Programme de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada [Proposition] – 2011

Loi sur les espèces en péril
Série de Programmes de rétablissement

Table des matières


Programme de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada [Proposition] – 2011

Couverture de la publication : Programme de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada [PROPOSITION] – 2011

Woodsie à lobes arrondis

Photo : Woodsie à lobes arrondis

Référence recommandée :

Environnement Canada. 2011. Programme de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada [Proposition]. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Environnement Canada, Ottawa, v + 20 p.

Pour télécharger le présent programme de rétablissement ou pour obtenir un complément d’information sur les espèces en péril, incluant les rapports de situation du COSEPAC, les descriptions de la résidence, les plans d’action et d’autres documents connexes sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la couverture : Matthew Wild

Also available in English under the title “Recovery Strategy for Blunt–lobed Woodsia (Woodsia obtusa) in Canada [Proposed]”

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 2011. Tous droits réservés.
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Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.


En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’établir une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des programmes de rétablissement pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées et sont tenus de rendre compte des progrès réalisés d’ici cinq ans.

Le ministre de l'Environnement est le ministre compétent pour le rétablissement de la woodsie à lobes arrondis et a élaboré ce programme, conformément à l'article 37 de la etc. Ce programme a été préparé en collaboration avec le ministre des Ressources naturelles de l'Ontario et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.

La réussite du rétablissement de l’espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Environnement Canada ou sur toute autre compétence. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invités à appuyer le programme et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien de la woodsie à lobes arrondis et de l’ensemble de la société canadienne.

Le présent programme de rétablissement sera suivi d’un ou de plusieurs plans d’action qui présenteront de l’information sur les mesures de rétablissement qui doivent être prises par Environnement Canada et d’autres compétences et/ou organisations participant à la conservation de l’espèce. La mise en œuvre du présent programme est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des compétences et organisations participantes.

L’équipe de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis a contribué à la préparation du présent document. Matthew Wild et Daniel Gagnon ont joué un rôle clé dans la rédaction du programme de rétablissement. Barbara Slezak, Angela Darwin, Leslie Hunt, Erin MacDonald, Shaun Thompson, Melissa Laplante, Lesley Dunn, Erica Oberndorfer et Rachel deCatanzaro ont participé aux révisions et aux mises au point du programme de rétablissement.

La woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) est une fougère de taille petite à moyenne dont les frondes peuvent atteindre 60 cm de long. Les lobes arrondis de ses feuilles d’un vert vif sont caractéristiques de l’espèce. Elle ne perd ses feuilles que tard à l’automne. Au Canada, la woodsie à lobes arrondis pousse parmi les roches calcaires, dans des sols en pente orientés vers le sud ou le sud–ouest, sous un couvert forestier relativement ouvert. L’espèce est répandue dans l’est des États–Unis, et elle est présente jusque dans le sud de l’Ontario et du Québec, à la limite nord de son aire de répartition. Le Canada abrite huit populations connues, soit quatre en Ontario et quatre au Québec. En 2005, le nombre total d’individus au Canada était d’environ 1 322. À l’heure actuelle, la woodsie à lobes arrondis est inscrite comme espèce menacée au Canada dans l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. En 2003, le statut de l'espèce en Ontario a été reclassé dans une catégorie de risque plus élevée, passant d'espèce menacée à espèce en voie de disparition. En 2005, l'espèce a été désignée menacée au Québec. Par conséquent, l'espèce est protégée en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition en Ontario, de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables, au Québec, ainsi qu'en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du gouvernement fédéral.

Les menaces qui pèsent sur la woodsie à lobes arrondis comprennent les espèces envahissantes et les perturbations de l'habitat causées par l'altération du paysage et les activités récréatives. La woodsie à lobes arrondis est également limitée par ses besoins précis en matière de microhabitat et la petite taille de sa population. Étant donné que l’espèce se trouve dans l'étendue nordique de son aire de répartition et qu'elle a une répartition naturellement restreinte au Canada, elle sera probablement toujours vulnérable aux facteurs de stress naturels et anthropogéniques. Il y a actuellement des lacunes dans les connaissances en ce qui concerne les populations et la répartition historiques de l'espèce, ses besoins biologiques et écologiques, ses besoins précis en matière de microhabitat et d'autres menaces inconnues pour l'espèce.

Il existe des inconnues relativement à la faisabilité du rétablissement de la woodsie à lobes arrondis au Canada. Par conséquent, en partant du principe de la prudence, le présent programme de rétablissement a été élaboré en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi sur les espèces en péril, comme cela est fait lorsque le rétablissement est jugé réalisable. Le présent programme de rétablissement tient compte des inconnues liées au caractère réalisable du rétablissement. L'objectif en matière de population et de répartition de la woodsie à lobes arrondis est de maintenir les populations existantes et leur habitat dans l'aire de répartition canadienne.

L'habitat essentiel est désigné dans le présent programme de rétablissement pour toutes les populations connues de woodsie à lobes arrondis au Canada. À mesure que des renseignements supplémentaires deviendront accessibles, de l’habitat essentiel additionnel pourra être désigné si les sites satisfont aux critères de l’habitat essentiel.

Un ou plusieurs plans d'action pour la woodsie à lobes arrondis seront publiés dans le Registre public de la LEP d'ici décembre 2016.

D'après les quatre critères suivants présentés par le Gouvernement du Canada (2009), le caractère réalisable du rétablissement de la woodsie à lobes arrondis comporte des inconnues. Conformément au principe de précaution, un programme de rétablissement a été élaboré en vertu du paragraphe 41(1) de la LEP, comme cela serait fait lorsque le rétablissement est jugé réalisable. Le présent programme de rétablissement traite des inconnues entourant le caractère réalisable du rétablissement.

  1. Des individus de l’espèce sauvage capables de se reproduire sont disponibles maintenant ou le seront dans un avenir prévisible pour maintenir la population ou augmenter son abondance.

    Oui. On a observé des individus au Canada et dans les États américains adjacents. La croissance de l’espèce ne semble pas être restreinte par des facteurs biologiques et la dispersion ne semble pas être un facteur limitatif des fougères en général (en raison de la dispersion des spores sur de grandes distances) (Tryon, 1970). Brown (1964) a constaté que lorsque la woodsie à lobes arrondis était cultivée en serre, elle « poussait comme de la mauvaise herbe », ce qui semble indiquer que la croissance et la répartition des populations sont peut–être essentiellement limitées par les besoins particuliers de l’espèce en matière d’habitat.

