Plan de gestion du méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana) au Canada [propositin] 2010

La série des plans de gestion de la Loi sur les espèces en péril

Qu’est-ce que la Loi sur les espèces en péril (LEP)?

La LEP est la loi fédérale qui constitue l’une des assises de l’effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. La Loi est en vigueur depuis 2003 et vise, entre autres, à « favoriser la gestion des espèces préoccupantes pour éviter qu’elles ne deviennent des espèces en voie de disparition ou menacées ».

Qu’est-ce qu’une espèce préoccupante?

Selon la LEP, une espèce préoccupante est une espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou une espèce en voie de disparition par l’effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces signalées à son égard. Les espèces préoccupantes sont inscrites à la Liste des espèces en péril de la LEP.

Qu’est-ce qu’un plan de gestion?

Selon la LEP, un plan de gestion est un document de planification axé sur l’action qui désigne les activités de conservation et les mesures relatives à l’utilisation des terres qu’il faut prendre pour éviter, à tout le moins, que l’espèce préoccupante ne devienne menacée ou en voie de disparition. Pour de nombreuses espèces, le but ultime d’un plan de gestion est d’atténuer les menaces d’origine anthropique et de retirer l’espèce de la Liste des espèces en péril. Le plan fixe des buts et des objectifs, identifie les menaces et propose les principales activités à entreprendre pour atténuer ces dernières.

L’élaboration de plans de gestion est obligatoire en vertu des articles 65 à 72 de la LEP
(http://www.registrelep.gc.ca/default_f.cfm).

Le plan de gestion doit être préparé au plus tard trois ans après l’inscription de l’espèce à la Liste des espèces en péril. Dans le cas des espèces qui ont été inscrites à la LEP lorsque celle-ci a été adoptée, le délai est de cinq ans.

Et ensuite?

Les orientations contenues dans le plan de gestion permettront aux entités responsables, aux collectivités, aux utilisateurs des terres et aux conservationnistes de mettre en œuvre des mesures de conservation qui auront des effets préventifs ou réparateurs. Le manque de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour retarder la prise de mesures efficaces pour éviter qu’une espèce ne devienne davantage en péril; la mise en œuvre de telles mesures pourrait même, ultérieurement, éviter d’importantes dépenses.

La série des plans de gestion

Cette série présente les plans de gestion élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la LEP. De nouveaux documents s’ajouteront régulièrement à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites et que les plans de gestion actuels seront mis à jour.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage sur la Loi sur les espèces en péril et les initiatives de conservation, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril (http://www.registrelep.gc.ca).

Plan de gestion du méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana) au Canada [Proposition]

Mars 2010

Référence recommandée :

Boyko, A.L. et S.K. Staton, 2010. Plan de gestion du méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana) au Canada [Proposition]. Série des plans de gestion de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa, vi + 26 p.

Exemplaires supplémentaires :

Il est possible de télécharger des exemplaires de la présente publication à partir du Registre public des espèces en péril.
(http://www.registrelep.gc.ca/)

Illustration de la couverture : © Konrad Schmidt.

Also available in English under the title:
“Management Plan for the Silver Chub, Macrhybopsis storeriana, in Canada [Proposed]”.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 2010. Tous droits réservés.
ISBN : ISBN to be included by SARA Responsible Agency
No de catalogue : Catalogue no. to be included by SARA Responsible Agency

Le contenu du présent document (sauf l’illustration de la couverture) peut être utilisé sans permission, à condition que la source soit adéquatement citée.

Le méné à grandes écailles est un poisson d’eau douce qui relève de la responsabilité du gouvernement fédéral. La Loi sur les espèces en péril (LEP, article 65) exige du ministre compétent qu’il prépare des plans de gestion pour les espèces inscrites comme étant préoccupantes. En 2003, le méné à grandes écailles a été désigné, en vertu des dispositions de la LEP, en tant qu’espèce préoccupante. La Région du Centre et de l’Arctique (MPO) a dirigé l’élaboration du présent plan de gestion en collaboration et en consultation avec un grand nombre de personnes, d’organisations et d’organismes gouvernementaux, y compris les gouvernements des provinces du Manitoba et de l’Ontario et l’Agence Parcs Canada.

Le plan proposé respecte les exigences de la LEP concernant le contenu et le processus (articles 65 à 68). La réussite de la conservation de cette espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties qui participeront à la mise en œuvre des orientations formulées dans le présent plan et ne pourra reposer sur Pêches et Océans Canada ou sur une autre instance seulement. Ce plan de gestion vise à guider les administrations et les organismes qui pourraient ou souhaiteraient participer aux activités de conservation de l’espèce. Dans l’esprit de l’Accord pour la protection des espèces en péril, le ministre des Pêches et des Océans invite toutes les entités responsables ainsi que tous les Canadiens à se joindre à Pêches et Océans Canada pour appuyer le présent plan et le mettre en œuvre au profit du méné à grandes écailles et de l’ensemble de la société canadienne. Le ministre rendra compte des progrès accomplis d’ici cinq ans.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada est l’autorité responsable du méné à grandes écailles. Le méné à grandes écailles étant présent au Manitoba et en Ontario, les gouvernements de ces provinces ont également collaboré à la production du présent plan de gestion.

Le présent document a été préparé par Amy L. Boyko et Shawn K. Staton pour le compte de Pêches et Océans Canada.

Pêches et Océans Canada tient à remercier les organismes suivants pour leur soutien concernant l’élaboration du présent plan de gestion : l’Équipe de rétablissement des poissons d’eau douce de l’Ontario, le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO), le Manitoba Water Stewardship et le ministère de l’Environnement de l’Ontario. Les cartes ont été produites par Carolyn Bakelaar (MPO).

Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une évaluation environnementale stratégique (EES) doit être menée pour tous les documents de planification de la gestion produits en vertu de la LEP. Le but de l’EES est d’intégrer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics afin de soutenir la prise de décisions éclairées sur le plan environnemental.

La planification de la gestion profitera aux espèces en péril et à la biodiversité en général. Il est toutefois reconnu que des plans peuvent produire, sans que cela ne soit voulu, des effets environnementaux négatifs qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des impacts possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement compris dans le plan lui-même, mais sont également résumés ci-après.

Le présent plan de gestion favorisera clairement l’environnement en soutenant la conservation du méné à grandes écailles. On a envisagé la possibilité que le plan produise des effets négatifs non prévus sur d’autres espèces. Toutefois, l’EES a permis de conclure qu’il est clair que le présent plan sera bénéfique pour l’environnement et n’entraînera pas d’effets négatifs importants. Veuillez vous référer aux sections du présent document portant notamment sur les besoins de l’espèce en matière d’habitat et ses besoins biologiques, son rôle écologique et les facteurs limitatifs, les effets sur d’autres espèces et les initiatives de mise en œuvre des mesures de gestion.

Le méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana [Kirtland, 1845]) est un méné de grande taille dont la longueur totale varie de 102 à 152 mm. Ce poisson, dont le dos est de couleur vert gris pâle, devient argenté sur les côtés et blanc argenté sur sa partie ventrale. Au Canada, l’espèce est présente en Ontario (lac Érié, lac Sainte-Claire et lac Huron) et au Manitoba (rivières Assiniboine, Rouge et Rosseau, et lac Winnipeg). À l’échelle mondiale, les populations de ménés à grandes écailles sont considérées comme étant non en péril (G5) et, aux États-Unis, l’espèce est classée également comme étant non en péril (N5). Au Canada, l’espèce est considérée comme étant vulnérable (N3) (Manitoba [S3]; Ontario [S2]). On dispose de peu d’information concernant la taille des populations de ménés à grandes écailles au Canada. Il semble que les populations soient stables dans les rivières Assiniboine et Rouge; cependant, on ignore quelle est la situation du lac Winnipeg. Les populations du lac Érié semblent se rétablir après avoir subi des déclins marqués en raison de l’eutrophisation du lac. Les tendances récentes concernant les populations des lacs Sainte-Claire et Huron ainsi que les populations présentes dans des parties de l’aire de répartition de l’espèce au Manitoba demeurent inconnues en raison d’un échantillonnage ciblé limité.

