Canada. Série des programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada. Vancouver. vii + 56 p.

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