  2. Un habitat convenable suffisant est disponible pour soutenir l’espèce, ou pourrait être rendu disponible par des activités de gestion ou de remise en état de l’habitat.

    Oui. À grande échelle, l’habitat de la woodsie à lobes arrondis est relativement rare et spécialisé (p. ex. un substrat rocheux calcaire en pente, un couvert forestier relativement bas). Néanmoins, lorsqu’une zone remplit ces conditions, l’habitat convenable de la woodsie à lobes arrondis semble être disponible en quantité importante, bien qu’aucune estimation précise n’ait été calculée. La fougère n’occupe pas les zones qui semblent identiques à l'habitat où elle a l'habitude d'être présente (Consaul, 1994) et les résultats d'une étude sur les microhabitats (Wild, 2003; Wild et Gagnon, 2005) laissent supposer que des sites voisins inoccupés, mais qui sont apparemment convenables, pourraient être envisagés pour l'établissement artificiel de nouvelles populations.La région forestière des Grands Lacs et du Saint–Laurent semble donc constituer un habitat potentiel pour l'espèce, particulièrement le long de l'axe de Frontenac, en Ontario, et de l'escarpement d'Eardley, au Québec.

  3. Les principales menaces pesant sur l’espèce ou son habitat (y compris les menaces à l’extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

    Inconnu. Les menaces qui pèsent sur l’espèce et les facteurs qui limitent la taille de ses populations et sa répartition sont mal compris. Certaines menaces connues auxquelles la woodsie à lobes arrondis fait face peuvent être atténuées par des mesures de protection et d'intendance de l'habitat, mais d'autres menaces (p. ex. les espèces envahissantes) peuvent être plus difficiles à traiter.

  4. Des techniques de rétablissement existent pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition ou leur élaboration peut être prévue dans un délai raisonnable.

    Inconnu. La propagation ex situ de la woodsie à lobes arrondis s’est avérée une réussite et pourrait être une façon d’augmenter la taille des populations existantes ou d’en établir de nouvelles (voir Brown, 1964). Néanmoins, les facteurs qui sont différents entre les sites occupés et les sites non occupés apparemment identiques sont mal compris (Wild, 2003).

Date de l'évaluation : Avril 2007

Nom commun (population) : Woodsie à lobes arrondis

Nom scientifique : Woodsia obtusa

Statut selon le COSEPAC : Menacée

Justification de la désignation : La répartition de cette espèce est très fragmentée au Canada où elle n'a été signalée que dans le sud–est de l'Ontario et le sud–ouest du Québec, dans huit petits sites localisés. Une autre population est maintenant considérée comme disparue. La fougère pousse presque exclusivement sur des pentes rocheuses et calcareuses exposées à de chaudes températures et relativement sèches. La population canadienne totale compte moins de 1 400 plants matures. La principale menace qui pèse sur la plus grande population est la perte anticipée de la qualité de l'habitat et le déclin de la population en raison de la présence et de la propagation d'un arbuste envahissant et exotique. Cependant, la plupart des sites se trouvent dans des aires protégées ou dans des emplacements non perturbés où le recrutement a lieu.

Présence au Canada : Ontario, Québec

Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « menacée » en avril 1994. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en mai 2000. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « menacée » en avril 2007. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d'un rapport de situation.

* Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

La woodsie à lobes arrondis est considérée comme une espèce non en péril à l’échelle mondiale (G5), mais elle est classée espèce gravement en péril au Canada (N1), en Ontario et au Québec (S1) (NatureServe, 2010). Le COSEPAC considère que cette espèce est menacée au Canada, et elle est inscrite à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. La woodsie à lobes arrondis est désignée espèce menacée au Québec en vertu de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables et espèce en voie de disparition sur la liste des espèces en péril de l’Ontario en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition. On estime que la répartition de la woodsie à lobes arrondis au Canada représente moins de 1 % de sa répartition à l’échelle mondiale.

Le classement de la woodsie à lobes arrondis varie d’« espèce gravement en péril » (S1) à « espèce vulnérable » (S3) dans la plupart des États de la Nouvelle–Angleterre et dans les États du Delaware, du Michigan et de la Floride (NatureServe, 2010), mais l’espèce est abondante dans plusieurs États de l’est et n’est pas déclarée comme étant rare dans l’État de New York (Consaul, 1994).

Figure 1 : Répartition à l'échelle mondiale de la woodsie à lobes arrondis (http://flora.huh.harvard.edu [site en anglais seulement])

La figure 1 présente la répartition à l'échelle mondiale de la woodsie à lobes arrondis, qui est présente un peu partout dans l'est de l'Amérique du Nord, soit du Texas jusqu'au sud de l'Ontario, et au sud-est du Québec le long de la frontière avec le Vermont.

La woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) est une fougère de petite à moyenne taille caractérisée par les lobes arrondis de ses frondes d’un vert vif, qu’elle ne perd que tard à l’automne. Les frondes atteignent 60 cm de long et 15 cm de large. Le rachis (axe des frondes) est de couleur paille, parfois plus foncée vers la base, et il est relativement fragile. Le limbe est grossièrement découpé et bipenné (divisé 2 fois), et comporte normalement de 8 à 17 paires de pennes (folioles primaires) (COSEPAC, 2007). Alors que deux sous–espèces de la woodsie à lobes arrondis sont actuellement reconnues, seule Woodsia obtusa subsp. obtusa se trouve au Canada (COSEPAC, 2007). La woodsie à lobes arrondis se distingue de la cystoptère fragile (Cystopteris fragilis), avec laquelle on la confond souvent, par son port plus raide, son stipe opaque ainsi que les glandes et les écailles qui sont présentes sur son rachis et ses nervures[1] (COSEPAC, 2007).

La woodsie à lobes arrondis est largement répandue dans l’est des États–Unis, où elle est présente dans tous les États situés à l’est du 100e méridien (sauf au Dakota du Nord et au Dakota du Sud). Vers le nord, l’aire de répartition de l’espèce s’étend jusqu’au sud–est du Canada (Ontario et Québec) et vers le sud, elle s’étend jusqu’au centre–sud du Texas et au nord de la Floride (Brown, 1964). Elle est généralement absente de la plaine côtière de l’Atlantique (Brown, 1964). L’espèce est commune dans le nord–est des États–Unis (Consaul, 1994).