Au Canada, le méné à grandes écailles vit dans de grands lacs et des cours d’eau, de taille moyenne à grande, dans lesquels les courants sont modérés et les substrats constitués de limon ou de sable; toutefois, l’espèce est parfois observée sur des substrats durs tels que du gravier, de la blocaille, des roches ou un fond rocheux.

Parmi les menaces connues et présumées pesant sur le méné à grandes écailles au Canada, mentionnons la dégradation de l’habitat, la charge en sédiments et en éléments nutritifs, les espèces exotiques, la pêche aux poissons-appâts, l’altération des processus riverains et le changement climatique. Bien que certaines menaces pesant sur l’espèce aient diminué en importance au cours des dernières années (p. ex. charge en éléments nutritifs dans le lac Érié), l’ampleur de leur impact actuel sur l’espèce doit être évaluée.

Le présent plan de gestion prend appui sur le programme de rétablissement élaboré pour la région Essex-Érié (une zone qui inclut l’ouest du lac Érié, la rivière Detroit et les rives sud du lac Sainte-Claire), fréquentée par le méné à grandes écailles. Certaines mesures ont déjà été prises et profitent directement ou indirectement à l’espèce, notamment le Plan d’action du lac Winnipeg, lequel vise à réduire les concentrations d’azote et de phosphore dans le lac, ainsi que des programmes de surveillance mis en œuvre pour recueillir des données démographiques sur les populations de ménés à grandes écailles.

Le but à long terme des mesures de gestion mises en œuvre (au cours des 20 prochaines années) pour le méné à grandes écailles est de maintenir ou d’améliorer les populations présentes au Canada et d’améliorer l’étendue et la qualité de leurs habitats. Le but établi en matière de gestion sera atteint principalement par la mise en œuvre d’approches de rétablissement écosystémiques ou axées sur l’espèce, de concert avec des programmes de rétablissement écosystémiques et uni ou plurispécifiques pertinents, et permettra d’atténuer les menaces relevées. Les objectifs à court terme suivants (au cours des cinq à dix prochaines années) doivent faciliter l’atteinte du but établi en matière de gestion :

  1. déterminer la répartition, l’abondance et les caractéristiques démographiques des populations actuelles;
  2. relever les besoins clés en matière d’habitat;
  3. déterminer les tendances à long terme concernant les populations et l’habitat;
  4. relever et atténuer les menaces pesant sur l’espèce et son habitat;
  5. poursuivre la coordination des efforts de gestion avec les équipes de rétablissement concernées (p. ex. équipes des programmes de rétablissement écosystémiques) et d’autres organismes et groupes (ou initiatives) complémentaires;
  6. poursuivre la sensibilisation du public à l’égard de la répartition et de la gestion du méné à grandes écailles ainsi que des menaces pesant sur celui-ci.

Plusieurs approches de gestion ont été définies pour assurer la conservation du méné à grandes écailles, notamment des relevés des conditions de base, des activités de surveillance (population et habitat) et des activités de recherche (biologie, exigences en matière d’habitat, évaluation des menaces).

L’élaboration et la mise en œuvre des mesures de gestion sont effectuées de façon coordonnée avec d’autres équipes de rétablissement d’espèces en péril se trouvant dans l’aire de répartition du méné à grandes écailles dans le sud-ouest de l’Ontario, ce qui facilitera le partage des renseignements. La coordination avec d’autres équipes de rétablissement contribuera également à faire en sorte que les mesures de gestion proposées n’aient pas d’impact négatif sur d’autres espèces en péril présentes dans l’aire de répartition du méné à grandes écailles; les mesures de gestion prises peuvent améliorer ou faciliter le rétablissement d’autres espèces en péril.

Liste des Tableaux

Liste des figures

Date de l’évaluation : Mai 2001
Nom commun (population) : Méné à grandes écailles
Nom scientifique : Macrhybopsis storeriana
Désignation par le COSEPAC : Espèce préoccupante
Justification de la désignation : Le méné à grandes écailles a une aire de répartition discontinue au Canada. Il est affecté par la détérioration de la qualité de l’eau et semble être en déclin dans certaines parties de son aire de répartition en Ontario et au Manitoba.
Historique de la désignation par le COSEPAC :Désigné en tant qu’espèce préoccupante en avril 1985. Situation réexaminée et confirmée en mai 2001. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour du rapport de situation.

Le méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana [Kirtland, 1845]) (figure 1) est un méné de grande taille dont la longueur totale varie de 102 à 152 mm (Scott et Crossman, 1998). Les espèces du genre Macrhybopsis affichent les caractéristiques suivantes : présence d’un barbillon mince à l’extrémité du maxillaire (coin de la mâchoire supérieure); bouche subterminale de taille moyenne; museau proéminent au-dessus de la bouche; moins de 50 écailles dans la bande latérale (Mandrak et Holm, 2001). Le méné à grandes écailles se distingue des autres espèces appartenant au même genre par ses grands yeux situés sur la moitié supérieure de la tête, son museau plus court, ses côtés argentés sans marques et une nageoire dorsale davantage orientée vers l’arrière (Mandrak et Holm, 2001). Ce poisson, dont le dos est de couleur vert gris pâle, devient argenté sur les côtés et blanc argenté sur sa partie ventrale. Une bande latérale sombre moins marquée est habituellement présente. La nageoire caudale est légèrement pigmentée, sauf à la hauteur des trois ou quatre rayons inférieurs, zone qui est entièrement blanche et non pigmentée (Scott et Crossman, 1998).

Le méné à grandes écailles peut être confondu avec la queue à tache noire (Notropis hudsonius), le gravelier (Erimystax x-punctatus) et des espèces appartenant au genre Nocomis. Il se distingue de la queue à tache noire par la présence d’un barbillon terminal; il ne possède pas les points foncés et distincts en forme de x qui sont caractéristiques du gravelier; son museau s’avance plus loin au-dessus de la bouche que celui de Nocomis spp. En outre, Nocomis spp. possède des yeux plus petits que le méné à grandes écailles et un corps davantage pigmenté lequel, d’ordinaire, n’est pas de couleur argentée (Mandrak et Holm, 2001).

Le méné à grandes écailles est le seul membre du genre Macrhybopsis au Canada, et les populations des Grands Lacs sont des formes lacustres distinctes sur le plan morphologique des formes riveraines rencontrées dans la majeure partie de l’aire de répartition de l’espèce (Mandrak et Holm, 2001). Les populations des bassins hydrographiques des Grands Lacs et du lac Winnipeg sont isolées géographiquement de la majorité des autres populations de ménés à grandes écailles, lesquelles vivent dans le bassin hydrographique du Mississippi et pourraient être distinctes sur le plan génétique.

figure 1

Figure 1. Méné à grandes écailles (Macrhybopsis storeriana). Photo : E. Holm, Musée royal de l’Ontario.

Aire de répartition

Répartition mondiale (figure 2) – Les passages qui suivent ont été adaptés de Mandrak et Holm, 2001). L’aire de répartition du méné à grandes écailles s’étend du lac Winnipeg et du sud des Grands Lacs jusqu’au golfe du Mexique. Dans le bassin des Grands Lacs, l’espèce n’est présente que dans le lac Érié et dans le lac Sainte-Claire et la partie située à l’extrême sud du lac Huron. Dans le bassin hydrographique du lac Winnipeg, l’espèce est présente dans le sud du lac Winnipeg et dans les bassins hydrographiques des rivières Assiniboine et Rouge, au Manitoba, ainsi que dans le Dakota du Nord et du Sud et dans le Minnesota. Le méné à grandes écailles est également présent dans le bassin hydrographique du Mississippi, du Minnesota jusqu’au golfe du Mexique, au sud. Dans la partie nord de l’aire de répartition qu’il occupe dans le bassin du Mississippi, le méné à grandes écailles est présent du Nebraska jusqu’à l’État de New York et, dans son aire de répartition située sur la côte du golfe, il est présent du bassin de la baie Mobile jusqu’au bassin hydrographique du lac Pontchartrain. Une population isolée est également présente dans le bassin de la rivière Brazos, au Texas.

figure 2

Figure 2. Aire de répartition mondiale du méné à grandes écailles (adapté de Mandrak et Holm, 2001).