Au Canada, la woodsie à lobes arrondis est présente seulement dans l’est de l’Ontario et le sud du Québec, soit à la limite nord de son aire de répartition. Le Canada abrite huit populations connues, soit quatre en Ontario et quatre au Québec. En 2005, le nombre total d’individus au Canada était d’environ 1 322. Le tableau 1 offre de plus amples renseignements sur l’abondance estimative de l’espèce à l’échelle nationale.

En Ontario, l'espèce est présente dans quatre emplacements (figure 2) : (1) le parc provincial Frontenac (comté de Frontenac, 35 km au nord de Kingston); (2) la zone d'intérêt naturel et scientifique de Sand Lake (ZINS) (comté de Leeds, juste au nord–ouest de Westport); (3) le site des terres de la Couronne sur le sentier Rideau entre deux des sites ontariens connus, à proximité de Westport; et (4) l'aire de conservation Foley Mountain (comté de Leeds, juste au nord–est de Westport, sur la rive nord du lac Rideau). Au Québec, quatre populations sont connues; l’une d’elles (5) se trouve dans le parc de la Gatineau, dans la vallée de l’Outaouais (comté de Gatineau, quelques kilomètres au nord d’Ottawa–Hull), et les trois autres (6, 7, 8) sont situées dans le sud–est du Québec, près de la frontière avec le Vermont (comté de Missisquoi : Saint–Armand, Frelighsburg).

Deux des populations du sud–est du Québec sont connues depuis des décennies, elles ont été découvertes en 1936 (Rouleau, 1947; Scoggan, 1978), la troisième a été découverte en 2000 (COSEPAC, 2007). Ces sites consistent en des affleurements de roches dolomitiques, dans l’ombre causée par le couvert forestier. Ces sols n’étant pas propices à la culture, les sites sont demeurés boisés et inchangés. Cette espèce a été découverte dans le parc de la Gatineau pour la première fois en 1972 et dans l'est de l'Ontario en 1973 (Lafontaine, 1973; Cody, 1978; Cody et Britton, 1989).

Figure 2 : Répartition de la woodsie à lobes arrondis au Canada (COSEPAC, 2007)

La figure 2 présente la répartition de la woodsie à lobes arrondis au Canada, y compris le nombre de populations en Ontario et au Québec. La woodsie à lobes arrondis est présente dans l'est de l'Ontario et au sud-est du Québec le long de la frontière avec le Vermont.

On sait que le parc de la Gatineau a déjà abrité une cinquième population québécoise de woodsies à lobes arrondis, mais celle–ci n’a pas été retrouvée récemment malgré des efforts de recherche ciblés et l’on suppose qu’elle a disparu. Cette population du parc de la Gatineau est la seule population connue qui a diminué ou disparu. Toutes les autres populations semblent être stables et les activités d’échantillonnage accrues ont eu pour résultat d’augmenter les estimations des populations.

Il n’existe aucune preuve et les données historiques et à long terme sont insuffisantes pour appuyer les tendances générales (déclin ou hausse des populations) liées à la répartition de la woodsie à lobes arrondis au Canada. Un nouveau site a été découvert en 2003, mais il est à proximité (à moins de 1 km) de deux autres populations près de Westport, en Ontario, et constitue très probablement une sous–population d'une population existante. La découverte de « nouvelles » populations ne reflète pas nécessairement l’expansion de l’aire de répartition de l’espèce; la population existait peut–être déjà, mais n’avait pas fait l’objet d’un relevé ou été découverte par les chercheurs. Dans le même ordre d’idées, l’augmentation des activités d’échantillonnage fait en sorte qu’il est difficile de déterminer si les populations ont réellement augmenté, étant donné que l’accroissement des nombres liés aux populations est probablement lié aux activités d’échantillonnage.

Tableau 1 : Taille et abondance des populations canadiennes connues (modifiée par rapport à COSEPAC, 2007)
Nom du site Numéro de la population (figure 2) Aire approximative Année de la dernière visite du site Individus matures Nombres précédemment rapportés
Parc provincial Frontenac (Ont.) 1 10 m² 2005 64 ~ 47 (1990)
Westport – Lac Westport Sand (Ont.) 2 2 x 500 m² 2005 499 ~ 28 (1990)
Westport – Sentier Rideau (Ont.) 3 60 m² 2009 821 ~ 30 (2004)
Aire de conservation Foley Mountain (Ont.) 4 100 m² + 150 m² 2008 2121 ~ 10 (1978)
Parc de la Gatineau (Eardley) (Qc) 5 500 m² 2005 300 ~ 200 (1971)
Saint–Armand (Qc) 6 2 x 25 m² 2001 40 70 (1994)
Chemin Saint–Armand (Qc) 7 50 m² 2005 120 ~ 30 (2000)
Frelighsburg (Qc) 8 < 5 m² 1993 de 5 à 6 de 5 à 6 (1993)
Total ~ 1 925 m² ~ 1 322 ~ 420

1 Les dénombrements de population déclarés sont obtenus à partir des relevés menés en 2005; aucun dénombrement officiel n'a été effectué au cours des visites de site plus récentes par S. Thompson. Toutefois, les chiffres semblaient similaires à ceux des dénombrements de 2005.
*La disparition présumée de la deuxième population du parc de la Gatineau (Champlain – non illustrée ici) a modifié les estimations de la population totale par rapport aux estimations de la version initiale du tableau du COSEPAC (2007).

Toutes les populations canadiennes de woodsies à lobes arrondis sont situées sur des affleurements rocheux dans les régions forestières des Grands Lacs et du Saint–Laurent, où la profondeur moyenne du sol est de 3,5 cm. Ces populations poussent sur des sols en pente orientés vers le sud, exposés à des températures chaudes et à des conditions relativement sèches. La woodsie à lobes arrondis est généralement présente dans les forêts constituées d’érables à sucre (Acer saccharum), de chênes rouges (Quercus rubra), de chênes blancs (Quercus alba), de frênes blancs d’Amérique (Fraxinus americana) et d’ostryers de Virginie (Ostrya virginiana), où les arbres offrent un couvert important (COSEPAC, 2007).

En Ontario, l'espèce semblerait exister seulement sur l'axe de Frontenac, du côté est du bouclier précambrien, qui contient certaines zones de substrat rocheux calcaire en métamorphose (Wild et Gagnon, 2005; COSEPAC, 2007). Le bouclier forme la rive nord–ouest du lac Rideau (où se trouvent les quatre populations ontariennes connues), tandis que la rive est consiste en des pierres calcaires paléozoïques. Le parc provincial Frontenac est situé entièrement sur l’axe de Frontenac. Dans le parc de la Gatineau, qui est constitué principalement de substrat rocheux précambrien, l’escarpement d’Eardley est une zone de contact avec le substrat rocheux calcaire de la vallée de l’Outaouais. La woodsie à lobes arrondis est présente dans le secteur sud–est de l'escarpement, où l'on trouve de grandes zones de marbre. Dans le sud–est du Québec, la présence d’affleurements dolomitiques semble être directement associée à l’habitat de la woodsie à lobes arrondis, du moins dans les secteurs caractérisés par un couvert forestier partiel.

À la limite nord de son aire de répartition en Amérique du Nord, la woodsie à lobes arrondis semble être présente dans des microhabitats offrant un microclimat plus chaud, comme des pentes orientées vers le sud et le sud–ouest (p. ex. Westport, parc de la Gatineau), ainsi que dans des substrats riches en calcium. On a déjà remarqué que les individus qui ne sont pas calcicoles près du centre de leur aire de répartition sont parfois restreints à des sols calcaires à la limite nord de leur aire de répartition. On n’est pas certain si ce phénomène est lié à la disponibilité des éléments nutritifs ou à un autre effet du microclimat (p. ex. les roches calcaires sont poreuses et se drainent plus rapidement au printemps, ce qui permet le réchauffement plus rapide des sols). On a découvert que la woodsie à lobes arrondis a des besoins en calcium, sans lequel ses archégones et ses anthéridies (les structures au sein desquelles les cellules reproductrices se développent) ne peuvent se former (Bryan et O’Kelley, 1967).

Dans une étude menée par Wild et Gagnon (2005), des données quantitatives sur le microhabitat ont été recueillies pour six populations canadiennes de woodsie à lobes arrondis, y compris la composition chimique du sol pour deux de ces populations. Le tableau 2 présente un sommaire des caractéristiques propres à l'habitat de la woodsie à lobes arrondis au Canada.

Tableau 2 : Résultats des études sur le microhabitat de la woodsie à lobes arrondis (Wild et Gagnon, 2005; COSEPAC, 2007)
Élément du microhabitat Moyenne Intervalle
Profondeur du sol (cm) 3,5 de 0,5 à 9,5
Angle du substrat (degrés) 43 de 26 à 88
Ouverture du couvert forestier (%) 18 de 4 à 60
Aspect de la pente (% de l’orientation vers le sud) 69 de 27,8 à 94,4
pH 6,60 de 5,94 à 7,11

Un des volets de la même étude, qui a enquêté sur sa présence ou son absence dans un habitat convenable, n'a montré aucune différence significative entre les caractéristiques mesurées pour les habitats occupés et inoccupés, ce qui laisse entendre que l’habitat inoccupé convenable peut être disponible pour l'espèce (Wild, 2003; Wild et Gagnon, 2005). On a constaté que la répartition de la woodsie à lobes arrondis était directement proportionnelle à un couvert forestier semi–ouvert. Un environnement qui laisse pénétrer la lumière est idéal; tant la longueur des frondes que le nombre de frondes par individu augmentent de façon significative lorsque l'ouverture du couvert forestier augmente. Toutefois, cela laisse entendre que l'habitat ouvert des populations le plus au nord pourrait être le reflet du besoin pour un microclimat (chaleur, saison de croissance plus longue, etc.) plutôt qu'un besoin pour de la lumière (Wild, 2003).

La petite taille de la woodsie à lobes arrondis au Canada la rend vulnérable aux variations au sein de l'habitat (modification ou perte de l'habitat). Le recrutement peut être limité par des facteurs naturels, comme les conditions présentes dans la limite nord de l'aire de répartition de l'espèce.

Un autre facteur limitatif potentiel de la répartition de la woodsie à lobes arrondis au Canada pourrait être les besoins spécifiques de l'espèce en matière d'habitat à l'échelle du paysage. Étant donné que les spores de beaucoup d'espèces de fougères sont dispersées par le vent sur de grandes distances (Wagner et Rouleau, 1984) et le fait que tous les habitats propices à une espèce de fougères ne sont pas occupés, des facteurs écologiques peuvent restreindre leur établissement à l'échelle locale. En ce qui concerne la woodsie à lobes arrondis, de grandes quantités de spores ont été trouvées à de relativement grandes distances (plus de 50 m) des plantes d'origine, ce qui indique que la dispersion n'est probablement pas un facteur limitatif (COSEPAC, 2007). Les besoins en matière de microhabitat sont ainsi suffisamment spécifiques pour que des changements importants (suffisamment importants pour empêcher l'établissement de l'espèce) puissent se produire sur de très petites distances (quelques centimètres). Il est possible que les exigences sur les microhabitats de la woodsie à lobes arrondis soient beaucoup plus spécifiques (ou stricts) à la limite de son aire de répartition (p. ex. au Canada).

Les autres caractéristiques spécifiques du cycle vital ou de l'écologie de l'espèce, qui la rendent particulièrement sensible aux perturbations et qui peuvent influencer son potentiel de rétablissement, n'ont pas encore été découvertes.

Les menaces qui pèsent sur les populations canadiennes de woodsies à lobes arrondis sont présentées dans le tableau 3 par ordre de préoccupation décroissant.

Tableau 3 : Tableau d'évaluation des menaces
Menace Niveau de préoc–cupation1 Étendue Occurrence Fréquence Gravité2 Certitude causale3
Espèces exotiques, envahissantes ou introduites
Espèce envahissante (Rhamnus cathartica) Élevé Localisée Actuelle Continue Moyenne Moyenne
Perte et dégradation de l’habitat
Construction résidentielle ou aménagement paysager Faible Localisée Historique ou actuelle Récurrente Élevée Élevée
Activités récréatives (p. ex. les randonnées, l’escalade) Faible Inconnue Actuelle Récurrente Inconnue Faible

1 Niveau de préoccupation : signifie que la gestion de la menace représente une préoccupation (élevée, moyenne ou faible) pour le rétablissement de l’espèce, conforme aux objectifs en matière de population et de répartition. Ce critère tient compte de l’évaluation de toute l’information figurant dans le tableau).