Aire de répartition canadienne (figure 3a, b) – En Ontario, le méné à grandes écailles a été capturé le long de la majeure partie de la rive nord du lac Érié ainsi que sur les rives sud et est du lac Sainte-Claire. D’après un bilan réalisé en 2000, la plupart des prises pour le lac Érié ont été effectuées avant 1960 et dans les années 1990; par ailleurs, les prises pour le lac Sainte-Claire ont été effectuées dans les années 1970 et les années 1980 (Mandrak et Holm, 2001). Depuis 1980, des individus de l’espèce ont été capturés principalement dans le bassin ouest du lac Érié (Port Dover correspond au point le plus à l’est où cette espèce a été capturée, celle-ci étant en général rare dans le bassin est), dans le lac Sainte-Claire et à un seul endroit dans le lac Huron. L’augmentation du nombre de captures dans le bassin ouest du lac Érié, dans les années 1990 et 2000, reflète vraisemblablement le rétablissement de l’espèce depuis le déclin qu’elle a connu au cours des décennies précédentes. Au Manitoba, avant 1980, l’aire de répartition du méné à grandes écailles comprenait les rivières Assiniboine et Rouge, depuis l’embouchure de la rivière Morris au nord jusqu’à l’embouchure de la rivière Assiniboine (Mandrak et Holm, 2001). D’après l’échantillonnage effectué dans les années 1980, 1990 et 2000, l’aire de répartition de l’espèce comprend la rivière Rouge, depuis la frontière avec les États-Unis jusqu’au lac Winnipeg, au nord, ainsi que le lac Winnipeg proprement dit (Mandrak et Holm, 2001; D. Watkinson, MPO, comm. pers., 2008). L’échantillonnage effectué dans les années 2000 nous a permis de constater un agrandissement de l’aire de répartition de l’espèce vers les parties supérieures de la rivière Assiniboine au Manitoba (D. Watkinson, comm. pers., 2008).

fig4
fig5

Pourcentage de l’aire de répartition mondiale au Canada – Moins de 5 % de l’aire de répartition mondiale de l’espèce se trouve actuellement au Canada.

Taille et situation de la population
Taille et situation de la population mondiale – À l’échelle mondiale, les populations de ménés à grandes écailles sont considérées comme étant non en péril (G5). Les données disponibles sur la taille des populations de ménés à grandes écailles aux États-Unis sont limitées. À l’échelle nationale, l’espèce est classée comme étant non en péril (N5) et, à l’échelle infranationale, elle est classée comme étant possiblement disparue (SH) dans l’État de New York et fortement en péril (S1) en Pennsylvanie (NatureServe, 2007). Une liste complète des classements nationaux et infranationaux est présentée au tableau 1.

Tableau 1. Classements de NatureServe à l’échelle nationale et infranationale aux États-Unis et au Canada pour le méné à grandes écailles (NatureServe, 2007).


Classement national canadien et américain (NX) et provincial/étatique (SX)
Canada(N3) Manitoba (S3), Ontario (S2)
États-Unis(N5) Alabama (S5), Arkansas (S3?), Géorgie (S2), Illinois (S5), Indiana (S4), Iowa (SNR), Kansas (S3S4), Kentucky (S4S5), Louisiane (S4), Michigan (S2S3), Minnesota (SNR), Mississippi (S4), Missouri (S3), Nebraska (S4), New York (SH), Dakota du Nord (SNR), Ohio (S3), Oklahoma (S4), Pennsylvanie (S1), Dakota du Sud (S2), Tennessee (S5), Texas (S3), Virginie-Occidentale (S3S4), Wisconsin (S3)

Taille et situation des populations canadiennes – Au Canada, le méné à grandes écailles est classé comme étant vulnérable (N3) à l’échelle nationale, vulnérable (S3) au Manitoba et en péril (S2) en Ontario (NatureServe, 2007). Le MRNO (CIPN, 2007) et le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC; COSEPAC, 2001) considèrent que l’espèce est préoccupante. Le méné à grandes écailles est également inscrit en tant qu’espèce préoccupante en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition de 2007de l’Ontario ainsi que la Loi sur les espèces en péril (annexe 1) du Canada. On dispose de renseignements limités sur la taille des populations de ménés à grandes écailles au Canada; cependant, certaines déductions peuvent être faites à partir des données disponibles. Il semble que les populations soient stables dans les rivières Assiniboine et Rouge, même si la situation de la population du lac Winnipeg demeure inconnue en raison du nombre limité de prises déclarées. Le Manitoba Water Stewardship, en partenariat avec le Lake Winnipeg Consortium et le MPO, a mené des relevés annuels au chalut pélagique dans le lac Winnipeg depuis 2002, et aucun méné à grandes écailles n’a été détecté à ce jour. Toutefois, étant donné le nombre important de poissons échantillonnés, il est possible que des ménés à grandes écailles aient été confondus avec des espèces plus courantes (B. Scaife, Manitoba Water Stewardship, comm. pers., 2008). Les populations des bassins ouest et central du lac Érié semblent se rétablir après avoir connu des déclins marqués provoqués par une qualité d’eau médiocre, situation qui a débuté à la fin des années 1940 et qui s’est poursuivie jusqu’au milieu des années 1980 (Mandrak et Holm, 2001). Le méné à grandes écailles n’a pas été capturé dans le bassin est du lac Érié depuis 2001 (près de Port Dover), malgré des relevés au chalut annuels effectués dans la partie est du bassin par le MRNO (MRNO, 2006). L’espèce peut être moins abondante dans le bassin est en raison de la plus grande profondeur d’eau qui s’y trouve (profondeur moyenne de 24 m [MRNO, 2006]) et en raison des températures de l’eau plus froides (les températures de l’eau prennent généralement plus de temps à s’accroître comparativement à celles des bassins de l’ouest et du centre [MRNO, 2006]). Le méné à grandes écailles est d’ordinaire présent à des profondeurs de 7 à 12 m et est rarement capturé à 20 m (Mandrak et Holm, 2001). Les prises de ménés à grandes écailles varient d’une année à l’autre dans les relevés du MRNO effectués dans le lac Érié; en 2006, 49 ménés à grandes écailles ont été capturés dans le cadre des relevés du MRNO (filets maillants et chalut), tandis que 29 ont été capturés en 2007 (M. Belore, MRNO, comm. pers., 2008). Le MRNO n’a capturé aucun méné à grandes écailles dans les relevés à la senne qu’il a effectués dans des secteurs situés près du rivage des bassins ouest et centre-ouest du lac Érié en 2007 (M. Belore, comm. pers., 2008). Les relevés effectués dans le lac Sainte-Claire par le MRNO de 1979 à 1981 et de 1990 à 1996 ont permis la capture de nombres modérés de ménés à grandes écailles en 1980, en 1981 et en 1990; de 1991 à 1996, un seul spécimen a été capturé (en 1994; Mandrak et Holm, 2001). En outre, le MRNO a effectué des relevés à la senne dans des habitats situés près du rivage du lac Sainte-Claire en 2007, mais, une fois de plus, aucun méné à grandes écailles n’a été détecté (M. Belore, comm. pers., 2008). Le Michigan Department of Natural Resources a mené un relevé au chalut annuel dans le lac Sainte-Claire (y compris du côté canadien) de 1996 à 2001 et n’a pas capturé de ménés à grandes écailles (Thomas et Haas, 2004), même si le maillage des filets utilisés pour effectuer le relevé était approprié pour la détection de ménés à grandes écailles. La situation actuelle du méné à grandes écailles dans le lac Sainte-Claire demeure inconnue. Les tendances récentes concernant les populations dans le lac Huron et dans des parties de l’aire de répartition de l’espèce se trouvant au Manitoba demeurent également inconnues en raison d’un échantillonnage ciblé limité.

Il est difficile de tirer des conclusions concernant la situation des populations canadiennes de ménés à grandes écailles du fait que la quasi-totalité des relevés qui ont permis la détection d’individus de l’espèce ne visaient pas précisément le méné à grandes écailles. Les relevés ciblés, effectués à l’aide de types d’engins dont on connaît l’efficacité pour la détection de l’espèce et l’exécution d’échantillonnage à des moments appropriés, nous donneront une image plus précise de la situation du méné à grandes écailles au Canada.

Populations importantes à l’échelle nationale – Aucune population identifiée.