2 Gravité : indique l’effet à l’échelle de la population (Élevée : très grand effet à l’échelle de la population, modérée, faible, inconnue).

3 Certitude causale : indique le degré de preuve connu de la menace (Élevée : la preuve disponible établit un lien fort entre la menace et les pressions sur la viabilité de la population; Moyenne : il existe une corrélation entre la menace et la viabilité de la population, p. ex., une opinion d’expert; Faible : la menace est présumée ou plausible).

Espèces exotiques, envahissantes ou introduites

Sur le site du lac Westport Sand, les activités de débroussaillage et d’abattage des arbres ont ouvert le couvert forestier, et favorisé l’établissement et la propagation du nerprun cathartique (Rhamnus cathartica). Cet arbuste exotique envahissant est capable de modifier l'habitat naturel de la fougère et d'avoir une incidence négative sur sa survie. Plus précisément, le nerprun cathartique diminue la pénétration de la lumière dans le sous–étage et peut aussi avoir une incidence sur les espèces indigènes du fait de la concurrence souterraine ou de l'allélopathie (Knight et al., 2007). L’augmentation de l'activité des oiseaux autour des mangeoires dans le secteur contribue peut–être aussi à la propagation du nerprun cathartique, car les graines de l'arbuste contenues dans les fientes d'oiseaux peuvent être déposées sur le site (COSEPAC, 1994).

Perte et dégradation de l’habitat

Bien que l'habitat de la woodsie à lobes arrondis ait montré des signes de perturbations physiques mineures au cours des dernières années, aucun site n'a été considérablement modifié (COSEPAC, 2007). Beaucoup de sites connus se trouvent dans des aires protégées et la plupart sont très peu fréquentés; il est donc peu probable qu'ils soient directement perturbés par l'activité humaine. La principale menace sur les terres privées serait probablement l'aménagement des terres (p. ex. la construction, l'aménagement paysager et l'agriculture). Cependant, parce qu'on trouve généralement la woodsie à lobes arrondis sur les parois rocheuses abruptes, beaucoup de sites se trouvent sur des terres ne convenant pas à l'aménagement. La plus grande population du site de Westport Sand Lake est toutefois une exception. Elle se trouve sur des terres privées où des arbres ont été abattus et des déchets ont été déversés au cours des dernières années (Thompson, comm. pers., COSEPAC, 2007). De même, il y a très peu de menaces de dommages provenant des grimpeurs ou des randonneurs sur les sites, car la pente est trop abrupte pour y pratiquer la randonnée et pas assez abrupte pour y pratiquer l'escalade.

Il n’a pas été démontré que la coupe sélective d’arbres nuisait à la woodsie à lobes arrondis. En fait, elle pourrait même lui être profitable, car la fougère pousse naturellement dans des régions forestières semi–ouvertes et sèches. Toutefois, l'ouverture du couvert forestier pourrait avoir un effet négatif sur la woodsie à lobes arrondis si elle contribue à l'établissement et à la propagation d'espèces envahissantes telles que le nerprun cathartique.

L’objectif en matière de population et de répartition pour la woodsie à lobes arrondis est de maintenir les populations existantes et leur habitat au sein de l’aire de répartition canadienne.

Étant donné la répartition naturellement limitée et la population naturellement petite de la woodsie à lobes arrondis au Canada, ainsi que l'apparente perte récente d'une population pour des raisons inconnues, des études plus approfondies sont nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de cette espèce. D'autres domaines peuvent également être étudiés : améliorer la compréhension de l'écologie de l'espèce; la nature des menaces pesant sur la woodsie à lobes arrondis; déterminer s'il existe des populations supplémentaires; les techniques d'accroissement et de réintroduction (si elles sont requises pour maintenir les populations dans l'aire de répartition canadienne).

Suivi
Des mesures de suivi des populations existantes ont été entreprises chaque année, dans tous les sites, entre 2000 et 2005 (pour obtenir plus de détails, voir COSEPAC, 2007). Depuis 2000, les occurrences historiques de la woodsie à lobes arrondis ont fait l'objet d'un relevé afin de mettre à jour les données sur la présence de l'espèce. Des recherches visant à trouver de nouvelles populations ont été menées et un nouveau site a été découvert en juillet 2003, contenant environ 30 plants, entre 2 des sites ontariens connus, près de Westport.

Intendance et protection
Des programmes de sensibilisation du public sont en cours d'élaboration. Tous les propriétaires fonciers abritant la woodsie à lobes arrondis sur leurs terres ont été contactés et sont au courant de la présence de l'espèce (COSEPAC, 2007). Dans certains cas, des discussions concernant l'intendance ont été amorcées. Des mesures sont en place pour encourager et aider les municipalités à participer à la protection de la woodsie à lobes arrondis et d’autres plantes en voie de disparition. En outre, l’élaboration de lignes directrices en matière de cartographie a été entreprise en 2003 pour établir l’admissibilité des terres au Programme d’encouragement fiscal pour les terres protégées (PEFTP) de l’Ontario.

Recherches
Grâce au financement obtenu du Fonds mondial pour la nature (Canada), d'Environnement Canada (Fonds de rétablissement des espèces en péril), du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, ainsi qu'au partenariat avec le parc de la Gatineau (Commission de la capitale nationale), un certain nombre de mesures de rétablissement de la woodsie à lobes arrondis ont été entreprises en 2001. Ces mesures de rétablissement comprennent une étude de l’écologie de l’espèce, le suivi et la cartographie des sites des populations existantes, et l’étude des caractéristiques spécifiques de l’habitat et du microhabitat. Des recherches intensives ont également été amorcées dans le but de découvrir des habitats favorables pour l’établissement de nouvelles populations. La modélisation des habitats favorables à l'établissement de la woodsie à lobes arrondis a été entreprise dans la Forêt modèle de l'Est de l'Ontario (FMEO), ainsi que dans le parc national du Canada des Îles–du–Saint–Laurent (pour l'axe de Frontenac).

Tableau 4 : Tableau de planification du rétablissement
Menace ou facteur limitatif Priorité Stratégie générale pour le rétablissement Description générale des approches de recherche et de gestion
Petite taille de la population
Construction résidentielle ou aménagement paysager
Activités récréatives
Élevée Relevé, cartographie et mesures de suivi des populations existantes
  • Relevés, cartographie et mesures de suivi détaillées des populations connues.
Lacunes dans les connaissances
Petite taille de la population
Élevée Recherche de nouvelles populations
  • Concentrer les recherches visant à trouver de nouvelles populations aux endroits qui offrent les caractéristiques d'un habitat propice.
  • Élaborer un modèle d'habitat.
Espèces envahissantes
Construction résidentielle ou aménagement paysager
Élevée Protection des populations existantes et nouvellement découvertes sur les terres privées (non fédérales)
  • Encourager les propriétaires fonciers à prendre des mesures d'intendance (p. ex. les servitudes de conservation), à élaborer des plans de conservation et de gestion qui comprennent des mesures visant à contrôler la prolifération d'espèces envahissantes (p. ex. le nerprun cathartique).
  • Encourager les propriétaires privés à participer au Programme d'encouragement fiscal pour les terres protégées (Ontario).
Construction résidentielle ou aménagement paysager
Espèces envahissantes
Moyenne Protection des populations existantes et nouvellement découvertes sur les terres publiques
  • Élaborer des lignes directrices provinciales pour l'établissement de cartes de l'habitat.
  • Inclure la woodsie à lobes arrondis et son habitat (y compris les mesures de contrôle des espèces envahissantes) dans les plans de gestion et les plans officiels.
Lacunes dans les connaissances
Besoins précis en matière de microhabitat
Moyenne Approfondir la compréhension des facteurs limitatifs biologiques
  • Améliorer les connaissances sur l'écologie de l'espèce (p. ex. la dispersion), les facteurs limitatifs potentiels et les menaces pour orienter les activités futures de rétablissement ainsi que déterminer la taille minimale d'une population viable pour cette espèce.
  • Étudier les effets des changements du couvert forestier sur la woodsie à lobes arrondis.
Construction résidentielle ou aménagement paysager Faible

Encourager les municipalités à participer à la protection de la woodsie à lobes arrondis

  • Indiquer aux municipalités où se trouve lawoodsie à lobes arrondis et leur fournir des renseignements sur les outils législatifs et les mécanismes d'intervention prévus pour sa protection.
Activités récréatives
Construction résidentielle ou aménagement paysager
Faible Sensibilisation et éducation du public
  • Préparer des documents d'information pour les personnes qui utilisent l'habitat de la woodsie à lobes arrondis à des fins récréatives et travailler en collaboration avec les responsables des parcs pour mettre au point des programmes de sensibilisation à l'intention des visiteurs.
  • Préparer des documents d'information pour le grand public et les propriétaires fonciers et présenter des allocutions aux propriétaires fonciers concernant la réglementation et la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition.
Lacunes dans les connaissances
Petite taille de la population
Faible Entreprendre des études démographiques et génétiques
  • Procéder à des analyses génétiques des populations canadiennes et américaines comme référence.
Petite taille de la population Faible Accroître les populations
  • Examiner les techniques visant à accroître les populations (recueillir les spores et les conserver dans des serres, puis mettre au point des méthodes de propagation), s’il est nécessaire et possible de le faire.

Relevé, cartographie et suivi des populations existantes
Pour compiler des données exhaustives des populations existantes, il faudra visiter régulièrement les sites où la woodsie à lobes arrondis est présente, dénombrer tous les individus et tracer une carte détaillée de l'habitat général de chaque site. Le suivi environnemental de base est essentiel pour évaluer tout changement futur de la taille de la population et de la qualité de l'habitat.

Protection des populations (intendance des terres privées, protection sur les terres publiques, collaboration avec les municipalités)
Étant donné que 25 % des individus connus de cette espèce au Canada se trouvent dans une seule et même propriété privée, l’intendance des terres privées est particulièrement importante pour le rétablissement de l’espèce. Les propriétaires fonciers seront encouragés à participer à des programmes d'intendance et à mettre en œuvre des plans de gestion qui portent sur les menaces pesant sur la woodsie à lobes arrondis et son habitat ainsi que sur les mesures de contrôle des espèces envahissantes. Le Programme d'intendance de l'habitat (PIH) d'Environnement Canada a permis d'appuyer plusieurs projets ciblant la conservation et la protection de la woodsie à lobes arrondis et son habitat.

Le travail en collaboration avec les responsables de la planification municipale et régionale et les gestionnaires des aires protégées orientera la planification de l'utilisation des terres, les politiques en matière d'activités permises et les programmes de sensibilisation des visiteurs, et contribuera à l'élaboration d'outils législatifs et stratégiques pour la protection de l'espèce.

Recherche de nouvelles populations
Dans le passé, il est probable que de l’habitat potentiel de la woodsie à lobes arrondis n’ait pas été identifié, car certaines données de base portant sur l’habitat d’occurrences connues de l’espèce étaient incomplètes. Selon ce qu'on sait à l'heure actuelle sur les exigences de l'espèce en matière d'habitat, les secteurs prioritaires où des recherches doivent être entreprises sont notamment les pentes rocheuses sur les rives du lac Rideau, au nord et au sud–ouest de la population de Westport, ainsi que les parois en pente de l'escarpement d'Eardley dans le parc de la Gatineau, qui sont tout particulièrement indiquées (orientées vers le sud, substrat de marbre). Des recherches plus poussées et l’élaboration d’un modèle d’habitat permettront probablement de découvrir d’autres secteurs convenables où des recherches devraient être entreprises.

Recherche sur les facteurs limitatifs et les menaces
Des études supplémentaires pourraient être nécessaires afin de déterminer et de préciser les menaces qui pèsent sur la woodsie à lobes arrondis, de sorte que les populations existantes puissent être gérées et ainsi assurer leur persistance.

On ne comprend toujours pas clairement les effets positifs ou négatifs qu’a l’ouverture du couvert forestier. Des études sur la lumière permettront de mieux comprendre le rôle du couvert forestier et de déterminer s'il tend à s'ouvrir ou à se fermer aux sites actuels. La mesure dans laquelle le nerprun cathartique constitue une espèce ayant une incidence sur la woodsie à lobes arrondis (p. ex. par l'ombrage) doit également être étudiée.

Des recherches sont en cours pour définir les caractéristiques de l’habitat et du microhabitat de la woodsie à lobes arrondis. Des renseignements à ce sujet permettraient de déterminer si les sites non occupés constituent un habitat convenable pour l’espèce et de choisir des sites en vue de l’établissement artificiel potentiel de nouvelles populations, si cela est réalisable. Des relevés intensifs et des analyses sur le microhabitat permettraient de déceler des menaces auparavant insoupçonnées.