Au Canada, le méné à grandes écailles vit dans de grands lacs et des cours d’eau, de taille moyenne à grande, dans lesquels les courants sont modérés, à des profondeurs variant de 7,6 à 12 m, bien que l’on ait déjà capturé des spécimens à des profondeurs allant jusqu’à 20 m (Kinney, 1954). Le substrat recherché par ce poisson est d’ordinaire du limon ou du sable, mais des individus sont parfois associés avec des substrats durs tels que du gravier, de la blocaille, des roches ou un fond rocheux (Kinney, 1954; Trautman, 1981). D’après Robison et Buchanan (1992), l’espèce semble tolérer l’envasement et la turbidité; cependant, en Ohio, les abondances les plus élevées ont été observées au-dessus de substrats de gravier et de sable propres, et l’espèce semble vulnérable à de nombreux types de polluants (Trautman, 1981). À Winnipeg, on rencontre l’espèce dans les rivières Assiniboine et Rouge, lesquelles peuvent présenter une très forte turbidité en raison de leurs sols argileux. Dans la rivière Arkansas, le méné à grandes écailles vit sur des substrats sableux pendant le jour, mais se déplace vers la rive (à une distance de 0,5 à 1 m) pour s’alimenter durant la nuit (Robison et Buchanan, 1992). Le méné à grandes écailles n’est généralement pas associé aux macrophytes aquatiques (Mandrak et Holm, 2001).

Le méné à grandes écailles fraie au printemps ou au début de l’été (de mai à juillet) lorsque les températures varient de 19 à 23 oC (Mandrak et Holm, 2001); toutefois, il existe une certaine incertitude quant aux endroits où l’espèce fraie et quant à ses besoins en matière d’habitat de frai. D’après Scott et Crossman (1998), l’espèce semble frayer en eaux libres, tandis que Kinney (1954) a observé que, dans le lac Érié, l’espèce se déplaçait vers le rivage, vraisemblablement pour se reproduire. Goodyear et al. (1982) avancent que le méné à grandes écailles se reproduirait au-dessus de substrats constitués de gravier propre dans les tributaires du lac Érié.

Selon le stade biologique et les proies disponibles, le méné à grandes écailles s’alimente de diverses proies. Aux États-Unis, le régime alimentaire de l’espèce est constitué de larves d’insectes aquatiques, de coléoptères, d’hémiptères, de mollusques, de crustacés et de coléoptères aquatiques (Becker, 1983; Mandrak et Holm, 2001). Dans le lac Érié, les jeunes ménés à grandes écailles s’alimentent de larves d’insectes et de petits crustacés, tandis que les individus plus âgés s’alimentent principalement de nymphes d’éphémères communes (Hexagenia spp.; Scott et Crossman, 1998). L’examen du contenu stomacal de douze spécimens provenant du lac Érié a révélé dans huit cas la présence de nymphes d’éphémères communes. Parmi les autres proies observées, mentionnons des œufs de poissons, des moules zébrées (Dreissena polymorpha), des ostracodes ainsi que des phryganes (Mandrak et Holm, 2001). Par ailleurs, en 2000, une étude portant sur le contenu des intestins de 110 ménés à grandes écailles a révélé dans 86 % des cas la présence de moules zébrées et dans 10 % seulement des cas, la présence de Hexagenia spp. (N.E. Mandrak, données non publiées). Toutefois, les spécimens de ménés à grandes écailles utilisés dans l’étude ont été prélevés entre juin et novembre (N.E. Mandrak, données non publiées), tandis que ceux recueillis par Kinney (1954) entre février et mai avaient un pourcentage élevé d’Hexagenia spp. dans leurs intestins. En conséquence, le méné à grandes écailles peut passer d’une proie à l’autre, selon la disponibilité saisonnière, et les nymphes d’éphémères communes peuvent prédominer davantage dans leur régime alimentaire au début du printemps, quand les nymphes émergent du substrat et nagent jusqu’à la surface.

Le méné à grandes écailles est parfois abondant dans le bassin ouest du lac Érié et dans le cours principal des rivières Assiniboine et Rouge et, de ce fait, pourrait constituer une espèce proie importante pour des espèces de poissons commerciales telles que le doré (Sander vitreus) et la perchaude (Perca flavescens) (Mandrak et Holm, 2001).

La température de l’eau est un facteur limitatif pour le méné à grandes écailles – Kinney (1954) indique que l’espèce a besoin de températures d’eau variant de 7,2 à 10 oC pendant six ou sept mois et de 21 oC pendant trois mois pour afficher une croissance normale et se reproduire. Les concentrations d’oxygène dissous sont également un facteur limitatif selon Kinney (1954) qui a observé que les ménés à grandes écailles mouraient dans un aquarium lorsque les concentrations d’oxygène chutaient à 4,4 mg/l. Ce phénomène peut être particulièrement préoccupant dans les environnements lacustres (p. ex. lac Érié) où des conditions anoxiques peuvent survenir en raison des charges en éléments nutritifs combinées à des températures de l’eau élevées. Le méné à grandes écailles peut également être limité par la compétition avec la perchaude ou la prédation par cette dernière.

Parmi les menaces connues et présumées pesant sur le méné à grandes écailles, mentionnons une qualité d’eau médiocre (c.-à-d. la charge en éléments nutritifs et l’eutrophisation qui en découle) et ses impacts sur les espèces dont s’alimente le méné à grandes écailles, la dégradation de l’habitat, la charge en sédiments, les espèces exotiques, l’altération des processus riverains, le changement climatique et la pêche aux poissons-appâts (Mandrak et Holm, 2001; EREE, 2008). Bien que certaines menaces aient diminué en importance au cours des dernières années (p. ex. charge en éléments nutritifs dans le lac Érié), l’ampleur de leur impact actuel sur l’espèce n’a pas encore été évaluée à fond et d’autres recherches sur ce sujet sont requises.

Le tableau 2 résume, par ordre de préoccupation, l’ensemble des menaces connues et présumées pesant sur le méné à grandes écailles au Canada. Sept menaces ont été classées en fonction de leurs impacts relatifs attendus, de leur répartition spatiale et de leur gravité prévue. Les paramètres de la classification des menaces se définissent comme suit :

Étendue – Étendue spatiale de la menace dans le plan d’eau (généralisée/localisée).
Fréquence – Fréquence à laquelle la menace apparaît dans le plan d’eau (saisonnière/continue).
Certitude causale – Degré d’incertitude indiquant qu’il s’agit d’une menace pesant sur l’espèce (élevée – E, moyenne – M, faible – F).
Gravité – Gravité de la menace dans le plan d’eau (E/M/F).
Degré de préoccupation global – Degré composite de préoccupation concernant la menace pesant sur l’espèce (E/M/F).

Tableau 2. Tableau de classification des menaces pesant sur le méné à grandes écailles au Canada (adapté d’EREE, 2008).


Menace
Étendue
(généralisée/localisée)
Fréquence (saisonnière/continue) Certitude causale
(élevée, moyenne, faible)
Gravité
(élevée, moyenne, faible)
Degré de préoccupation global
(élevé, moyen, faible)
Dégradation de l’habitat Généralisée Continue Élevée Élevée Élevé
Charge en éléments nutritifs Généralisée Continue Élevée Élevée Élevé
Charge en sédiments Généralisée Continue Moyenne Élevée Élevé
Changement climatique Généralisée Continue Moyenne Élevée Élevé
Espèces exotiques Généralisée Continue Faible Moyenne Élevé
Altération des processus riverains Généralisée Continue Faible Faible Faible
Pêche aux poissons-appâts Localisée Saisonnière Faible Faible Faible

Les descriptions suivantes ont été adaptées principalement à partir du Programme de rétablissement Essex-Érié (PREE; EREE, 2008).

Dégradation de l’habitat – La modification des cours d’eau intérieurs par l’aménagement d’ouvrages de drainage souterrain et de surface a eu une incidence négative sur les réseaux hydrologiques et a réduit l’étendue et la qualité de l’habitat aquatique. L’habitat de frai historique de l’espèce (substrats de gravier propre) au sein des tributaires du lac Érié s’est dégradé, et on pense que l’espèce n’utilise plus ces secteurs (Goodyear et al., 1982; EREE, 2008). Les autres facteurs se rapportant à la dégradation des habitats, comme la charge en sédiments et en éléments nutritifs, sont traités dans les sections portant sur ces sujets.