Entreprendre des études démographiques et génétiques, et accroître les populations existantes ex situ
La connaissance des techniques et des méthodes de propagation artificielle ainsi qu’une bonne compréhension de la biologie, de l’écologie et de la génétique de la woodsie à lobes arrondis seront essentielles si la réintroduction est jugée nécessaire et réalisable. Les techniques de propagation en serre se sont avérées plutôt simples, mais d’autres renseignements doivent être obtenus.

L’habitat essentiel est désigné dans le présent programme de rétablissement pour toutes les populations connues de woodsie à lobes arrondis au Canada. L’habitat essentiel comprend la zone actuellement occupée par les populations en plus de l’habitat convenable environnant. De l’habitat essentiel supplémentaire peut être désigné au sein de l’aire de répartition de l’espèce au fur et à mesure que de plus amples renseignements deviennent accessibles.

En tant qu’espèce obligatoirement calcicole (c.–à–d. qui ne tolère pas les sols acides) se trouvant sur des sols dolomitiques, calcaires et de marbre, le premier facteur à considérer pour décrire l’habitat convenable de la woodsie à lobes arrondis est le substrat rocheux sur lequel elle est présente. En ce qui concerne les occurrences de l’espèce en Ontario, le substrat rocheux est d’origine précambrienne, sans être acide (des pH variant entre 6,2 et 6,7 ont été rapportés par Consaul [1994] sur le site de Westport). Dans le parc de la Gatineau, la plus importante population est établie sur un substrat de marbre. À Frelighsburg et à Saint–Armand, le substrat rocheux est constitué de dolomite (CaCO3 et MgCO3). La nature calcaire du substrat (ou du moins la présence de certaines roches renfermant des quantités importantes de calcium) est évidente en raison de la présence de plusieurs plantes calcicoles bien connues au sein du même habitat que la woodsie à lobes arrondis, par exemple le genévrier de Virginie (Juniperus virginiana), la symphorine blanche (Symphoricarpos albus) et le sumac aromatique (Rhus aromatica). D’autres espèces de fougères comme le cystoptéride fragile (Cystopteris fragilis) ont le même habitat que la woodsie à lobes arrondis (Cody et Britton, 1989).

Une deuxième caractéristique fréquente chez les populations canadiennes est la pente et l’aspect des sols : toutes les populations se trouvent sur des sols dont la pente varie entre 20 ° et 60 °, et qui sont orientés vers le sud, entre 110 ° et 250 ° de latitude nord (Wild, 2003). De plus, la couche superficielle du sol de ces sites est mince (moins de 15 cm) (Wild, 2003).

En ce qui concerne les conditions biotiques, les communautés végétales sont formées de forêts d’érables à sucre, de chênes rouges, de chênes blancs, de frênes blancs d’Amérique et (ou) d’ostryers de Virginie (Consaul, 1994), où l’ouverture du couvert forestier varie entre 10 % et 40 % (Wild et Gagnon, 2005) et où il y a de nombreux affleurements rocheux. Ces conditions sont fondées sur celles qui ont été observées au sein des populations canadiennes existantes. Elles ont déjà été décrites dans Consaul (1994), Wild (2003), et Wild et Gagnon (2005).

Critères de l’habitat convenable : On entend par habitat convenable à la woodsie à lobes arrondis tout emplacement qui offre les conditions biotiques et abiotiques suivantes :

L’habitat essentiel correspond aux sites actuellement occupés par la woodsie à lobes arrondis qui répondent aux critères de l’habitat convenable (voir la section 7.1.1). L’habitat essentiel s’étend latéralement, de chaque côté des populations existantes, dans la mesure où les conditions biotiques et abiotiques (telles qu’elles sont décrites à la section 7.1.1) sont présentes. Bien que souvent la woodsie à lobes arrondis n’occupe qu’une petite partie de l’habitat en pente, toute la pente (entre 20 ° et 60 °) sera considérée comme habitat essentiel dans les secteurs où des populations connues de l’espèce existent. Le fondement pour la dimension verticale de la pente (hauteur) est que toute perturbation dans le haut de la pente aura probablement une incidence directe sur les populations en contrebas et que les zones situées dans le bas de la pente sont beaucoup plus susceptibles d’être colonisées par de nouveaux individus. En ce qui concerne la dimension horizontale (sur la largeur et latérale), la colonisation est aussi possible sur toute la pente (dans la mesure où l’aspect et le substrat rocheux demeurent identiques). Il s'agit donc également d'un habitat essentiel. Pour que l’habitat convenable soit considéré comme faisant partie de l’habitat essentiel, il doit être contigu (à l'échelle de l'aménagement paysager) à la population existante, sauf dans le cas de la population du parc Frontenac. Des ruptures dans les attributs d'un habitat convenable, comme des routes ou des clairières, signifient la fin d'un habitat contigu.

En ce qui concerne la population du parc Frontenac, les caractéristiques de l’habitat essentiel ne sont présentes que sur une très petite pente (moins de 5 m de haut, et moins de 10 m de large). Le site est très hétérogène et constitué de très petites parcelles d’habitat « convenable » au sein d’une vaste matrice d’habitat « non convenable ». Il a été démontré de manière empirique que les spores de la woodsie à lobes arrondis sont dispersées à une distance d’au moins 50 m. En outre, le nombre de spores observé dans le sol à cette distance semble indiquer fortement que les spores peuvent être dispersées beaucoup plus loin (M. Wild, données inédites). Vu la nature hétérogène du site, il est peu probable qu’on trouve d’autres parcelles d’« habitat convenable » dans un rayon de 50 m; néanmoins, des terrains en pente semblables, à proximité, doivent être inclus pour permettre la colonisation par l’espèce et sa survie. Dans ce cas, l’habitat essentiel pour la population du parc Frontenac correspond à l’habitat convenable (tel qu’il est décrit à la section 7.1.1) dans un rayon de 250 m de la population existante.

L’application des critères d’habitat essentiel aux données disponibles permet de délimiter huit sites au Canada qui contiennent de l’habitat essentiel (tableau 5). Il est important de noter que les centroïdes permettent de localiser les polygones qui contiennent les sites d’habitat essentiel. Cependant, les limites des polygones ne correspondent pas nécessairement aux limites de l’habitat essentiel.