Charge en éléments nutritifs – Les éléments nutritifs (nitrates et phosphates) pénètrent dans les cours d’eau par diverses voies, y compris les fumiers et les engrais épandus sur les terres agricoles, les déversements de fumier, les usines de traitement des eaux usées et les installations septiques résidentielles défectueuses. L’enrichissement des cours d’eau en éléments nutritifs peut avoir un effet négatif sur la santé du milieu aquatique en entraînant la prolifération d’algues, laquelle réduit les concentrations d’oxygène dissous. Le méné à grandes écailles est pratiquement disparu du lac Érié dans les années 1960, vraisemblablement en raison de l’eutrophisation et des faibles concentrations d’oxygène qui en ont résulté, facteurs qui ont eu une incidence négative sur la qualité de l’eau et la disponibilité des invertébrés dont le méné à grandes écailles s’alimente (Mandrak et Holm, 2001). La charge en phosphore a atteint un sommet de 29 000 tonnes en 1968, ce qui a entraîné un effondrement des populations d’Hexagenia spp. Comme la qualité de l’eau s’est améliorée à la fin des années 1980, les populations d’Hexagenia spp. se sont rétablies et, en 2004, la densité moyenne d’Hexagenia spp. dans la partie ouest du lac Érié était de 195 nymphes/m², ce qui s’approche de la plage de densités considérées comme excellentes (201 à 300 nymphes/m²) selon l’Ohio’s Lake Erie Quality Index (OLEC; Krieger et al., 2007). De façon générale, les concentrations de phosphore dans le lac Érié ont affiché une importante tendance à la baisse entre 1976 et 1999 (Nicholls et al., 2001). Toutefois, les données recueillies de 2000 à 2004 semblent indiquer une tendance continue à la hausse dans les concentrations de phosphore depuis 1994, et ce, à un taux d’environ 1,4 µg/L/an; les raisons sous-jacentes de cette augmentation des concentrations de phosphore demeurent inconnues (U.S. EPA, 2007). Dans les rivières Assiniboine et Rouge, au Manitoba, on se préoccupe beaucoup de l’enrichissement en éléments nutritifs de sources diffuses attribuable au ruissellement des terres agricoles ainsi qu’à l’expansion de l’industrie porcine, qui entraîne l’établissement d’exploitations à haute densité dans l’ensemble des bassins hydrographiques de ces rivières (Manitoba Conservation, 2000). D’importantes augmentations des concentrations totales d’azote et de phosphore ont été observées dans les bassins hydrographiques des rivières Assiniboine et Rouge au cours des 30 dernières années; ces augmentations ont varié de 29 à 62 % pour le phosphore total et de 54 à 57 % pour l’azote total dans les rivières Rouge et Assiniboine respectivement (Jones et Armstrong, 2001). Ces deux éléments nutritifs contribuent de façon importante à l’enrichissement en éléments nutritifs des plans d’eau, phénomène qui peut entraîner la dégradation de la qualité de l’eau ou l’eutrophisation. Les apports d’éléments nutritifs dans ces deux bassins hydrographiques ont provoqué l’eutrophisation du lac Winnipeg.

Charge en sédiments – La charge en sédiments affecte les cours d’eau intérieurs, les milieux humides côtiers et les habitats littoraux en diminuant la clarté de l’eau et en augmentant l’envasement des substrats et peut jouer un rôle dans le transport sélectif des polluants, y compris le phosphore. La charge en sédiments peut entraîner une turbidité accrue, laquelle peut nuire à la vision et à la respiration des organismes. On a également associé des charges excessives en sédiments à l’envasement des substrats, ce qui affecte de nombreuses espèces en péril et leur habitat. L’envasement peut avoir un impact sur les espèces en diminuant l’abondance des proies ainsi qu’en étouffant les œufs déposés sur le substrat. Même si l’on a capturé des ménés à grandes écailles dans des cours d’eau turbides, cette espèce s’est déplacée vers des cours d’eau plus propres présentant des substrats de gravier lorsque les bassins sont devenus trop envasés (Trautman, 1981) et, selon Robison et Buchanan (1992), l’espèce est la plus abondante sur des substrats propres, exempts de limon et constitués de sable et de gravier. Les impacts qu’ont les fortes charges en sédiments sur le méné à grandes écailles au Canada ne sont pas bien connus. Il semble que l’espèce soit plus tolérante à de fortes concentrations de solides en suspension (c.-à-d. à la turbidité) qu’à de forts degrés de dépôts de sédiments étant donné que des individus de l’espèce ont été capturés dans les eaux turbides des rivières Assiniboine et Rouge (il n’est pas rare d’y mesurer des profondeurs de 10 à 30 cm d’après le disque de Secchi), dans des sites faiblement ou nullement envasés.

Espèces exotiques – Les espèces exotiques peuvent affecter les espèces en péril de diverses façons, notamment en exerçant une compétition directe pour l’espace et l’habitat ainsi qu’une compétition pour la nourriture, en étouffant les individus et en provoquant une restructuration des réseaux trophiques aquatiques (EREE, 2008). On dénombre maintenant au moins 182 espèces exotiques qui ont envahi le bassin des Grands Lacs depuis 1840 (Ricciardi, 2006), et au moins certaines d’entre elles affecteront des populations d’espèces en péril d’une façon ou d’une autre. D’après Dextrase et Mandrak (2006), si la perte et la dégradation d’habitats constituent la menace prédominante pour les espèces aquatiques en péril, les espèces exotiques représentent la deuxième menace en importance, touchant 26 des 41 espèces inscrites à l’annexe de la LEP au Canada. La carpe commune (Cyprinus carpio), le gobie arrondi (Neogobius melanostomus) et la moule zébrée sont trois espèces exotiques qui ont eu un effet dramatique sur de nombreuses espèces aquatiques en péril et qui continueront d’altérer les écosystèmes et les processus écosystémiques. Le gobie arrondi peut avoir un impact négatif sur le méné à grandes écailles en lui livrant une compétition pour les ressources alimentaires, comme Hexagenia spp., qui est la proie de prédilection du méné à grandes écailles et qui peut également représenter une source alimentaire importante pour le gobie arrondi (French et Jude, 2001). Selon Krieger et al. (2007), la prédation exercée par le gobie arrondi peut limiter l’abondance d’Hexagenia spp. dans le lac Érié. Cela peut avoir un impact négatif sur le méné à grandes écailles étant donné que Johnson et al. (2005) ont estimé que la population de gobies arrondis se situait à 9,9 x 109 individus dans le bassin ouest en 2002. Il est également possible que le gobie arrondi s’alimente d’œufs ou de larves du méné à grandes écailles. Les impacts que peut avoir la moule zébrée sur le méné à grandes écailles demeurent inconnus, mais il est possible que le méné à grandes écailles ait profité de la présence des moules zébrées du fait que les populations de ménés à grandes écailles et de sa proie, Hexagenia spp., se sont rétablies peu après l’introduction de la moule zébrée dans le lac Érié (Krieger et al., 1996). On ne connaît pas toutes les raisons expliquant le rétablissement d’Hexagenia spp.; cependant, l’amélioration de la clarté de l’eau résultant de la forte capacité de filtration des moules zébrées a permis à une plus grande quantité de lumière d’atteindre de grandes profondeurs, augmentant par le fait même la productivité benthique (Fahnenstiel et al., 1995). Cette augmentation de la productivité benthique peut avoir joué un rôle dans la recolonisation du lac Érié par Hexagenia spp. En outre, on a découvert des moules zébrées dans le contenu intestinal de ménés à grandes écailles (Mandrak et Holm, 2001); celles-ci peuvent donc constituer une source de nourriture.

Altération des processus riverains – Il a été avancé que l’altération des processus riverains naturels par le renforcement des rives et par d’autres activités telles que les prélèvements de sable et de gravier pouvait constituer une menace pour les espèces de poissons en péril, y compris le méné à grandes écailles (EREE, 2008). La mesure dans laquelle l’altération des processus riverains a une incidence sur le méné à grandes écailles est inconnue à l’heure actuelle, du fait que l’on estime que l’espèce passe la majorité de son temps au large, dans des zones d’eaux libres.