La description et le centroïde de l’habitat essentiel de la population du parc Frontenac (Annexe B) ont été retirés du document public. Comme la population est de petite taille et qu'elle est relativement accessible au public, le fait de rendre son emplacement connu pourrait mener à une destruction par inadvertance de l'espèce, en raison du piétinement par les visiteurs qui souhaitent voir la plante rare, et pourrait également augmenter le risque de collecte.

Tableau 5 : Sites au Canada désignés comme renfermant l'habitat essentiel de la woodsie à lobes arrondis
Nom du site Province Description Centroïde des sites Régime foncier
Zone UTM Vers l’est Vers le nord
Parc Frontenac Ont. ––– ––– ––– ––– Non fédéral
Westport – Lac Westport Sand Ont. Rive nord du lac Westport (Sand) 18 387906 4949163 Non fédéral
Westport – Sentier Rideau Ont. Rive nord de l’étang Westport 18 388940 4948855 Non fédéral
Aire de conservation Foley Mountain Ont. Rive nord du lac Rideau supérieur 18 390470 4948697 Non fédéral
Parc de la Gatineau Qc Escarpement d’Eardley 18 433750 5035445 Fédéral (CCN1)
Saint–Armand Qc Affleurements de roches dolomitiques orientés vers le sud 18 652485 4986559 Non fédéral
Chemin Saint–Armand Qc Affleurements de roches dolomitiques orientés vers le sud 18 655784 4988933 Non fédéral
Frelighsburg Qc Affleurements de roches dolomitiques orientés vers le sud 18 667451 4991353 Non fédéral

1 Commission de la capitale nationale

La compréhension de ce qui constitue une destruction de l'habitat essentiel est nécessaire à la protection et la gestion de l'habitat essentiel. La destruction est déterminée au cas par cas. Il y aurait destruction si une partie de l'habitat essentiel était dégradée, de façon permanente ou temporaire, à un point tel que l’habitat essentiel n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions lorsque l’espèce en a besoin. Une destruction peut être le résultat d'une ou de plusieurs activités à un moment donné ou suite aux effets cumulés d'une ou de plusieurs activités sur la durée (Gouvernement du Canada, 2009).

Les activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel de la woodsie à lobes arrondis sont, entre autres :

Les indicateurs de rendement présentés ci–dessous proposent un moyen de déterminer et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition. Les progrès précis réalisés en vue de la mise en œuvre du programme de rétablissement seront mesurés par rapport à des indicateurs définis dans les plans d’action ultérieurs.

Tous les cinq ans, le succès de la mise en œuvre du programme de rétablissement sera évalué par rapport aux indicateurs de rendement suivants :

Un ou plusieurs plans d'action pour la woodsie à lobes arrondis seront menés à terme d'ici décembre 2016.

Brown, D.F.M. 1964. A monographic study of the fern genus Woodsia, Nova Hedwigia 16:1–154.

Bryan, A.L., O’Kelley, J.C. 1967. The influence of replacing calcium with strontium on the development of Woodsia obtuse, American Fern Journal 57:27–31.

Burns, C. 2001. Blunt–lobed Woodsia status update: Westport Sand Lake population, Rapport inédit du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, district de Kemptville.

Cody, W.J. 1978. Ferns of the Ottawa district. Ottawa (Ontario) : Agriculture Canada.

Cody, W.J., Britton, D.M. 1989. Les fougères et les plantes alliées du Canada, Ottawa (Ontario) : Agriculture Canada.

Consaul, L.L. 1994. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada, Ottawa (Ontario) : Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, 1–26 p.

COSEPAC. 2007. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) au Canada, Ottawa (Ontario) : Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, Vi + 20 p.

Gouvernement du Canada. 2009. Politiques de la Loi sur les espèces en péril : Cadre général de politiques [ÉBAUCHE], Ottawa (Ontario) : gouvernement du Canada, iv + 42 p.

Knight, K.S., Kurylo, J.S., Endress, A.G., Stewart, J.R., Reich, P.B. 2007. Ecology and ecosystem impacts of common buckthorn (Rhamnus cathartica): a review, Biological Invasions 9:925–937.

Lafontaine, D.J. 1973. Range extension of the Blunt–lobed Woodsia, Woodsia obtusa (Spreng.) Torr, (Polypodiaceae), in Canada, The Canadian Field–Naturalist 87:56.

NatureServe. 2010. NatureServe Explorer: An online encyclopedia of life (en anglais seulement) [application en ligne], Version 6.1., Arlington (VA).

Rouleau, E. 1947. Supplément à la flore laurentienne, Montréal (Québec) : Frères des écoles chrétiennes.

Scoggan, H. J. 1978–9. The Flora of Canada, vols. 1–4 (en anglais seulement). Musée national des sciences naturelles, Publication de botanique, no 7(1), Ottawa (Ontario) : Musées nationaux du Canada.

Thompson, S. comm. pers. 2005. Ministère des Richesses naturelles de l'Ontario.

Tryon, R. 1970. Development and evolution of fern floras of oceanic islands, Biotropica 2:76–84.

Wagner, W.H., Rouleau, E. 1984. A Western Holly Fern, Polystichum xscopulinum, in Newfoundland, American Fern Journal 74:33–36.

Wild, M. 2003. Have five calcicolous fern species of different habitats saturated all local habitat available to them? Mémoire de maîtrise, Montréal (Québec) : Université du Québec à Montréal.

Wild, M., Gagnon, D. 2005. Does lack of available suitable habitat explain the patchy distributions of rare calcicole fern species? Ecography 28(2):191–196.

Une évaluation environnementale stratégique (EES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à La directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes. L’objet de l’EES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairée du point de vue de l’environnement.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur des espèces ou des habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement inclus dans le programme lui–même, mais également résumés dans le présent énoncé, ci–dessous.

On s’attend à ce que les stratégies et les approches définies dans le programme de rétablissement aient un impact positif sur l’environnement et sur les autres espèces indigènes, ou bien qu’elles n’aient aucun impact néfaste important sur ces derniers. La plupart des stratégies prévoient des recherches pour découvrir de nouvelles populations, effectuer le suivi des populations existantes et accroître la sensibilisation au sujet de l’espèce.

Cette annexe a été retirée du document affiché dans le Registre public.


1 tige de soutien ou sorte de tige d'une fronde de fougère.

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