Changement climatique – On s’attend à ce que le changement climatique ait des effets importants sur les communautés aquatiques du bassin des Grands Lacs, et ce, par l’entremise de plusieurs mécanismes, y compris des augmentations des températures de l’eau et de l’air, des changements dans les niveaux d’eau, le raccourcissement de la durée de la période de couverture glacielle, des augmentations de la fréquence des événements météorologiques extrêmes, l’émergence de maladies et des changements dans la dynamique prédateur-proie (Lemmen et Warren, 2004). Le méné à grandes écailles a des exigences particulières en matière de températures de l’eau (de 7,2 à 10 oC pendant six ou sept mois; Kinney, 1954), et il est possible que le changement climatique ait un impact sur l’espèce en provoquant des changements dans les températures de l’eau. Le changement climatique peut également affecter Hexagenia spp., qui est la proie de prédilection du méné à grandes écailles. Hexagenia spp. est vulnérable à l’hypoxie (faibles concentrations d’oxygène dissous; Krieger et al., 1996, 2007); l’hypoxie chronique, à des températures ≤ 14 oC, réduit le taux de survie des nymphes d’éphémères communes (20 % ont survécu huit jours dans des conditions hypoxiques), et cet effet est accru lorsque les températures de l’eau augmentent (Krieger et al., 1996). Des conditions chaudes persistantes ou des conditions météorologiques inhabituelles qui permettent l’établissement d’un hypolimnion peu profond sur de grandes surfaces du bassin ouest du lac Érié peuvent entraîner des conditions d’anoxie (manque d’oxygène dissous) au fond du lac (Krieger et al., 1996), ce qui peut avoir un impact négatif sur les populations d’Hexagenia. On prévoit que les effets du changement climatique seront généralisés, et il convient de considérer qu’ils auront un impact sur les espèces en péril et tous les habitats. L’identification des mesures d’atténuation dont nous aurons besoin pour nous adapter au changement climatique ou pour prévenir ses conséquences négatives nécessitera une coordination avec d’autres organismes relativement à la réalisation des travaux de recherche, à la prise de mesures d’atténuation recommandées et à la mise en œuvre d’activités de surveillance.

Pêche aux poissons-appâts – La pêche aux poissons-appâts est réglementée au Canada, et le terme « poisson-appât » est défini à l’annexe 1 du Règlement de pêche du Manitoba de 1987 (du gouvernement fédéral) comme incluant les « ménés, sauf la carpe et le cyprin doré », ce qui fait du méné à grandes écailles une espèce de poisson-appât légal. Actuellement, huit pêcheurs de poissons-appâts commerciaux détiennent un permis pour pêcher sur la rivière Rouge à l’aide de sennes. Huit pêcheurs détiennent également un permis pour pêcher dans le bassin sud du lac Winnipeg; toutefois, la production dans le lac même est faible et est fort probablement confinée aux zones ciblées par les pêcheurs situées près du rivage, en particulier près de l’embouchure de la rivière Rouge ou d’autres cours d’eau qui se déversent dans le lac. Dans certains cas, les pêcheurs de poissons-appâts sont également des pêcheurs commerciaux qui utilisent leur permis de pêche aux poissons-appâts pour commercialiser les prises accessoires de petits ciscos qui présentent peu d’intérêt sur le marché de l’alimentation. Aucune étude n’a été menée sur les poissons-appâts prélevés afin de déterminer l’occurrence du méné à grandes écailles.

Le méné à grandes écailles n’est pas un poisson-appât légal en Ontario (MRNO, 2008).

Les prises accessoires résultant de la pêche commerciale sont décrites comme une menace potentielle pour le méné à grandes écailles (Mandrak et Holm, 2001); cependant, le maillage minimal des filets maillants commerciaux utilisés dans le lac Érié est de 57 mm et, pendant les relevés du MRNO, 99 % des ménés à grandes écailles ont été capturés avec des filets dont le maillage était inférieur à cette limite (M. Belore, comm. pers., 2008). En conséquence, les prises accessoires enregistrées dans les pêches commerciales ne sont pas susceptibles de représenter une menace sérieuse pour le méné à grandes écailles. Dans la même veine, les prises accessoires ne sont pas considérées comme représentant une menace pour les populations du Manitoba, où le maillage minimal des filets commerciaux est d’environ 76 mm (D. Watkinson, comm. pers., 2008).

Programme de rétablissement Essex-Érié – Le but du programme est de maintenir et de restaurer la qualité et la fonction des écosystèmes dans la région Essex-Érié afin de soutenir des populations viables d’espèces de poissons en péril dans toute leur aire de répartition actuelle et passée (EREE, 2008). Ce programme de rétablissement inclut des initiatives de rétablissement ou de gestion ciblant le méné à grandes écailles et 14 autres espèces de poissons en péril.

Coordination avec les équipes de rétablissement des espèces en péril – (L’information qui suit a été adaptée à partir du PREE [EREE, 2008]).

L’élaboration et la mise en œuvre des mesures de gestion sont coordonnées avec d’autres équipes de rétablissement d’espèces en péril, qui œuvrent dans l’ensemble de l’aire de répartition du méné à grandes écailles, dans le sud-ouest de l’Ontario. Par exemple, de nombreux membres de l’Équipe de rétablissement des poissons d’eau douce de l’Ontario (ERPEDO) appartiennent également à une ou à plusieurs autres équipes de rétablissement, et les efforts pour officialiser des voies de communication avec chacune des autres équipes devraient être soutenus. La coordination avec les autres équipes de rétablissement est particulièrement importante pendant la mise en œuvre d’activités d’amélioration de l’habitat (notamment avec les équipes des programmes de rétablissement écosystémiques). En partageant de l’information avec d’autres équipes de rétablissement, il est possible d’obtenir du financement pour mettre en œuvre des projets qui offriront de multiples avantages. La coordination avec d’autres équipes de rétablissement permettra également de s’assurer que les mesures de gestion proposées n’auront pas d’impacts négatifs sur d’autres espèces en péril vivant dans l’aire de répartition du méné à grandes écailles; les mesures de gestion peuvent en fait améliorer ou faciliter le rétablissement d’autres espèces en péril.

Plan d’action du lac Winnipeg – En 2003, on a procédé à l’annonce d’un plan d’action pour aider à protéger le lac Winnipeg. Ce plan est en quelque sorte un engagement pour la réduction des charges en azote et en phosphore afin qu’elles reviennent aux concentrations qui existaient avant les années 1970. Le Plan d’action du lac Winnipeg a été élaboré en partie à partir de recherches scientifiques menées dans le cadre de la Stratégie de gestion des nutriments et sera mis à jour au fur et à mesure que de nouvelles études seront disponibles (Gouvernement du Manitoba, 2007).
Plan d’action pour l’assainissement de la rivière Detroit – Afin d’améliorer les conditions environnementales dans le secteur préoccupant de la rivière Detroit, un plan d’action pour l’assainissement a été élaboré. Le plan a été lancé en 1987 sous la forme d’un partenariat entre les gouvernements fédéraux du Canada et des États-Unis ainsi que des gouvernements provinciaux et étatiques, en collaboration avec l’industrie, les municipalités, d’autres intervenants et le Detroit River Bi-national Public Advisory Committee (Environnement Canada, 2008).

Relevés récents – Le tableau qui suit résume les relevés de poissons menés récemment par divers organismes dans l’ensemble de l’aire de répartition du méné à grandes écailles. La majorité de ces relevés ne visaient pas précisément le méné à grandes écailles.

Tableau 3. Résumé des récents relevés de poissons menés dans l’aire de répartition du méné à grandes écailles. Des individus de l’espèce ont été détectés au cours des relevés indiqués en caractères gras.


Plans d’eau/région générale
Description du relevé (années d’effort de relevé)
Lac Sainte-Claire
  • Relevé des communautés riveraines de poissons, MRNO (2005, 2007)a
  • Relevé des communautés de poissons, DNR du Michigan (1996-2001)b
  • Échantillonnage dans la région Essex-Érié ciblant les poissons en péril, MPO (2007)a, c
  • Relevé d’automne avec pièges à poissons, MRNO (1974-2007, annuel)e
  • Relevé par pêche repère à la senne ciblant les jeunes de l’année, MRNO (annuel)a
Rivière Detroit
  • Associations poissons-habitat dans la rivière Detroit, MPO et Université de Windsor (2003-2004)a, d
  • Milieux humides côtiers de la rivière Detroit, MPO et Université de Guelph (2004-2005)
  • Relevés des communautés de poissons, MPO et MRNO (2003, 2004)d
Lac Érié
  • Relevé au chalut interagences dans le bassin ouest, MRNO (1987-2007, annuel)b
  • Milieux humides côtiers le long du lac Érié (2004-2005)e
  • Relevé au filet maillant mené en partenariat dans l’ensemble du lac, MRNO (1989-2007, annuel)i
  • Relevés à la senne de plage menés près du rivage, MRNO et MPO (2005-2006)a (Reid et Mandrak, 2008)
  • Relevé à la senne mené près du rivage, bassin ouest et centre-ouest, MRNO (2007)a
Pointe Pelée
  • Étude sur la composition des espèces de poissons (Surette, 2006), Université de Guelph, MPO et PNPP (2002-2003)a, c, f, g, h
Baie Rondeau
  • Relevés des communautés de poissons, MRNO et MPO (2004-2005)a, d, f
Baie Long Point
  • Relevés par pêche repère, MRNO (annuels)b
  • Échantillonnage dans la région Essex-Érié ciblant les poissons en péril (Pointe Turkey), MPO (2007)a, c, d
Rivière Assiniboine
  • Relevé des poissons de long parcours et des débits minimaux requis, MPO (1995, 1996, 2001, 2002)d
Rivière Rouge
  • Relevé des espèces de poissons en péril, MPO (2002-2003)d
Lac Winnipeg – Bassin Nord, bassin Sud, secteur du chenal
  • Relevés au chalut pélagique pour établir la répartition et l’abondance des espèces, Manitoba Water Stewardship, Lake Winnipeg Consortium, MPO (annuellement depuis 2002)b

Acronymes : MRNO – Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario; DNR – Department of Natural Resources; MPO – Pêches et Océans Canada; PNPP- Parc national de la Pointe-Pelée
Type d’engin : a – senne; b – chalut; c – piège; d – électropêche depuis une embarcation; e –électropêche avec bloc portatif; f – verveux; g – piège à ménés; h – piège Windemere; i – filet maillant

Comme le méné à grandes écailles n’a pas fait l’objet d’études approfondies au Canada, de nombreux aspects de sa biologie et de son écologie demeurent inconnus. Or, cette information est nécessaire si l’on veut mettre au point des approches de gestion. Par exemple, on ne sait pas précisément où l’espèce fraie – Scott et Crossman (1998) présument que le méné à grandes écailles se reproduit en eaux libres, tandis que Kinney (1954) rapporte que l’espèce quitte les eaux libres du lac Érié pour aller frayer près du rivage. D’après Goodyear et al. (1982), l’espèce se déplaçait autrefois dans les tributaires du lac Érié pour se reproduire. La nature exacte et l’étendue des menaces qui pèsent actuellement sur le méné à grandes écailles demeurent également inconnues.

Les buts, objectifs et approches de gestion qui suivent ont été adaptés à partir du programme de rétablissement Essex-Érié (EREE, 2008). Le but établi en matière de gestion sera atteint principalement par la mise en œuvre d’approches de gestion ou de rétablissement écosystémiques (le cas échéant), de concert avec les programmes de rétablissement écosystémiques et uni ou plurispécifiques pertinents, et permettra d’atténuer les menaces relevées. Se reporter à la section 4.0 pour consulter la liste des programmes de rétablissement pertinents dans le cadre de la gestion du méné à grandes écailles.

Le but à long terme (au cours des 20 prochaines années) est de maintenir ou d’améliorer les populations actuelles de ménés à grandes écailles au Canada et d’améliorer la qualité et l’étendue de ses habitats.

  1. Déterminer la répartition, l’abondance et les caractéristiques démographiques des populations actuelles.
  2. Relever les besoins clés en matière d’habitat.
  3. Déterminer les tendances à long terme concernant les populations et l’habitat.
  4. Relever et atténuer les menaces pesant sur l’espèce et son habitat.
  5. Poursuivre la coordination des efforts de gestion avec les équipes de rétablissement concernées (p. ex. équipes des programmes de rétablissement écosystémiques) et d’autres organismes et groupes (ou initiatives) complémentaires.
  6. Poursuivre la sensibilisation du public à l’égard de la répartition et de la gestion du méné à grandes écailles ainsi que des menaces pesant sur celui-ci.

Effectuer des relevés des habitats et des populations cibles dans le lac Sainte-Claire et d’autres emplacements historiques où les tendances récentes des populations sont inconnues. De tels relevés nous aideront à déterminer l’aire de répartition, l’abondance et les caractéristiques démographiques de l’espèce. Les méthodes d’échantillonnage doivent être normalisées, inclure une évaluation pertinente des caractéristiques de l’habitat et faire appel à des techniques reconnues comme étant appropriées pour la détection du méné à grandes écailles, notamment le chalutage ou l’utilisation de sennes (voir Portt et al. [sous presse] pour connaître les méthodes d’échantillonnage appropriées pour la détection du méné à grandes écailles). Les efforts seront coordonnés avec ceux déployés dans le cadre des relevés d’espèces de poissons en voie de disparition et menacés lorsque cela sera approprié ou possible.

Dans la mesure du possible, recueillir des données sur l’habitat et les populations afin d’établir un indice normalisé au moyen des programmes de surveillance en place (p. ex. chalutages annuels du MRNO dans le lac Érié, chalutages annuels dans le lac Winnipeg [par le Manitoba Water Stewardship, en partenariat avec le Lake Winnipeg Consortium et le MPO], surveillance des espèces en voie de disparition ou menacées). Les données recueillies par l’entremise des programmes de surveillance en place nous permettront d’effectuer un suivi quantitatif des changements survenus dans l’abondance de la population et les caractéristiques démographiques de l’espèce et d’analyser l’utilisation et la disponibilité de l’habitat ainsi que les changements survenus dans ces paramètres au fil du temps. Dans la mesure du possible, les protocoles de surveillance doivent tenir compte des méthodes d’échantillonnage utilisées dans le relevé des conditions de base et fournir des orientations quant à la période d’échantillonnage. Le but n’est pas d’élaborer un programme de surveillance autonome, mais plutôt d’harmoniser les besoins en matière de données sur les populations et l’habitat avec les programmes de surveillance en cours.

Il faut effectuer des recherches sur la biologie, le cycle biologique et les besoins en matière d’habitat du mené à grandes écailles du fait que l’on sait actuellement peu de choses de l’espèce, notamment ses lieux de frai, le frai comme tel et les besoins en matière d’habitat selon l’âge. En outre, on a besoin d’information sur les besoins saisonniers en matière d’habitat et l’utilisation de l’habitat pour déterminer quels sont les habitats occupés par l’espèce et ceux qui pourraient lui convenir. Si cela est possible, les échantillons prélevés pendant les relevés annuels par pêche repère du MRNO dans le bassin ouest du lac Érié doivent être conservés pour la poursuite des études sur la biologie, la reproduction et le cycle biologique du méné à grandes écailles. Les données recueillies dans le cadre des relevés sur les conditions de base et les activités de surveillance nous aideront à éclairer les activités de recherche associées aux volets spatial et temporel (p. ex. périodes de frai et lieux).

Les menaces potentielles pouvant avoir une incidence sur les populations actuelles doivent être étudiées et évaluées. Par exemple, les impacts de l’altération des processus riverains et des espèces exotiques (p. ex. gobie arrondi) sur le méné à grandes écailles demeurent inconnus. L’évaluation des menaces pesant sur chacune des populations peut nous donner un éclairage qui nous permettra d’atténuer leur incidence.

Des mesures doivent être prises pour atténuer les menaces connues immédiates ainsi que les menaces relevées dans le cadre de la recherche (section 2.3.3). L’atténuation des menaces sera effectuée principalement par la mise en œuvre d’approches de rétablissement dans le cadre des programmes de rétablissement uni ou plurispécifiques et écosystémiques pertinents.

Le PREE, qui est un programme écosystémique, incorpore les exigences du méné à grandes écailles. En plus des considérations propres à l’espèce, le PREE fait appel à des stratégies appliquées à l’échelle du bassin pour améliorer les conditions environnementales, notamment la qualité de l’eau, ce qui profite notamment au méné à grandes écailles. En outre, la mise en œuvre de mesures de gestion du méné à grandes écailles sera coordonnée avec des approches axées sur le rétablissement d’espèces en voie de disparition et menacées dont l’aire de répartition chevauche celle du méné à grandes écailles (voir la section 4.0 pour consulter la liste des espèces). On recommande l’adoption d’une approche coordonnée entre l’ERPEDO et d’autres équipes de programmes de rétablissement écosystémiques ou axés sur une espèce afin d’optimiser les possibilités de partage des ressources et de l’information et de permettre des gains au chapitre de l’efficacité.

L’ERPEDO fera connaître le méné à grandes écailles auprès des communautés des sciences et de la conservation qui participent à la gestion et à la surveillance de poissons d’eau douce en Ontario. En outre, il faut incorporer le méné à grandes écailles aux programmes actuels de communication et de vulgarisation portant tant sur le rétablissement écosystémique que sur les espèces aquatiques en voie de disparition et menacées afin de promouvoir la nécessité de protéger les poissons d’eau douce et de préserver la qualité des écosystèmes aquatiques d’eau douce.

2.4 Effets sur d’autres espèces
Les mesures de gestion proposées profiteront à l’environnement en général. La mise en œuvre des mesures de gestion proposées devrait vraisemblablement profiter à un vaste éventail d’espèces indigènes, y compris des espèces en péril concurrentes. Nombre des activités d’intendance et d’amélioration de l’habitat seront mises en œuvre dans le cadre de programmes de rétablissement écosystémiques qui tiennent déjà compte des besoins d’autres espèces en péril. Aucun impact négatif sur d’autres espèces n’est attendu à la suite de la mise en œuvre des mesures de gestion du méné à grandes écailles.

Pêches et Océans Canada invite d’autres agences et organismes à participer à la conservation du méné à grandes écailles en prenant part à la mise en œuvre du présent plan de gestion. Les organismes ci-dessous ont été identifiés en tant que partenaires pour la mise en œuvre des mesures recommandées.

Le tableau 4 résume les mesures recommandées pour soutenir le but et les objectifs du plan. Les activités mises en œuvre par Pêches et Océans Canada sont sujettes à la disponibilité des fonds et des autres ressources nécessaires. Au besoin, des partenariats avec des organismes et des secteurs particuliers permettront de disposer de l’expertise et des ressources nécessaires pour mener à bien les mesures indiquées. Toutefois, la mention des partenaires n’est donnée qu’à titre indicatif pour les autres organismes, et la mise en œuvre de ces mesures sera fonction des priorités et des contraintes budgétaires de chaque organisme.
Table 4. Calendrier de mise en œuvre proposé.


Mesures
Objectifs Priorité Menaces prises en considéra-tion Organismes participants Échéancier
(années)
Ontario Manitoba
Relevés des conditions de base i, ii Nécessaire Toutes MPO, MRNO, OC MPO 2010-2014*
Surveillance ii, iii Nécessaire Toutes MPO,
MRNO, OC
MPO, LWC, MWS 2010-2014*
Recherche ii, iii, iv Nécessaire Toutes MPO,
MRNO, OC
MPO 2010-2016*
Atténuation des menaces iv Nécessaire Toutes MPO, MRNO, OC MPO, LWC, MWS En cours*
Coordination avec les équipes de rétablissement V Bénéfique Toutes MPO, MRNO, OC MPO En cours*
Vulgarisation et communication vi Bénéfique Toutes MPO, MRNO, OC MPO En cours*

1 Les échéanciers peuvent être modifiés en fonction de la demande relative aux ressources.
* De concert avec des programmes de rétablissement écosystémiques et unispécifiques pertinents.
†Voir la section 1.5.2 intitulée Description des menaces.
†† Acronymes :
MPO – Pêches et Océans Canada
MRNO – Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
OC – Organismes de conservation
LWC – Lake Winnipeg Consortium
MWS – Manitoba Water Stewardship

Le méné à grandes écailles est inclus dans le programme de rétablissement écosystémique Essex-Érié (EREE, 2008). Parmi les autres programmes de rétablissement écosystémiques qui peuvent être applicables à la conservation du méné à grandes écailles, mentionnons le programme de rétablissement de la rivière Sydenham (Dextrase et al., 2003) et celui de la rivière Thames (TRRT, 2005); ces deux bassins hydrographiques contribuent fortement à la charge en sédiments et en éléments nutritifs du lac Sainte-Claire, où la présence du méné à grandes écailles est connue. Les poissons visés par des programmes de rétablissement unispécifiques dont l’aire de répartition chevauche celle du méné à grandes écailles sont le chat-fou du Nord (Noturus stigmosus) et le méné camus (Notropis anogenus).

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Les membres suivants de l’Équipe de rétablissement des poissons d’eau douce de l’Ontario ont participé à l’élaboration du plan de gestion du méné à grandes écailles :

Shawn Staton (président) Pêches et Océans Canada
Megan Belore Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
Alan Dextrase Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
Sandy Dobbyn Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
Andrea Doherty Pêches et Océans Canada
Amy Boyko Pêches et Océans Canada
Fred Hnytka Pêches et Océans Canada
Nicholas Mandrak, Ph. D. Pêches et Océans Canada
Scott Reid, Ph. D. Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
Barb Scaife Manitoba Water Stewardship
Harald Schraeder Ministère de l’Environnement de l’Ontario
Doug Watkinson Pêches et Océans Canada
Anne Yagi Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario

Annexe 1. consultation et collaboration

Le plan de gestion du méné à grandes écailles a été préparé par Pêches et Océans Canada (MPO), avec la participation de représentants du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO), du ministère de l’Environnement de l’Ontario (MEO) et du Manitoba Water Stewardship. Tous les membres des équipes des programmes de rétablissement écosystémiques en place (rivières Ausable, Thames, Sydenham et Grand, et région Essex-Érié) ont été invités à participer à l’élaboration du présent plan de gestion. Parmi ceux-ci, on compte des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, d’universités, d’organismes de conservation et d’organismes/de groupes des Premières nations (y compris le Six Nations EcoCentre, la nation Oneida de la Thames, les Chippewas de la Thames, la nation Delaware et la Première nation Munsee-Delaware et le Southern First Nations Secretariat).

Dans le cadre du processus d’élaboration de la présente proposition de plan de gestion, Pêches et Océans Canada a tenté d’obtenir la participation de toutes les communautés autochtones potentiellement touchées en envoyant des trousses d’information aux chefs et aux conseils et en leur demandant de commenter le plan. En Ontario, ces trousses ont été envoyées à la Première nation Aamjiwnaang, à la Première nation Caldwell, aux Six Nations of the Grand, à la Première nation Walpole Island, au capitaine de chasse de la Metis Nation of Ontario (MNO) pour les régions 7 et 9 ainsi qu’au conseiller senior en politiques de la MNO. Au Manitoba, des trousses ont été envoyées à la Nation Brokenhead Ojibway, à la Première nation Dakota Plains, à la Première nation Fort Alexandra, à la Première nation Long Plain, à la Première nation Roseau River Anisnabe, à la Nation Sioux Valley Dakota et à la Première nation Swan Lake. Des membres de ces communautés peuvent avoir voyagé dans les eaux où cette espèce était autrefois présente ou y avoir pêché. Des appels téléphoniques de suivi ont été effectués auprès de chaque bureau communautaire afin de vérifier que les trousses avaient été reçues et demander si le bureau était intéressé à organiser une réunion pour discuter plus à fond des espèces en péril en général et du plan de gestion proposé. Jusqu’à maintenant, aucune demande n’a été présentée pour la tenue d’une réunion. Une seule communauté a formulé des commentaires indiquant qu’il s’agissait d’une espèce rarement utilisée. Le MPO a préparé une liste des organisations non gouvernementales et des municipalités qui peuvent être touchées par le plan de gestion proposé. Des trousses d’information ont été préparées pour informer ces groupes de l’approbation imminente du plan de gestion proposé et pour les inviter à commenter ce plan. En outre, une annonce a été préparée et sera publiée dans les journaux distribués dans la zone où le méné à grandes écailles a été observé par le passé afin d’informer les propriétaires terriens et le grand public sur le plan de gestion et pour obtenir leurs commentaires. Ces trousses seront envoyées et des annonces seront publiées lorsque le plan de gestion proposé sera publié dans le Registre public des espèces en péril.

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